Mort de Sonallah Ibrahim, la plume libre de l’Égypte

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Photo : Imagination on Trial / Wikimédia

L’écrivain égyptien Sonallah Ibrahim, figure majeure de la littérature arabe engagée, est décédé à 88 ans. Retour sur la carrière et l’héritage de cette plume rebelle.

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Mort de Sonallah Ibrahim, écrivain égyptien et conscience rebelle du monde arabe

Le monde littéraire arabe est en deuil. L’écrivain et romancier égyptien Sonallah Ibrahim, l’une des voix les plus libres et intransigeantes de la littérature contemporaine, est décédé ce mercredi 13 août 2025 à l’âge de 88 ans, après une longue lutte contre la maladie. Auteur d’une œuvre dense et profondément engagée, il laisse derrière lui un héritage qui a façonné la pensée critique et la conscience sociale de plusieurs générations de lecteurs dans le monde arabe.

Une vie marquée par l’engagement et la liberté de ton

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Né au Caire en 1937, Sonallah Ibrahim s’impose dès les années 1960 comme un écrivain hors du cadre, refusant tout compromis avec le pouvoir. Emprisonné sous le régime de Gamal Abdel Nasser pour ses convictions politiques, il transforme l’expérience carcérale en matériau littéraire. Ce rapport direct au réel, ancré dans la critique des dérives autoritaires et des inégalités sociales, deviendra la marque de son œuvre.

Connu pour son style épuré et son refus des effets stylistiques superflus, il choisit une langue simple, presque sèche, pour mieux révéler les fractures sociales, les hypocrisies politiques et la violence des rapports humains. Son écriture, sans concession, lui vaut autant l’admiration de ses lecteurs que les critiques du pouvoir.

Des romans qui bousculent et questionnent

Sonallah Ibrahim a signé plusieurs ouvrages devenus des références de la littérature arabe contemporaine. Parmi les plus marquants :

  • Zaat (1992), portrait satirique d’une fonctionnaire égyptienne, adaptation réussie en série télévisée ;
  • Beirut, Beirut (1984), plongée dans les ravages de la guerre civile libanaise ;
  • Charaf (1997), récit sombre d’une jeunesse brisée, récompensé par le prix de la meilleure œuvre romanesque égyptienne en 1998 ;
  • Le Comité (1981), allégorie politique devenue culte, sur l’absurdité bureaucratique et l’oppression.

Ses livres, traduits dans plusieurs langues, sont étudiés dans les universités et continuent d’inspirer écrivains, cinéastes et chercheurs.

Reconnaissance et refus des honneurs

Fidèle à son esprit d’indépendance, Sonallah Ibrahim a souvent refusé les distinctions officielles lorsqu’elles venaient de régimes qu’il jugeait autoritaires. En 2003, il décline le prix du ministère égyptien de la Culture en dénonçant la corruption et l’absence de libertés. Pourtant, il reçoit des récompenses internationales prestigieuses, comme le prix Ibn Rushd pour la pensée libre, saluant son courage intellectuel.

Une figure nationale respectée

Ces dernières années, son état de santé préoccupait le public égyptien après une fracture nécessitant une opération. Le président Abdel Fattah al-Sissi lui avait adressé ses vœux de rétablissement et le ministre de la Culture lui avait rendu visite à l’hôpital. Des gestes officiels qui témoignaient, malgré les divergences passées, de la place unique qu’occupait l’auteur dans la mémoire culturelle de l’Égypte.

Un héritage indélébile

Par son regard lucide et son engagement constant, Sonallah Ibrahim a contribué à faire de la littérature un outil de résistance et de réflexion. Ses œuvres continueront de nourrir le débat sur la liberté, la justice et l’identité dans le monde arabe.

Photo de couverture @ Wikimédia 
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Souffle inédit est inscrit à la Bibliothèque nationale de France sous le numéro ISSN 2739-879X.
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