Arles : Nan Goldin dénonce la guerre à Gaza

Actualités
Lecture de 5 min
Photo : Elena Ternovaja / Wikimédia

Mardi 8 juillet 2025, devant un Théâtre antique d’Arles comble, la photographe américaine Nan Goldin a transformé la cérémonie du Prix Women In Motion en tribune contre l’offensive israélienne sur Gaza. En mêlant engagement politique et poésie visuelle, elle a rappelé avec force que l’art peut — et doit — se faire voix pour celles et ceux dont l’existence, souvent réduite au silence, témoigne pourtant d’un désir simple et fondamental : vivre en paix sur leur terre.

- Publicité -

Nan Goldin électrise le Théâtre antique d’Arles en dénonçant la guerre à Gaza

Le cri de Nan Goldin à Arles

On l’attendait pour exalter la subtilité de l’intime, mais elle est venue éveiller les consciences. Nan Goldin, icône incontournable de la photographie moderne, a secoué les Rencontres d’Arles mardi soir en fustigeant sans ambages l’offensive israélienne à Gaza. Devant un parterre de plus de 2 500 spectateurs rassemblés dans les vestiges du théâtre romain, l’artiste américaine de 71 ans, honorée du Prix Women In Motion 2025, a utilisé l’estrade non pas comme un socle, mais comme un amplificateur pour les voix des victimes du conflit.

Tandis que son œuvre The Syndrome of Stendhal, visible à l’église Saint-Blaise, navigue avec une délicatesse baroque entre les confins de l’intime et du mythique, Nan Goldin a emprunté une autre forme de langage : celui de l’indignation. Des images dévastatrices de Gaza, des statistiques accablantes, et cette interrogation : « 75 000 Palestiniens ont péri. Alors, lesquelles de ces vies ont de la valeur ? »

Le silence de l’assistance fut tonitruant. À Arles, la photographie est célébrée, mais ce soir-là, c’est le poids des absences, des visages effacés et des territoires perdus qui s’est fixé dans les regards.

L’art comme un impératif vital 

- Publicité -

Réputée pour avoir rompu les silences entourant les dépendances, la violence domestique et les marges à travers ses portraits intimes (The Ballad of Sexual Dependency), Goldin poursuit ici son engagement contre les mécaniques de l’oppression. Déjà militante fervente contre la crise des opioïdes et le rôle des dynasties pharmaceutiques, elle s’attaque désormais à un autre théâtre de la violence : celui d’une guerre où les civils paient le prix fort dans une indifférence bien trop complice.

La photographe n’est pas seule dans cette entreprise. À ses côtés, l’auteur Édouard Louis, lui aussi rompu à ébranler les récits dominants, a prêté sa voix pour prolonger l’élan politique de cet événement hors du commun. Ensemble, ils ont rappelé que l’art peut — et doit — être un geste de désobéissance.

Une mémoire vivante 

Depuis les années 1970, Nan Goldin documente la vie en marge, les corps qui s’étreignent, les identités fracturées, les amitiés comme refuges. Son œuvre n’a jamais été ornementale : elle est viscérale, nourrie de révolte et de tendresse. Mardi soir, ce n’était pas une coupure mais une continuité qu’elle proclamait. Le chemin de l’intime au politique n’est qu’une extension naturelle de son regard, qui refuse de rendre esthétique la souffrance tout en lui restituant sa dignité.

Récompensée par le prix prestigieux Women In Motion, décerné par les Rencontres d’Arles et Kering, Goldin a rappelé non sans humour : « Je reçois un prix de la “femme en mouvement” alors que je ne peux presque pas marcher ! » Mais c’est bien elle qui, par sa simple présence, a fait avancer la soirée, le festival, et peut-être bien plus encore.

- Publicité -

Une soirée mémorable 

Dans les souvenirs des festivaliers, on n’avait pas connu pareille effervescence à l’ouverture du festival depuis des années. Le public, installé jusqu’aux marges de la scène, a d’abord été émerveillé par les acrobates de la compagnie Gratte Ciel, suspendus dans les airs. Puis captivé par une femme dont l’œuvre, loin de flatter l’œil, convie à penser, à s’insurger, à aimer.

La photographe américaine, célébrée pour sa capacité à saisir l’inexprimable, a démontré une fois de plus que l’image peut être une arme, une mémoire, un acte d’amour et de résistance. Son cri pour Gaza, lancé depuis les gradins antiques d’Arles, restera comme un moment rare : celui où l’art devient action, et où la beauté rejoint la justice.

Photo de couverture @ Wikimédia
Arles
Lire aussi
Actulités
Partager cet article
Suivre :
Souffle inédit est inscrit à la Bibliothèque nationale de France sous le numéro ISSN 2739-879X.
Laisser un commentaire