Cate Blanchett brille dans « Rumours, nuit blanche au sommet »

Cinéma
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Le film réunit une distribution internationale prestigieuse — Cate Blanchett, Denis Ménochet, Charles Dance, Roy Dupuis — pour incarner les dirigeants d’un monde au bord du gouffre.

Cate Blanchett, Denis Ménochet dans « Rumours, nuit blanche au sommet » : Sommet mondial ou grand délire ?

Une farce grinçante au sommet du G7

À mi-chemin entre théâtre d’ombres et fable post-apocalyptique, Rumours, nuit blanche au sommet, réalisé par Guy Maddin avec les frères Evan et Galen Johnson, s’impose comme un ovni cinématographique. Présenté à Cannes l’an dernier et désormais en salle en France depuis le 7 mai, le film réunit une distribution internationale prestigieuse — Cate Blanchett, Denis Ménochet, Charles Dance, Roy Dupuis — pour incarner les dirigeants d’un monde au bord du gouffre, réunis pour un sommet du G7 à Dankerode, village allemand transformé en huis clos kafkaïen.

L’intrigue, aussi absurde que maîtrisée, débute sur des rails classiques : une réunion d’urgence convoquée pour répondre à une crise planétaire indéterminée. Mais rapidement, les chefs d’État — caricaturaux jusqu’à l’absurde — se retrouvent piégés dans une forêt hantée par des zombies mythologiques, un cerveau géant désincarné, et une intelligence artificielle traqueuse de pédophiles. Le ton bascule alors dans un surréalisme débridé, où la satire politique prend des allures de cauchemar psychédélique.

Des dirigeants déconnectés et grotesques

Cate Blanchett incarne une chancelière allemande au flegme olympien, tandis que Denis Ménochet, en président français à la démarche incertaine, mêle verbe ampoulé et posture grotesque. Charles Dance, en président américain à l’accent britannique inexplicable, campe une figure de pouvoir sénile et cynique, dans un clin d’œil évident à l’actuel paysage politique mondial.

Le film, qualifié par The Globe and Mail de “farce poétique surréaliste”, assume sa veine burlesque, souvent jusqu’à l’excès. Entre satire géopolitique et performance d’acteurs réjouissante, il accumule les références cryptiques et les ruptures de ton, dans une mise en scène à l’opposé du style onirique flou que l’on associait jusqu’ici à Guy Maddin.

Un tournant dans la filmographie de Guy Maddin

Connu pour son cinéma expressionniste nourri d’expérimentations visuelles et narratives, Maddin propose ici un film au format plus accessible — ce qu’il appelle lui-même son premier « normie ». Mais que les amateurs de son univers se rassurent : les fondements absurdes et poétiques de son style demeurent intacts. Ce sommet diplomatique déconnecté du réel devient le prétexte à une dissection acide de nos élites, engluées dans le verbiage technocratique et l’auto-congratulation creuse.

Si certaines séquences frisent la parodie outrancière, l’ensemble séduit par sa cohérence esthétique et la jubilation de son casting, visiblement complice de cette entreprise déjantée. Le rire qu’il provoque est souvent jaune, tant la fiction semble parfois rattrapée par le réel.

Une farce de l’ère post-vérité

Avec Rumours, nuit blanche au sommet, Maddin et les frères Johnson livrent une satire à la fois burlesque et désespérée, qui interroge la vacuité du discours politique contemporain et les logiques de pouvoir en vase clos. En plaçant ses dirigeants dans une situation aussi absurde qu’angoissante, le film tend un miroir déformant mais lucide à notre époque, entre fin du monde et fin des mots.

Un sommet du G7 sous acide, porté par des figures emblématiques du cinéma, où la politique perd toute gravité pour mieux révéler sa propre dérive. Une nuit blanche, vraiment — mais surtout un cauchemar éveillé.

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Souffle inédit est inscrit à la Bibliothèque nationale de France sous le numéro ISSN 2739-879X.
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