Paris Noir : L’épopée noire racontée par l’art à Paris

Peinture
Lecture de 9 min
Bob Thompson, The Struggle [La Lutte], 1963

Exposition Paris Noir, circulations artistiques et luttes anti coloniales 1950-2000 au Centre Georges Pompidou Paris jusqu’au 30 juin 2025.

Paris Noir : Un demi-siècle de luttes et de génie artistique au cœur du Centre Pompidou

Par Djalila Dechache

Parix noir : Un demi-siècle de création et de résistance au Centre Pompidou
Gerard Sekoto, « Self-portrait », 1947 – The Kilbourn Collection – © Estate of Gerard Sekoto/Adagp, Paris, 2025 – Photo © Jacopo Salvi

C’est une fois l’avoir vue que ‘‘on mesure l’importance capitale de cette merveilleuse exposition. Elle présente cent cinquante artistes, de l’Afrique aux Amériques en passant par la Caraïbe, dont les œuvres ont rarement été montrées en France. Ce qui place cet événement parmi les plus majeurs de l‘année 2025.

Scénographiée en forme hélicoïdale, elle comporte 15 parties qui constituent un tour du monde de la production artistique noire. Et c’est prodigieux.

Paris noir
Almen Gibirila, Shooting avec deux mannequins de Black Experience, 1986

Que ce soit en peinture, dessins, sculptures, performances, installations, musiques les artistes non seulement ne sont pas absents de tous les mouvements picturaux mais le sont également avec les luttes tant pour les droits civiques aux Etats-unis que nous connaissons jusqu’à nos jours, que pour l’égalité et la visibilité des artistes dans tous domaines tant au théâtre qu‘au cinéma ou encore à la télévision en France. La population artistique noire comme celle d’autres origines a dû se battre pour exister, pour s’imposer.

PARIS NOIR
Georges Coran (1928, France) Délire et paix 1954

Paris panafricain

Cela commence dès les années 50 avec la création de la revue africaine en 1947 fondée par l’intellectuel sénégalais Alioune Diop, qui ouvre cette magnifique exposition.Cela marque le début de la prise de conscience de la négritude telle que l’a définie Léopold Sédar Senghor. Aimé Césaire et son épouse Suzanne contribuent de leur côté à affirmer une identité Martiniquaise dans la revue Tropiques. L’américain James Baldwin, en visite à Paris, se rend dans les clubs de jazz. Le premier Congrès des artistes et écrivains noirs a lieu à la Sorbonne en 1956, témoigne d’un nouvel élan, poussé par la pensée panafricaine et anti-coloniale en France. Cela va très vite, les esprits sont prêts, les énergies s’élèvent.
Edouard Glissant n’est pas loin, il soutient dès la première heure Kateb Yacine l’algérien dans son militantisme et dans ses textes.
Ils resteront amis jusqu’à la fin. L’écrivain caribéen est en pleine force littéraire son «  tout-Monde » respire déjà.

Paris noir
Papa Ibra Tall, Couple dans la nuit, vers 1965
Tapisserie en laine tissée, 221 × 162 cm
The Royal Collection/HM King Charles III
© Adagp, Paris, 2025
Photo © Royal Collection Enterprises Limited 2025 I Royal Collection Trust
Paris noir au Centre Pompidou
Wifredo Lam (1902, Cuba – 1982, France) Umbral (Seuil) 1950
Paris noir
James Baldwin et Beauford Delaney, Paris, vers 1960

Edouard Glissant est publié, ses textes engagés le sont aux Editions Présence Africaine.L’exposition lui réserve une grande place bien méritée.Il crée un nouvel espacé développé dans « Poétique de la Relation » qui est un chef d’oeuvre, un nouvel ordre mondial où l‘humain est au centre loin de toute considération capitaliste.

Paris noir au Centre Pompidou
Beauford Delaney (1901, États-Unis – 1979, France) James Baldwin vers 1945 – 1950

Paris foisonne, Paris vit à toutes vitesses, dans chaque lieu des artistes, des créations.Le Musée du Louvre et ses collections d’art africain, le Musée de l’homme aussi deviennent des écoles de relecture de l‘art au prisme des artistes noirs qui font rentrer de nouvelles formes et de nouvelles interprétations des classiques. L’art se nourrit de toute influence tout comme les artistes renouvellent les genres. Tout le monde y gagne.
Peu à peu, Paris devient le centre du monde The place to Be, pour être vu, pour exister, le Surréalisme afro-atlantique entre en scène.
Dès les années 50, c’est le Saut dans l’abstraction, des artistes s’adonnent aux collages avec des matériaux de récupération, ils s’exposent dans les galeries.

Paris noir au centre Pompidou
Demas Nwoko – Senegalese Woman [Femme sénégalaise], 1970
Collection Kavita Chellaram
© Demas Nwoko, 1960. Courtesy of New Culture foundation. All rights
reserved. Photo © kó, Lagos, Nigeria
L’histoire fait place à une nouvelle ère, les années 60, nous sommes en pleine décolonisation, le panafricanisme culturel se fait jour.La France doit rendre l’Algérie indépendante sous l‘impulsion du Général de Gaulle au bout d’une guerre de 8 ans (1954 – 1962).

