Letizia Battaglia : J’ai toujours cherché la vie

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Letizia Battaglia. Rosaria Schifani, veuve du garde du corps Vito Schifani, tué avec le juge Giovanni Falcone, Francesca Morvillo et ses collègues Antonio Montinaro et Rocco Di Cillo, Palerme, 1992. Avec l’aimable autorisation de l’Archivio Letizia Battaglia

L’exposition Letizia Battaglia : J’ai toujours cherché la vie, présentée aux Rencontres d’Arles 2025, retrace le parcours de la photographe sicilienne à travers plus d’une centaine d’images et d’archives. Une plongée sensible et politique dans l’œuvre d’une femme libre.

Letizia Battaglia : J’ai toujours cherché la vie – Et si photographier, c’était devenir le monde ?

Letizia Battaglia : J’ai toujours cherché la vie
Chapelle Saint-Martin du Méjan, Arles
Du 7 juillet au 5 octobre 2025

Letizia Battaglia : J’ai toujours cherché la vie
Letizia Battaglia.
Rosaria Schifani, veuve du garde du corps Vito Schifani, tué avec le juge Giovanni Falcone, Francesca Morvillo et ses collègues Antonio Montinaro et Rocco Di Cillo,
Palerme, 1992.
Avec l’aimable autorisation de l’Archivio Letizia Battaglia, Palerme.

Aux Rencontres d’Arles de 2025, la Chapelle Saint-Martin du Méjan présentera une rétrospective émouvante consacrée à Letizia Battaglia (1945–2022), figure importante de la photographie italienne et de l’engagement citoyen. Plus d’une centaine de clichés, publications, journaux et documents provenant des archives Letizia Battaglia exploreront l’ensemble de son parcours artistique, de ses premiers reportages à ses luttes sociales, en passant par ses images les plus marquantes.

Née à Palerme en 1935, Letizia Battaglia entame sa carrière à la fin des années 1960, partageant son temps entre Milan et sa ville natale. D’abord journaliste, elle rédigeait à la fois les textes et les photographies de ses articles, s’intéressant avec acuité aux évolutions sociales de l’Italie, notamment aux transformations liées à la sexualité et aux mœurs de son époque. Cette double pratique du reportage et de l’image lui permet de développer très tôt une sensibilité particulière, alliant narration et regard photographique.

C’est véritablement dans les années 1970, après son retour en Sicile, que Battaglia trouve sa voie. Elle y définit un style unique, capable de mêler l’urgence de la réalité à un regard profondément humain et empathique. Photographe pour le quotidien L’Ora, elle couvre inlassablement les crimes de la mafia qui gangrènent Palerme. Ses clichés, souvent en noir et blanc, frappent par leur intensité : ils documentent la violence et l’horreur, mais révèlent aussi la dignité des victimes et la complexité d’une société marquée par le deuil et la peur.

Au-delà de cette documentation sombre, Battaglia s’attache à capturer la vie quotidienne, les fêtes populaires, les visages lumineux des enfants, les traditions religieuses, et même la réalité peu connue des hôpitaux psychiatriques. Par son objectif, elle parvient à montrer une Sicile plurielle, où la beauté coexiste avec la douleur et où chaque instant de vie est empreint d’humanité.

En 1985, son engagement et la force de son œuvre sont reconnus par le prestigieux prix W. Eugene Smith pour la photographie humaniste, qui célèbre son regard lucide et empathique sur la société. Cette reconnaissance lui ouvre de nouveaux horizons : ses voyages la conduisent de l’Union soviétique à l’Islande, des États-Unis à la Turquie, sans jamais qu’elle n’abandonne son style ni son engagement. Fidèle à sa vision, elle explique : « La photographie devient, ou plutôt elle est la vie racontée : je me glisse dans une photographie qui est le monde, c’est-à-dire que je deviens le monde et que le monde devient moi. »

À travers son œuvre, Letizia Battaglia laisse un témoignage inégalé de l’Italie contemporaine et de la Sicile, un mélange saisissant de violence et de beauté, de tragédie et de poésie, qui continue d’inspirer photographes et amateurs d’images à travers le monde. Son travail demeure un appel à regarder la réalité en face, avec courage et humanité.

Letizia Battaglia : J’ai toujours cherché la vie
Letizia Battaglia. L’arrestation du féroce chef mafieux Leoluca Bagarella, Palerme, 1979.
Avec l’aimable autorisation de l’Archivio Letizia Battaglia

L’exposition, organisée par Walter Guadagnini, conservateur et spécialiste de la photographie, rend également hommage à l’engagement politique et éditorial de Battaglia. Dès les années 1980, elle a fondé des revues, publié des ouvrages et s’est impliquée dans la vie publique. Cette activité militante complète et prolonge l’œuvre photographique, en dévoilant l’éthique profonde qui la traverse : celle d’une femme qui aura cherché, toute sa vie, à donner une voix à l’injustice et à la résistance.

Cette exposition est une coproduction entre le Jeu de Paume (Paris) et CAMERA – Centro italiano per la Fotografia (Turin), en collaboration avec l’Archivio Letizia Battaglia (Palerme) et les Rencontres d’Arles. Deux publications accompagnent l’événement : Letizia Battaglia, édité par Dario Cimorelli / Jeu de Paume (2025), et un volume de la collection Photo Poche chez Actes Sud.

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Letizia Battaglia : J’ai toujours cherché la vie
Chapelle Saint-Martin du Méjan, Arles
Du 7 juillet au 5 octobre 2025

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Souffle inédit est inscrit à la Bibliothèque nationale de France sous le numéro ISSN 2739-879X.
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