Mo Harawe : « Le Village aux portes du paradis », une ode poignante à l’amour filial et à la dignité en terre somalienne
Le premier long-métrage de Mo Harawe, salué à Cannes, sort enfin dans les salles françaises
Sorti en salles ce mercredi 9 avril 2025, Le Village aux portes du paradis marque les débuts très remarqués du cinéaste somalien et autrichien Mo Harawe dans le long métrage. Présenté en mai 2024 dans la section Un certain regard au Festival de Cannes, ce film d’une rare délicatesse s’impose aujourd’hui comme un moment de cinéma essentiel, à la fois sobre et bouleversant.
Le film s’ouvre sur un extrait d’un bulletin d’information britannique : une attaque de drone a tué un membre d’Al-Qaida en Somalie. En une phrase, la violence géopolitique est posée, lointaine et froide. C’est précisément ce regard déshumanisé que Mo Harawe entend dépasser. Pendant plus de deux heures, le réalisateur nous entraîne dans le quotidien de trois personnages unis par les liens du sang, de l’amour et de la survie, dans un pays meurtri par les conflits mais habité par une humanité tenace.
Au cœur du récit, Mamargade, interprété par Ahmed Ali Farah, fossoyeur de son état, tente de préserver l’innocence de son fils, Cigaal (Ahmed Mohamud Saleban), tout en l’aidant à s’ouvrir un avenir par l’école. Autour d’eux gravite Araweelo (Anab Ahmed Ibrahim), sœur de Mamargade, présence discrète mais essentielle dans cet équilibre familial fragile. Tous trois composent un microcosme résilient dans un environnement marqué par la précarité, les deuils silencieux et l’ombre constante de la guerre.
Tourné en Somalie, pays natal du cinéaste, Le Village aux portes du paradis se distingue par une mise en scène d’une grande épure. Mo Harawe privilégie les silences, les gestes simples et les regards pour capter les élans de tendresse ou d’inquiétude. Cette retenue confère au film une émotion profonde, jamais forcée. Le travail sur la lumière, la chaleur écrasante du désert, les couleurs poussiéreuses des habitations : tout participe à cette esthétique de l’ellipse et de la pudeur, saluée par la critique comme un “film magnifique d’épure et d’émotion contenue” (Xavier Leherpeur).
À travers cette histoire modeste, Mo Harawe brosse un portrait bouleversant de la Somalie contemporaine, loin des clichés, en rendant justice aux vies invisibles. Il offre aussi une réflexion sur la paternité, l’éducation, et la capacité des êtres à faire face à la tragédie par l’amour et la transmission. Sans jamais céder au misérabilisme, Le Village aux portes du paradis raconte la dignité, la tendresse et les ruses du quotidien face à l’adversité.
Avec ce premier long-métrage, Mo Harawe s’impose comme une voix singulière et précieuse dans le paysage cinématographique international. Une œuvre à découvrir absolument.