Pianiste et chanteur palestinien, Faraj Suleiman se distingue par un style mêlant jazz, musique arabe et influences contemporaines. Rencontre avec un musicien qui fait vibrer le public européen tout en racontant l’histoire et les blessures de sa terre natale.
Faraj Suleiman : entre piano et mémoire, le souffle d’un artiste palestinien
Faraj Suleiman, le pianiste virtuose de Palestine
Entretien conduit Par Mélanie Tuyssuzian
Avec près de neuf albums à son actif, Faraj Suleiman a composé pour le théâtre et le cinéma, et s’est même produit dans de grands festivals comme ceux de Montreux ou de Londres. Aujourd’hui, le pianiste et chanteur palestinien s’impose sur la scène internationale grâce à son style unique et poursuit sa tournée européenne. Souffle Inédit l’a rencontré lors de son passage à Paris pour un concert au Cabaret Sauvage, le 11 octobre 2025.
M.T : Comment vous sentez-vous après votre performance à Paris ?
Faraj Suleiman : Ce n’est pas la première fois que je joue ici, mais après deux ans d’annulations de concerts à cause de la guerre, c’était incroyable de retrouver le public. J’y ai vu beaucoup de Français, et pour moi, c’est vraiment intéressant. Je me demande comment ils ressentent les chansons et s’ils comprennent les paroles ? En tout cas, c’était un moment extraordinaire.
M.T : Comment définiriez-vous votre style musical ?
Faraj Suleiman : Je dirais qu’il s’agit d’une musique arabe moderne, avec quelques touches de jazz, de rock, et parfois même de tango. On parle souvent de “jazz arabe”, il y a probablement de ça. Mais j’écoute de tout pour m’inspirer, donc on retrouve autant de pop que de musique classique.
M.T : Vous composez avec un ami, souvent chargé d’écrire les paroles. Comment se déroule ce processus de création ?
Faraj Suleiman : Cela repose sur de nombreux échanges. Il écrit un premier brouillon du texte, puis nous en discutons. J’y ajoute ensuite la première mélodie, la première composition, pour lui montrer. Et nous nous laissons ensuite guider par la musique, qui oriente les paroles. Avec l’instrumental, c’est différent : je travaille seul, je m’assieds simplement au piano et je joue. C’est très simple, je peux composer des morceaux en 10 minutes.
M.T : Votre dernier album, Maryam, est sorti en janvier dernier. De quoi parle-t-il ?
Faraj Suleiman : L’album raconte l’histoire d’un couple et la douleur de perdre quelqu’un deux fois : la première fois, à cause d’une rupture, et la seconde, à cause de la guerre. Il décrit leur vie d’avant, puis l’après, le deuil, alors que la femme a été tuée. Il n’y a pas vraiment de message à transmettre, nous souhaitons surtout dépeindre des situations qui se déroulent aujourd’hui.
M.T : Votre titre Questions On My Mind est votre plus grand succès. Comment l’expliquez-vous ?
Faraj Suleiman : Le public s’identifie à cette chanson, car elle évoque une terre natale. Pour moi, il s’agit de Haïfa, au nord d’Israël, la ville où j’ai passé la majeure partie de ma vie. Mais elle touche tout le monde, parce qu’elle rappelle à chacun son quartier, sa vie d’avant, dans son pays d’origine et je trouve ça beau.
M.T : Avez-vous toujours rêvé de devenir musicien? Et chanteur ?
Faraj Suleiman : Au début, je ne pensais pas chanter, mais je l’ai fait une fois lors d’un concert à Haïfa, en 2017, et le public m’a demandé de continuer. Alors je suis devenu chanteur. J’ai toujours souhaité faire ce métier, car j’aime la musique et réaliser des concerts. Je me sens vivant lorsque je joue. La scène, c’est l’endroit où je me sens le mieux et où j’aimerais rester toute ma vie.