Le rappeur tunisien Ahmed Laabidi, plus connu sous le nom de Kafon, est décédé ce samedi 10 mai 2025 à l’âge de 43 ans.
Décès de Kafon : la Tunisie perd un artiste engagé, une voix sans artifice
La nouvelle a provoqué une onde de choc dans le monde de la musique et au sein d’une jeunesse qui s’était reconnue, pendant plus d’une décennie, dans ses textes sans concessions et son flow brut.
Originaire de La Goulette, Kafon incarnait une parole libre issue des quartiers populaires. Il s’était imposé en 2013 comme une figure majeure de la scène rap avec Houmani, morceau devenu emblématique, coécrit avec Mohamed Amine Hamzaoui (Lak3y). Véritable hymne post-révolution, cette chanson, dénonçant la marginalisation des jeunes des quartiers, avait rencontré un écho massif, dépassant les frontières tunisiennes et atteignant plusieurs dizaines de millions de vues sur YouTube.
Dans un paysage musical souvent lissé, Kafon avait choisi une voie radicalement authentique. Ses textes, empreints de réalisme social, ont touché une génération en mal de représentation. Des morceaux comme Maâlich, El Ayem, La Résistance ou Manich Mnin témoignaient d’un engagement constant : celui de raconter la rue, les injustices, les espoirs brisés et la dignité retrouvée.
Son parcours fut aussi marqué par des épisodes de turbulence. Incarcéré pour consommation de cannabis, il avait su transformer cette épreuve personnelle en matière artistique, puisant dans ses blessures pour nourrir une œuvre toujours plus sincère.
Au-delà du rap, Kafon avait élargi son champ d’expression à la télévision, notamment dans les séries Nouba et Ragouj, où il révélait un talent d’acteur à la hauteur de son intensité scénique. Cette diversification témoignait de sa volonté d’explorer d’autres formes de narration, tout en restant fidèle à son vécu et à ses origines.
Depuis l’annonce de sa mort, les hommages affluent sur les réseaux sociaux. De nombreux artistes tunisiens et maghrébins saluent la mémoire d’un “artiste vrai”, “porte-voix des sans-voix”, dont l’empreinte dépasse la musique pour toucher au cœur même de la société tunisienne.
Le ministère des Affaires culturelles n’a pas encore communiqué officiellement, mais plusieurs personnalités du monde artistique appellent d’ores et déjà à organiser un hommage national à celui qui a su élever le rap tunisien au rang d’art social et poétique.
Kafon laisse derrière lui une œuvre dense, populaire, et profondément ancrée dans la réalité tunisienne. Son décès marque la fin d’un chapitre essentiel du rap arabe contemporain, mais son influence perdurera à travers les mots, les sons et les luttes qu’il a su faire vibrer.
En chantant “le journal intime des oubliés”, Kafon aura donné une voix à ceux que l’on n’écoute pas. Aujourd’hui, c’est tout un pays qui l’écoute une dernière fois, avec respect et gratitude.