Poésie

Entretien avec Zéno Bianu – Hyacinthe

Zéno Bianu 

«Je cherche des rubans poétiques absolus»

Les jeudis d’Hyacinthe

Poète, traducteur, essayiste et auteur d’anthologies, Zéno Bianu, né à Paris en 1950, mène depuis le début des années 70 une vie aussi véhémente que discrète en poésie.

Nous avouons lui vouer une réelle admiration et souhaitons, en nous entretenant avec lui, le faire découvrir à la fois aux lecteurs arabophones et francophones…

Rencontre 

Zéno Bianu, qui êtes-vous ? Cette question, si étonnante puisse-t-elle paraître, nous semble d’autant plus légitime que, à commencer par votre nom et prénom, vous paraissez lointain, appartenant à un monde autre.

 Zéno Bianu : Un monde complètement autre, alors. Révélé en creusant au plus vif. La poésie serait ici l’alphabet de tous les éblouissements. Comme une ultime question résonant sans fin et sans relâche. Un traité de tous les «qui suis-je», de tous les doubles traversante cœur–esprit.

De la Russie de Marina Tsvetaieva aux haïkaistes japonais classiques et modernes en passant par l’Inde des Védas à nos jours, vous semblez vouer à l’Orient une véritable passion. Comment celle-ci est-elle née et comment la vivez-vous au quotidien ?

 Zéno Bianu : Une passion, oui, qui en retour m’apprend à rayonner – depuis mes premiers voyages en Inde au début des années 70. Il s’agit toujours de ne pas perdre cette «science du retrait enchanté» dont parlait Michaux. L’Orient apparaît alors comme un espace de résistance à tous les asservissements – une force d’irrigation.

Votre prose est savante, alors que votre poésie est quasi-minimaliste. Comment écrivez-vous ?

 Zéno Bianu : Je cherche des rubans poétiques absolus. Le réel demeure toujours insuffisant. Je cherche un souffle qui empêche la langue de mourir. Tout entend dans chacun de mes livres participer d’une unité démultipliée, d’un chant en modulations constantes. Si la poésie est bien le plus haut état du langage, ne serait-elle pas aussi le plus haut état de la vie – le lieu même des interrogations humaines ?

Quels sont les poètes qui ont le plus compté pour vous ? Comment les pratiquez-vous aujourd’hui et quelle place la poésie vous paraît-elle jouer de nos jours, où la formule de Hölderlin sur la « déshérence » ou la « pénurie » est on ne peut plus actuelle ?

 Zéno Bianu : Rimbaud, Artaud, Michaux, les Poètes du Grand Jeu –ceux-là, je les lis et les relis sans fin. En des lieux et des moments précieux et sauvages. Là où le nécessaire vœu holderlinien s’incarne et se réincarne à chaque génération. Et tant d’autres encore, (dès lors qu’ils se vivent comme les fils d’une «certaine lumière»), tant d’autres dont les voix parlent en moi et me désignent les points d’excellence du monde.

Vous semblez vouer au bleuune intarissable admiration. Vous avez certes les yeux bleus, mais qu’en est-il vraiment de cette passion ?

Zéno Bianu : Le bleu se pressent comme un frère de toute éternité. Il parle au fond des yeux. Bleu à la vitesse de la vraie vie. Il permet de rêver plus juste. «Pour peindre l’espace, je me dois de me rendre sur place», disait malicieusement Yves Klein. Il y a chez moi, toujours, le projet d’une poésie qui n’en finirait pas d’émettre son magnétisme.

Le bleu en est le symbole accompli. Nous disons que le plaisir est bleu, que l’amour est bleu. Et que tout cela tressaille, au fond du cœur comme au fond du cosmos.

Beaucoup de grands poètes français et francophones sont partis au cours de ces dernières années. Comment percevez-vous le paysage poétique actuel, la poésie est-elle pérenne ou en danger, les nouvelles technologies scellent-elles la mort de la parole poétique ?

Zéno Bianu : La parole poétique tient le coup depuis Orphée et les Védas. Elle a de quoi respirer… Elle offre depuis des millénaires un ressenti-lumière, un haut pouvoir de scintillement, des milliers d’icônes porteuses de vie, des semeurs d’utopies… Cette perception vibrante des êtres et des choses ne saurait vraiment s’interrompre, quelle qu’en soit la forme…

Si vous deviez tout recommencer, quels choix feriez-vous ? Si vous deviez incarner ou vous réincarner en un mot, en un arbre, en un animal, lequel seriez-vous à chaque fois ? Enfin, si un seul de vos poèmes devait être traduit dans d’autres langues, en arabe par exemple, lequel choisiriez-vous et pourquoi ?

Zéno Bianu : J’irai plus loin encore, toujours avec Rimbaud, pour mieux embrasser l’aube d’été. Je me réincarnerai (mais suis-je déjà si sûr d’être incarné ?) en infini, en peuplier, en tigre.

Pour le poème, je choisirai Credo –soit célébration, méditation et variation.

Soit le cœur de mon travail.

Entretien avec Zéno Bianu

Entretien avec Zéno Bianu - Hyacinthe

 

 

 

 

 

Entretien conduit par Hyacinthe

Le poète

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