James Baldwin participe à l‘organisation d’une Marche pour les droits civiques en 1963 à Paris en écho avec celle de Martin Luther King à Washington.Arrive mai 68 qui fait vaciller la société française. Le Festival Panafricain d’Alger en 1969, rassemble les artistes et les militants de plusieurs pays pendant plusieurs jours de liesse fêtant les décolonisations et les solidarités révolutionnaires.

Diagne Chanel Le Garcon de Venise 1976 Diagne Chanel Le Garcon de Venise 1976

A Paris les oeuvres d’artistes noirs présentent par des oeuvres hyper-réaliste, les conditions de vie et de travail des ouvriers étrangers. Pour le Music-Hall, de Joséphine Baker à Grace Jones, il s’agit de faire passer un message que le femme noire est belle, exotique et désirable. L’art devient la vitrine des luttes contre l’Apartheid en Afrique du Sud après avoir fait les premiers pas, la créativité noire passe à l’affirmation de soi qui apporte de la maturité.

Il n’y a qu’un pas pour défendre et représenter l’esclavage noir qui est le motif central lors des festivités et célébrations du bicentenaire de la Révolution Française.

Paris noir
Amadou Gaye, Les quartiers populaires débarquent à Paris à l’instar de ceux d’Asnières-Gennevilliers pour accueillir la Marche, 1983

Au final, mis bout à bout ces femmes et ces hommes sont très nombreux, ils réalisent à eux seuls une république multiple de l‘art sous de nombreuses facettes. Désormais l’exposition compte, existe, ici, ailleurs, aujourd’hui et demain.

Cette exposition est à visiter en plusieurs fois tant elle est dense, complexe et très bien conçue.

Liste non-exhaustive :

Frantz Absalon (France/Martinique), William Adjété Wilson (France/Bénin/Togo), Paul Ahyi (Togo),
Victor Anicet (France/Martinique), Antonio Bandeira (Brésil), Rodrigo Barrientos (Colombie), Elodie Barthélémy (France/Haïti), Romare Bearden (États-Unis), Mickaël Béthé-Sélassié (Ethiopie), Gérald Bloncourt (Haïti), Skunder Boghossian (Éthiopie), Ernest Breleur (France/Martinique), Alex Burke (France/Martinique), Agustín Cárdenas (Cuba), José Castillo (République dominicaine), Diagne Chanel ( France/Sénégal ), Ed Clark (États-Unis), Georges Coran (France/Martinique), Beauford Delaney (États-Unis), Manuèla Dikoumè (France/Cameroun), Roland Dorcély (Haïti), Henri Guédon (France/Martinique), Sebastio Januario (Brésil), Ted Joans (États-Unis), Mohammed Khadda (Algérie), Joseph-René Corail Khokho (France/Martinique) Wifredo Lam (Cuba), Christian Lattier (Côte d’Ivoire) José Legrand (France/Guyane), Guido Llinas (Cuba), Silvano Lora (République dominicaine), René Louise (France/Martinique), Mary Lovelace O’Neal (États-Unis), Sarah Maldoror (France/Guadeloupe), Miguel Marajo (France/Martinique), Iba N’Diaye (Sénégal), Kra N’Guessan (Côte d’Ivoire), Everlyn Nicodemus (Royaume-Uni/Tanzanie) Demas Nwoko (Nigeria), Vicente Pimentel (République dominicaine), Max Pinchinat (Haïti), Tony Ramos (Cap-Vert/États-Unis), Faith Ringgold (États-Unis), Roseman Robinot (France/Guyane), Michel Rovelas (France/Guadeloupe), Henry Roy (France/Haïti), Raymond Saunders (États-Unis), Gérard Sekoto (Afrique du Sud),
Younousse Seye (Paris/Sénégal), Ming Smith (États-Unis), Ousmane Sow (Sénégal), Papa Ibra Tall (Sénégal), Hervé Télémaque (France/Haïti), Bob Thompson (États-Unis), Mildred Thompson (États-Unis), Wilson Tiberio (Brésil), Luce Turnier (France/Haïti).

Paris noir
Élodie Barthélemy, Hommage aux ancêtres marrons, 1994

Commissariat :

Alicia Knock, conservatrice, cheffe du service de la création contemporaine et prospective, Musée national d’art moderne − Centre Pompidou.

Commissaires associé.es : Éva Barois De Caevel, conservatrice, Aurélien Bernard, Laure Chauvelot, et Marie Siguier, attaché.(es) de conservation, service de la création contemporaine et prospective, Musée national d’art moderne − Centre Pompidou.Paris.

En collaboration avec un réseau de conseillers scientifiques.

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Souffle inédit est inscrit à la Bibliothèque nationale de France sous le numéro ISSN 2739-879X.
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