Songe « Passing Dreams » de Rashid Masharawi

Cinéma
Lecture de 6 min
Rashid Masharawi à la Mostra de Valence 2024 Crédit @ WIKIMEDIA

Songe « Passing Dreams »

Une quête entre poésie et résistance dans le nouveau film de Rashid Masharawi

Par Djalila Dechache

Songe « Passing Dreams » de Rashid Masharawi

Film Songe « Passing Dreams » long métrage palestinien de Rashid Masharawi, sortie nationale le 2 avril 2025.
La première projection de ce film a eu lieu lors de la 45ème édition  du prestigieux Festival du film du Caire en 2024, signant ainsi une reconnaissance de ses pairs.
Il a obtenu le prix du meilleur film palestinien, décerné par l’Union de la Radio et de la Télévision de l’organisation de la coopération.

Oû est passé mon pigeon ?

Songe a été réalisé avant le 7 octobre 2023, c’est important de le signaler parce qu’il n’aurait pas pu être filmé, même si cela ne lui a pas empêché de traverser épreuves et obstacles.
Il est question d’un jeune garçon, Sami qui veut retrouver le pigeon offert par son oncle Kamal. Ils habitent dans un camp en Cisjordanie. Il quitte sa maison en cachette de sa mère. Il se rend chez son oncle Kamal. En fond sonore la voix enchanteresse de Fairouz accompagne la matinée.
Le volatile s’est envolé, Sami s’entête à le retrouver parce qu’il veut en faire un pigeon voyageur et pour cela il faut retrouver son propriétaire.
A partir de ce moment-là, c’est le début d’un voyage peu commun à travers les territoires palestiniens qui se met en place, à partir de leur camp de réfugiés en Cisjordanie, ils vont traverser Bethléem, la vieille ville de Jérusalem et Haïfa.

A chaque distance parcourue, il faut chercher, questionner, s’arrêter aux checkpoints, fouille au corps, des cargaisons, faire demi tour…. Cependant Sami tient tête aux soldats, il prend un risque énorme sans le savoir. Bref, chacun des protagonistes apprend à se connaitre, à connaitre l’autre, évolue chacun dans son coin et aussi ensemble.

Kamal gère une entreprise de sculptures religieuses pour les touristes, il a aussi une boutique de souvenirs que Maryam tient de temps en temps. Elle s’impose pour accompagner son père et son cousin, veut devenir journaliste, et doit réaliser un reportage avec son téléphone et Sami, 12 ans presque 13 dit-il, dont le père est en prison. Il ne comprend pas pourquoi sa mère et son oncle ne se parlent plus.

Rien ne se passe comme prévu

Le temps est différent, il ne s’écoule pas de la même manière. Le réalisateur a choisi le fil conducteur du conte oriental avec des messages, des symboles, des rebondissements qui va permettre à Sami de grandir aux côtés de son oncle et de sa cousine, l‘intrépide Maryam. Sami mène le jeu face à son oncle très gentil qui résiste puis cède à la pression de son neveu. Comme dans tous les contes rien ne se passe comme prévu.

Les trois comédiens sont fantastiques de justesse et de vérité, ils sont parfaitement bien dirigés tout en restant libres. Le réalisateur filme avec doigté, délicatesse, l’enfant est pris au sérieux dans sa quête, les trois la porte et la partage, c’est beau.
Il y a même une famille russe qui habite dans la maison du propriétaire de pigeons, la communication passe par un anglais approximatif.

Ce film est grave et parfois drôle, quelques scènes témoignent d’humour de la part du réalisateur dans un contexte qui ne l’est pas du tout. Il n’en demeure pas moins que c’est un très beau film plein d’humanité et de dignité.
Maryam aussi, très gâtée par son père arrive à ses fins après quelques insistances et arguments efficaces.

Les plans de caméra sur ce pays, ses paysages, sa nature, son peuple mélangé tel Albert l’arménien le commerçant à Jérusalem et tant d’autres sont magnifiques.
Albert qui se croit malin joue un tour à Sami qui le découvre très vite.
Un autre habitant reçoit un avis d’expulsion, sans comprendre le pourquoi du comment.

« Il y a des choses qui arrivent brusquement, comme ça » dit Kamal.
A Jérusalem, dans un dédale de ruelles bondées, sonores, colorées, aux étals débordants la Via Dolorosa, entre les temples, la ferveur des croyants permet de se projeter.

Par moments on pense, toutes proportions gardées, au film remarquable de Abbas Kiarostami Ou est la maison de mon ami? C’est aussi un enfant parcourant le dédale des rues d’un pays rocailleux, sans noms ni numéros, à la recherche de son ami de classe absent de la journée.

Ce qu’on peut retenir aussi est l’extrême patience, l’empathie, des personnages, personne ne s’énerve, des regards plein de bonté, tout le monde compose avec des conditions très difficiles.
Un enseignement sans doute à se rappeler, nous qui avons perdu patience et empathie.

Rashid Masharawi

Rashid Masharawi est l’invité d’honneur de la 20e édition du Panorama des Cinémas du Maghreb et du Moyen-Orient (PCMMO, du 1er au 14 avril). Ses films « From Ground Zero », « L’anniversaire de Leila » et « Songe » seront présentés en sa présence vendredi 4 et samedi 5 avril 2025. Plus d’informations sur L’écran.

Photo de couverture : Crédit @ WIKIMEDIA

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Souffle inédit est inscrit à la Bibliothèque nationale de France sous le numéro ISSN 2739-879X.
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