Hassan Ayad, ce jeune réfugié palestinien du camp de Nuseirat à Gaza, a perdu la vie lors d’une frappe aérienne israélienne.
L’enfant qui chantait sous les bombes : la voix de Hassan Ayad, 13 ans, réduite au silence à Gaza
Hassan Ayad : L’hymne des enfants de Gaza fait écho à la résistance de Beyrouth
Il avait treize ans. Son visage était encore celui de l’enfance, mais sa voix transportait une histoire plus lourde que bien des vies entières. Hassan Ayad, ce jeune réfugié palestinien du camp de Nuseirat à Gaza, a perdu la vie lors d’une frappe aérienne israélienne. Quelques jours avant ce tragique événement, il s’était exprimé, d’une voix pure et vibrante, en entonnant un hymne légué par un autre siège, celui de Beyrouth en 1982. À travers ses notes, les cicatrices du passé retrouvaient leur force dans le présent.
« Sois témoin, ô monde, de ce qu’ils nous ont fait… » Ces paroles, Hassan les chantait sans accompagnement, sans fioriture. Il les incarnait comme une vérité tangible. Ce chant n’était pas un spectacle : c’était une mémoire vivante. Un cri à peine masqué, enveloppé de mélodie, mais d’une profonde gravité. La chanson qu’interprétait le jeune garçon n’était autre qu’un poème d’Ahmad Dahbour, mis en musique au cœur de la guerre du Liban et rendu célèbre par le groupe palestinien Al-Ashiqeen. À l’époque, elle dénonçait les massacres de Sabra et Chatila, l’invasion de Beyrouth, et le silence complice de ceux au pouvoir. Plus de quarante ans se sont écoulés, et Hassan Ayad l’a reprise pour Gaza, ravivant ses braises dans un paysage de ruines, de famine et d’exil intérieur.
Une voix délicate pour exprimer l’indicible
Dans une vidéo devenue virale, on aperçoit Hassan chanter aux côtés de son père. Sa voix n’avait pas encore mué, mais elle dégageait une maîtrise que seules la souffrance et l’urgence peuvent enseigner. Il ne chantait pas pour la gloire, mais par nécessité de ne pas se taire. Il ne savait pas qu’il enregistrait ce qui serait vu comme son propre adieu au monde. La vidéo a ému bien au-delà des frontières palestiniennes. Sur les réseaux sociaux, les hommages se sont succédé : « Il était notre voisin, il était notre flamme chaque vendredi », témoigne un habitant de Gaza. Une autre voix ajoute : « Il a chanté pour nous tous, puis il est parti, avant la dernière note. »
Hassan n’avait pas suivi de cours de musique. Celle-ci l’inspirait sous les décombres, dans les soupirs de sa mère, dans l’écho des explosions. Il chantait pour ceux que plus rien ne touche. Sa chanson documentait l’agonie quotidienne de Gaza : la faim, la soif, les frappes aériennes, le deuil interminable.
Une résistance chantée
Le chant de Hassan n’était pas un hommage ordinaire. C’était une transmission. Un pont entre les ruelles défigurées de Beyrouth et les ruines de Gaza. Entre deux générations qui refusent de se taire, en dépit de l’injustice et de l’oubli. À Beyrouth, en 1982, les paroles étaient un cri dans l’obscurité du siège. À Gaza, en 2024, elles sont devenues une prière que Hassan a portée, seul, tel un flambeau. « Ils ont fermé les passages, les gens meurent de faim… Qu’est-ce que cette guerre nazie ? », chantait-il, réadaptant les mots de Dahbour à la tragédie actuelle. Ce n’était plus une chanson d’un autre temps. C’était un message direct. Une adresse au monde.
Dans cette voix, certains ont entendu les échos des enfants de la première intifada. Ces enfants qui n’ont pas grandi avec des histoires féeriques, mais avec le vrombissement des drones, les murs effondrés, l’exil dans leur propre foyer.
Un témoin réduit au silence
Il n’était qu’un enfant. Mais un enfant qui témoignait. Une voix vivante, désormais étouffée par le fracas d’une bombe. Son chant aurait dû voyager à travers les stades, les écoles, les radios, éveiller les consciences. Il n’aura traversé que quelques jours de guerre avant que sa voix ne soit réduite au silence.
Hassan Ayad, 2011–2024. Son chant n’était pas une fin, mais un écho. Le monde l’a entendu. Le monde doit répondre.