« Fanon » – Un portrait cinématographique puissant du psychiatre anticolonialiste
Le 2 avril 2025, « Fanon » de Jean-Claude Barny a pris l’affiche, s’imposant d’emblée comme un biopic essentiel. Ce film, loin d’être une simple reconstitution historique, explore avec profondeur les ressorts intimes de la pensée et des engagements de Frantz Fanon, figure incontournable de la lutte anticolonialiste. Avec une mise en scène sobre et un récit poignant, Barny donne à voir un homme en perpétuel questionnement, dont la trajectoire est marquée par un combat pour la dignité et la justice.
Une immersion dans l’Algérie coloniale
En 1953, Frantz Fanon (interprété par Alexandre Bouyer) est nommé médecin-chef de la clinique psychiatrique de Blida-Joinville, en Algérie française. Dès son arrivée, il est confronté au racisme structurel qui gangrène la société coloniale. La mise en scène de Barny insiste sur ces humiliations ordinaires : un gardien de l’hôpital refuse d’abord de croire qu’un homme noir puisse occuper un poste de responsabilité, tandis que ses confrères européens désapprouvent ses méthodes novatrices.
Refusant les pratiques discriminatoires, Fanon bouleverse les codes en libérant les patients algériens enfermés sans justification médicale, contrairement à leurs homologues français. Le cinéaste illustre ainsi la collision entre un système colonial oppressif et la volonté d’un homme d’y résister. Peu à peu, l’engagement intellectuel de Fanon se transforme en action politique : il rejoint le Front de libération nationale (FLN) et met son savoir au service de la cause algérienne.
Une esthétique sobre et percutante
Le film adopte une narration chronologique ponctuée de flashbacks, où Fanon s’adresse directement au spectateur, offrant un dialogue intime et introspectif. La photographie, dominée par des teintes froides, contraste avec des flashs de rouge qui viennent hanter la mémoire du protagoniste, symbolisant la violence omniprésente. La musique lancinante de Thibault Kientz-Agyeman et Ludovic Louis accompagne cette atmosphère pesante, accentuant la tension dramatique.
Alexandre Bouyer livre une performance habitée, incarnant avec justesse la complexité de Fanon, entre retenue et déflagration intérieure. Aux côtés de Déborah François, qui joue Josie Fanon, et Mehdi Senoussi, le casting contribue à ancrer le film dans une authenticité bouleversante.
Une réflexion toujours actuelle
Si le film s’inscrit dans une perspective historique, il résonne également avec les débats contemporains sur les violences systémiques et la déshumanisation des peuples colonisés. La théorie de Fanon sur l’impact psychologique du colonialisme trouve un écho troublant dans de nombreuses sociétés actuelles. Barny, en mettant en lumière cette pensée toujours pertinente, signe un film nécessaire et marquant.
Fiche technique :
- Réalisation : Jean-Claude Barny
- Distribution : Alexandre Bouyer, Déborah François, Mehdi Senoussi, Stanislas Merhar
- Pays : Canada, Luxembourg, France
- Durée : 2h13
- Sortie : 2 avril 2025
- Distributeur : Eurozoom
Avec « Fanon », Jean-Claude Barny signe une œuvre cinématographique aussi dense que nécessaire, redonnant toute sa place à un intellectuel trop longtemps occulté.