Lumières françaises : de la cour de Versailles à Agen

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François-Hubert Drouais (Paris, 1727-1775) Portrait de Madame Du Barry en Flore, 1773-1774, huile sur toile, 1 Ai, ©Musée des Beaux-Arts d'Agen

Du 5 décembre 2025 au 8 mars 2026, l’église des Jacobins accueille l’exposition « Lumières françaises », un voyage ample et nuancé dans le XVIIIᵉ siècle agenais. À travers plus de 270 œuvres, dont des prêts majeurs du château de Versailles, le musée des Beaux-Arts d’Agen retrace le basculement d’un territoire aux prises avec les idées nouvelles, les ambitions politiques et une esthétique en pleine mutation.

Lumières françaises : un patrimoine en dialogue avec Versailles

L’Agenais au cœur du XVIIIᵉ siècle

L’exposition éclaire une période de transformation profonde. Situé sur un axe stratégique entre Toulouse et Bordeaux, l’Agenais voit au XVIIIᵉ siècle son économie se développer, soutenue par le commerce fluvial et un artisanat en plein essor. Ce dynamisme contribue à l’émergence d’une élite curieuse des débats qui animent alors le royaume : progrès des sciences, questionnement du pouvoir, nouvelles formes de sociabilité.

L’exil du duc Emmanuel-Armand d’Aiguillon, ancien ministre de Louis XV, marque un tournant. Installé sur ses terres d’Aiguillon à partir de 1775, il introduit dans la région un art de vivre inspiré de Versailles, fréquenté lui-même par les grandes figures de la cour, dont Madame Du Barry. Autour de lui se dessinent des projets d’embellissement, des réseaux intellectuels et un mécénat qui façonne durablement l’identité du territoire.

Lumières françaises
François-Hubert Drouais (Paris, 1727-1775)
Portrait de Madame Du Barry en Flore, 1773-1774, huile sur toile, 1 Ai, ©Musée des Beaux-Arts d’Agen

Une exposition d’envergure nationale

Labellisée Exposition d’intérêt national, « Lumières françaises » réunit pour la première fois les pièces restaurées de la collection des ducs d’Aiguillon, enrichies de prêts exceptionnels du château de Versailles, du Louvre, de la Bibliothèque nationale de France et de nombreuses institutions françaises et européennes.

Le parcours, imaginé par Adrien Enfedaque, conservateur du musée d’Agen, explore cinq axes majeurs :
– les pouvoirs politique, religieux et économique ;
– les usages et le raffinement quotidien à la cour ;
– le mécénat artistique autour du duc d’Aiguillon et de Madame Du Barry ;
– les transformations urbaines et architecturales de l’Agenais ;
– la circulation des idées des Lumières, stimulée par la figure tutélaire de Montesquieu et par la création de la Société académique d’Agen en 1776.

Une scénographie immersive, déployée sous les voûtes de l’église des Jacobins, ouvre un espace où tableaux, objets d’art, archives et documents dialoguent pour restituer la densité culturelle d’un siècle fécond.

Les œuvres phares

Parmi les pièces emblématiques, le visiteur retrouve des portraits majeurs signés François-Hubert Drouais, dont la célèbre Madame Du Barry en Flore et plusieurs tableaux des princesses de France. Les œuvres conservées à Agen – peintures, pastels, gouaches, porcelaines – témoignent du goût des élites pour les arts décoratifs et l’exotisme venu d’Extrême-Orient.

La restauration de soixante-dix-huit œuvres, dont de récents achats du musée, permet d’exposer des ensembles rarement présentés au public : service en porcelaine aux armes du duc d’Aiguillon, paysages de Van Blarenberghe, ou encore un portrait intime du comte de Lacépède peint par Garneray.

Lumières françaises
François Hubert Drouais (Paris, 1727-1775), atelier de
Emmanuel Armand Vignerot, duc d’Aiguillon (1720-1788), 2014.3.1
Musée des Beaux-Arts d’Agen
© Musée des Beaux-Arts d’Agen, photo Alban Gilbert

Les prêts versaillais prennent une place significative dans le récit : bustes royaux, portraits de ministres, figures liées à la maison d’Aiguillon, dont le spectaculaire Buste d’Alexandre le Grand sculpté par Girardon. Chacune de ces œuvres vient rappeler la proximité politique et esthétique entre Versailles et Aiguillon.

Lumières françaises
François-Hubert Drouais
(Paris, 1727-1775)
Portrait de Madame Sophie,
vers 1770, huile sur toile, 10 Ai,
©Musée des Beaux-Arts d’Agen

L’église des Jacobins, écrin de mémoire

Lieu majeur du patrimoine agenais, l’église des Jacobins accueille les expositions temporaires du musée depuis 1990. Ses volumes gothiques, restaurés et classés au titre des monuments historiques, offrent un contrepoint sobre aux fastes du XVIIIᵉ siècle exposé.
C’est dans cette architecture habitée par l’histoire que sont attendus plusieurs temps forts : visites commentées, nocturnes, ateliers familiaux, conférences et rencontres avec les commissaires.

Lumières française
Château de Versailles ©Thomas Garnier

Une résonance sur le territoire

Le projet s’étend au-delà des murs du musée. Des projections, spectacles et visites urbaines compléteront l’exposition, tandis qu’un catalogue de référence, publié chez Silvana Editoriale, rassemblera les contributions de spécialistes du siècle des Lumières. En 2026, une résonance sera également présentée à Aiguillon, dans l’ancien château ducal.

Louis-Michel van Loo (Toulon, 1707-Paris, 1771),
Etienne-François duc de Choiseul-Stainville,
ministre d’Etat (1719-1785), Huile sur toile, 1763, MV 3845
Musée national des châteaux de Versailles
et de Trianon © Château de Versailles, Dist. RMN
© Christophe Fouin
Lumière françaises
Charles de La Fosse (Paris, 1636-1716)
Le Triomphe de Galatée (zoom)
Huile sur toile, vers 1670 – Inv. 22 Ai
Musée des Beaux-Arts d’Agen
©Musée des Beaux-Arts d’Agen, photo Sophie Deyrolle

Un moment charnière avant la rénovation du musée

« Lumières françaises » constitue la dernière grande exposition avant la fermeture temporaire du musée des Beaux-Arts d’Agen pour travaux dès 2026. Durant cette période, une sélection de chefs-d’œuvre sera présentée aux Jacobins, assurant la continuité d’un dialogue entre patrimoine et création.

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Souffle inédit est inscrit à la Bibliothèque nationale de France sous le numéro ISSN 2739-879X.
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