Entre Sicile et Milan, Valerio Mello déploie une poésie de la transplantation et du silence, où le jardin devient un espace mental, traversé par la mémoire, la perte et la régénération. Trois poèmes extraits de Giardini pensili, traduits de l’italien par Irène Dubœuf.
Valerio Mello : Trois poèmes extraits de Giardini pensili, (Jardins suspendus)
Tempo Libro Srl – Milan, 2015 (pages 25, 32 et 71)
Traduction de l’italien : Irène Dubœuf
Jardins suspendus
L’âme est le lieu dont on ne parle pas,
où poussent les squelettes des fleurs ;
et tous les squelettes des fleurs constituent l’âme.
J’ai laissé des clés dans cette terre :
les clés incommensurables du Moi.
L’âme est là où elle doit être.
Les feuilles verdoyantes, les feuilles assoiffées.
Le jardin dans lequel je cohabite
avec ma pensée, dans la retenue qu’est la mienne :
une vertu circonscrite à la blessure de ma transplantation.
Je sens quand je me meurs.
Agrigente
Je n’ai jamais tout dit
à la face ridée du dieu de pierre.
Je me perdais dans des prières ensevelies,
dans la sueur des mandariniers au fond de la vallée.
Je porte la ruralité d’un cœur
que le passé n’a jamais vaincu.
Agrigente
Derniers mots au jardin
Le jardin de cendres et de vide
recommence à fleurir.
Les organismes se réadaptent à la vie terrestre,
les plantes sont en mouvement,
bien que tout soit immobile dans le jardin,
l’air est immobile
sous une lentille grossissante.
La verdure s’anime,
s’habitue de nouveau au climat
de nouveau se gorge d’engrais.
Je vais vers les arbres fruitiers
par un chemin nocturne ;
poussé par le langage propre à l’illumination,
je distingue mes zones d’ombre.
L’onde restituera le repos :
un faisceau de quiétude,
l’image des insectes et des lézards.
L’âme entrera dans le renouveau de l’instant.
Chaque goutte de vide introduira dans la vie
le principe immatériel.
Mon jardin au royaume des lieux sauvés.
Milan
Valerio Mello, poète italien, est né en 1985 en Sicile, à Agrigente. Il vit à Milan depuis de nombreuses années. Il a publié les recueils de poèmes : Versi Inferi, Tracce, 2010, La nobiltà dell’ombra, La Vita Felice, 2013, Asfalto, La Vita Felice, 2014, Giardini pensili, La Vita Felice, 2015, Cercando Ulisse, Pequod, 2017, Da qualche parte nella vita, Pequod, 2019, Rive, Ensemble, 2022, Hypsas, Ensemble, 2024 et quelques livrets aux éditions Pulcinoefefante d’Alberto Casiraghi. En 2019, il a reçu le prix international « Lord Byron, Porto Venere, Golfe des Poètes ». En 2023, il a été nommé Cavaliere Accademico di Grazia dall’Accademia de’ Nobili di Firenze et, en 2024, Accademico Corrispondente dell’Accademia Cosentina. Il fait partie de la rédaction du mensuel L’Eracliano, organe de l’Accademia de’ Nobili di Firenze.




