« Elle était ici » de John Peter Portelli

Poésie
Lecture de 5 min
@ John Peter Portelli

« Elle était ici » est un recueil du poète maltais John Peter Portelli, traduit en arabe par la poétesse tunisienne Sonya Maddouri.

Elle était ici de John Peter Portelli : La Palestine, encore et toujours 

Les jeudis littéraires d’Aymen Hacen

Une poétesse tunisienne, Sonya Maddouri, qui dirige depuis quelques années Alferdaws Édition, traduit en arabe et publie Elle était ici, un recueil du poète maltais John Peter Portelli.

Elle était ici de John Peter Portelli
Sonya Maddouri

D’emblée, nous sommes saisis par la dédicace : « À Khaled Arar, Rima Daas, Nibal Khalil, Walid Nabhan, Zouhair Najjar, Hanin Samir Mqadeh », noms arabes, noms de Palestine ; puis par l’épigraphe, empruntée au grand poète de la Palestine, devenu celui de l’Humanité, Mahmoud Darwich, avec ces vers :

Aucune terre n’est aussi étroite qu’un pot de roses,
comme ta propre terre
Ni aucune terre n’est aussi large qu’un livre,
comme ta terre
Tes visions ton exil dans un monde
où l’ombre n’a ni identité
Ni gravité.

Ainsi s’ouvre Elle était ici, de John Peter Portelli, et celle-ci n’est autre que la Palestine, où le poète maltais — qui partage son temps entre Toronto où il enseigne et la Méditerranée où il erre comme notre ancêtre Ulysse —, entre dans cet Orient à la fois lumineux et obscur par la porte de « Haïfa », avec un poème inaugural à l’image de ce recueil oscillant entre lumière et ténèbres :

La mer bruissante de Haïfa
attirant les galets blancs
et un garçon arabe ramassant le sable doré
effrayé par le vent affamé
et les enfants jouent avec les coquillages
prêts à affronter tous les fardeaux
à surmonter tous les obstacles

Le cri des mouettes qui se débattent
me réveille
tandis qu’une abeille pique
la tranquillité de ma main

Haïfa est une femme agile
pieds nus
embellie par les troupeaux de chameaux

et je suis allé à la recherche d’un café
quand tu m’as demandé d’où je venais
et avant de répondre
tu as murmuré
Palestinien peut-être ?
Maltais, ai-je répondu, et toi ?
silence
et toi ?
silence
et je me suis risqué à demander : Palestinienne ?
oui, murmura-t-elle honteusement
comme si elle n’avait rien à faire ici

Le ton est donné, dramatique, parfois léger car rivé au quotidien, mais toujours tendu, à l’image de la situation explosive, tragique de la Palestine. D’ailleurs, le deuxième poème s’intitule « Ici, dans les ruines ». Pour ainsi dire, John Portelli n’est ni un touriste égaré ni un poète du dimanche, il est là pour voir, vivre, témoigner et créer. Elle était ici, oui, pour qu’elle soit ici, infiniment, comme dans le poème éponyme qui ne cache pas cette appartenance ou, mieux, cette affiliation :

Pendant que tu conduisais la voiture
J’entendais tes pleurs
Les larmes vertes coulent le long
Du mur de séparation

Par ici est passé un fleuve palestinien
Ici il y avait un village palestinien
Ici il y avait une ville palestinienne
Ici il y avait un champ palestinien
Ici, ici…

Une nation effacée
Par des squelettes en béton armé…

COUV ELLE ETAIT ICI COUV ELLE ETAIT ICI

Avec l’ampleur que les choses ont prises depuis le 7 octobre 2023, notamment la barbarie israélienne dans la riposte sur Gaza, les civils, les enfants, qui ne peut être traitée que de génocide, la voix de John Peter Portelli. dit haut et fort ce que certaines bouches occidentales se mettent enfin à exprimer. Le courage de Sonya Maddouri d’avoir traduit et publié ce volume est à ce titre exemplaire car il nous rappelle qu’elle était, qu’elle est et qu’elle sera toujours Palestine. Courage à louer, courage juste au nom d’une cause extrêmement juste parce qu’elle est en train de mettre notre humanité, toute l’Humanité, à l’épreuve.

Site web
Lire aussi
Poésie
Partager cet article
Suivre :
Souffle inédit est inscrit à la Bibliothèque nationale de France sous le numéro ISSN 2739-879X.
Laisser un commentaire