Sofia Boutella, le poids du silence dans Only What We Carry

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Dans le nouveau film de Jamie Adams, tourné sur la côte normande, Sofia Boutella incarne Charlotte Levant, une femme revenue affronter les fantômes de son passé. L’actrice franco-algérienne y révèle une part plus intime de son art, loin des rôles d’action qui l’ont fait connaître.

Sofia Boutella : retour intérieur dans Only What We Carry

Une histoire tournée vers l’intime

Sur les rivages normands, entre la lumière changeante et la mer en mouvement, Only What We Carry se déploie comme une méditation sur le souvenir et la perte. Le nouveau long métrage du réalisateur britannique Jamie Adams explore ce que chacun porte en soi, ce qui persiste après le départ, ce qui façonne les silences.

Sofia Boutella, le poids du silence dans Only What We Carry
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Charlotte Levant (Sofia Boutella), une femme à la fois forte et fragile, revient sur les lieux d’un passé qu’elle pensait apaisé. Elle y retrouve Julian Johns (Simon Pegg), son ancien mentor, figure du passé et miroir d’elle-même. Ce retour, filmé comme une lente traversée intérieure, fait surgir des émotions enfouies : la culpabilité, le besoin de comprendre, la tendresse inachevée.

Jamie Adams, un cinéma de la discrétion

Réalisateur d’une œuvre discrète et sensible, Jamie Adams s’est imposé comme un observateur de la vie ordinaire. Ses films, souvent improvisés, s’attachent à saisir la vérité des gestes et la fragilité des mots. Avec Only What We Carry, il signe son film le plus abouti visuellement. La Normandie, choisie comme décor, n’est pas un simple cadre mais un état d’âme : un espace ouvert, baigné de lumière grise, où les souvenirs s’attardent comme des nuages.

« Je voulais que le paysage devienne le prolongement des personnages », confie Adams. « La mer représente ce qu’on ne contrôle pas, ce qu’on ne peut qu’accepter. » Cette idée irrigue tout le film, où chaque plan semble respirer au rythme des émotions.

Sofia Boutella, entre mouvement et retenue

Connue pour ses rôles physiques et intenses (Kingsman: The Secret Service, Star Trek Beyond, Atomic Blonde), Sofia Boutella trouve ici un rôle à contre-emploi. Née à Bab El Oued en 1982 et arrivée en France à l’âge de dix ans, elle a d’abord dansé avant de jouer. De la scène aux tournages internationaux, elle a construit un parcours entre corps et regard.

Dans Only What We Carry, elle incarne une femme en quête d’équilibre, cherchant à comprendre ce qui, dans le silence, peut encore se dire. Son interprétation repose sur la retenue : un geste suspendu, un regard détourné, une respiration longue. C’est une présence qui se déploie lentement, sans effets, mais avec une intensité rare.

Une partition d’ombres et de lumière

Face à elle, Simon Pegg compose un personnage tout en nuances. Leur dialogue – souvent interrompu, parfois à peine esquissé – évoque ces conversations inachevées que chacun porte avec soi. Charlotte Gainsbourg, dans un rôle secondaire mais marquant, ajoute au film une gravité discrète. Quant à Quentin Tarantino, il apparaît brièvement dans une scène en forme de clin d’œil, comme une rupture du réel, un souffle inattendu.

La musique, minimaliste, accompagne les respirations du récit. Quelques notes de piano, le bruit du vent, une porte qui s’ouvre : tout semble peser, tout semble compter. C’est un cinéma du presque rien, mais où chaque détail devient essentiel.

Une œuvre sur ce que l’on garde

Jamie Adams filme ici la mémoire non pas comme un fardeau, mais comme une matière vivante. Only What We Carry interroge ce que l’on transporte malgré soi : les visages aimés, les gestes manqués, les promesses murmurées. À travers Charlotte, il explore la tension entre ce que l’on laisse et ce que l’on garde, entre partir et rester.

Dans ce sens, le film s’inscrit dans une lignée de récits introspectifs où la parole se fait rare et la vérité se révèle dans le silence. Sofia Boutella, par sa présence, semble habiter cet entre-deux : entre le souvenir et l’oubli, entre la danse et l’immobilité.

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Souffle inédit est inscrit à la Bibliothèque nationale de France sous le numéro ISSN 2739-879X.
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