Mercredi en poésie avec Hatem Nagati
L’hôte
1
Le vent a soufflé de sa fenêtre
Il a brisé les vitres de l’automne
Ainsi l’été s’en est allé vin savoureux
Dégusté par l’imagination
Pareil à celui qui a allumé les chandelles
Entre ses doigts les ailes de fumée ont fondu
Sois patient…
Le temps que le sel quitte l’odeur de la nudité
C’est l’automne…
Le cou de l’été s’est brisé
Et le jeune homme a des ailes qui tendent au septième ciel
2
Pourquoi ne te voit-on t’incliner que devant un sourire
Une transe dans les profondeurs du bleu de l’eau
Et la clarté du ciel ?
Pourquoi te voit-on sans te voir ?
Seul le jeune homme d’exception
En détient le secret…
À l’aube ou au crépuscule ou en hiver
Ou à un minaret dont les incantations se sont perdues en des lieux inhabités
Monastir, août 94.
Nuages d’automne
Le vent a quitté ses refuges
A remué les tréfonds des sirènes
Par quelles issues ces merveilles nous quitteront-elles ?
Et le vent conquérant
Comment va-t-il cajoler les tresses des plus jeunes des filles ?
Surplombant le goût des raisins la salive des figues
Ainsi est l’automne…
Il a démoli le château de sable
Ses nuages ont séparé les enfants
Ils se sont allongés dans les demeures en tuiles
Sur les lèvres des questions de l’eau et de la poussière
Ainsi est l’automne…
Il invoque nos jeux de sable pour l’être
Il dessine la première aimée avec des doigts de sel
…
L’éclair spolie les yeux
Les derniers dessins s’effacent
Ainsi est l’automne…
Tous les ans il nous sert
La couleur de l’éclair
Les douleurs de la mort
L’odeur de la terre
Monastir, août 96.
Poèmes pour la fête à venir
1
J’ai entendu l’appel
J’ai ouvert ma porte
Un oiseau qui m’invite à la course
2
La pluie qui a envahi toutes les créatures
A oublié les fleurs de mon sang
3
La femme que je vénère
Déteste être une déesse
4
Mon ami d’enfance
Je l’ai serré jusqu’à la mort
Mais il était un opulent réfrigérateur
5
Quand ils ont ouvert leurs registres sécuritaires
Ils ont lu
« Hatem fils de Mohammed fils de Mohammed fils d’Ali Nagati
Passionné d’un phénomène langagier »
6
Depuis qu’on lui a volé son téléphone portable
La jeune femme a répudié l’innocence du monde
7
Quand notre cheik a annoncé que l’œil s’est appliqué du khôl avec la magie
Du croissant
J’ai compris que j’étais orphelin
8
… Ce soir personne
… Herbe qui me salue et une chute de pluie fine
Ce soir personne… personne
9
J’ai pensé à un ami…
Son téléphone n’a pas répondu…
Il a quitté la cage…
L’unique est seul
Il est fleur dans neige
Comme le beau vide…
Personne… personne…
Béni Khiar, octobre, ramadan 2006.
Poèmes Traduits par Aymen Hacen
Hatem Nagati
Né à Kairouan le 6 avril 1962, Hatem Nagati est philosophe de formation. Poète, il a publié, à l’âge de vingt ans, Danses sur les airs du désert, et, en 1995, Cités de Dieu, cités des merveilles. En 2004, il a publié L’ère des merveilles et, en 2018, Poèmes pour la vie et la patrie.
Son œuvre de poète est en harmonie avec ses recherches académiques puisqu’il a publié, en Syrie, en 1995, une étude intitulée Le concept de la cité dans le livre de La Politique d’Aristote.
Poète, essayiste et romancier (Histoires des morts, en 1997) Hatem Nagati est également un syndicaliste engagé. Membre élu des commissions de l’enseignement supérieur au sein desquelles il a longtemps défendu ses collègues, il veille sur les publications de L’Observatoire national de la lutte contre la corruption universitaire.