Paul Troubetzkoy, l’impression du vivant

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P. T - Buste de Segantini @ Musée d'Orsay

Le Musée d’Orsay consacre à Paul Troubetzkoy (1866-1938) une grande rétrospective du 30 septembre 2025 au 11 janvier 2026. Portraitiste cosmopolite et défenseur de la cause animale, le sculpteur impressionniste de la Belle Époque retrouve la lumière.

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Exposition Paul Troubetzkoy sculpteur (1866-1938) au Musée d’Orsay Paris

Jusqu’au 11 janvier 2026

Paul Troubetzkoy sculpteur
P. T – Les Amis fidèles @ Musée d’Orsay

Sculpteur de l’instant, Paul Troubetzkoy (1866-1938) n’avait plus été célébré en France depuis un siècle. Né sur les rives du lac Majeur, d’un père prince russe et d’une mère chanteuse américaine, il incarne à lui seul l’esprit cosmopolite de la Belle Époque. L’exposition que lui consacre le Musée d’Orsay redonne vie à une œuvre vibrante, nourrie de voyages, de portraits sensibles et d’un amour inconditionnel pour les animaux.

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Paul Troubetzkoy sculpteur
P. T – Les Amis fidèles @ Musée d’Orsay

Formé à Milan dans le cercle anticonformiste des Scapigliati, Troubetzkoy se libère très tôt de l’académisme. Son modelé, souple et lumineux, capte la vie dans son flux plutôt que dans sa perfection formelle. En cela, il ouvre la voie à ce qu’on pourrait appeler un « impressionnisme sculpté », où la matière semble respirer. L’exposition réunit 118 œuvres — sculptures, peintures, photographies — issues pour une large part du Museo del Paesaggio de Verbania, dépositaire du fonds d’atelier de l’artiste.

L’homme, lui, traverse le monde avec une étonnante aisance. Milan, Moscou, Saint-Pétersbourg, Paris, puis les États-Unis : partout, il séduit les élites, modèle les visages de son temps, de Léon Tolstoï à Anatole France, d’Auguste Rodin à la baronne de Rothschild. Dans ses portraits, la sculpture se fait mouvement, regard, souffle. Sa touche énergique fait vibrer la lumière sur le bronze comme un pinceau sur la toile.

Paul Troubetzkoy sculpteur
P. T – Anatole France @ Musée d’Orsay

À Paris, Troubetzkoy devient l’un des artistes les plus recherchés du Tout-Paris. On le croise dans les salons, accompagné de ses loups apprivoisés. Ses statuettes fixent la grâce du poète Robert de Montesquiou, la douceur d’une maternité, ou l’élégance de la danseuse Lady Constance Stewart-Richardson. Aux États-Unis, où il séjourne entre 1911 et 1920, il rencontre un succès immense et sculpte les premiers visages d’Hollywood.

Paul Troubetzkoy sculpteur
P. T – Robert de Montesquiou 1907 @ Musée d’Orsay
Paul Troubetzkoy sculpteur
P. T – Elin Troubetzkoy nue

Mais derrière le dandy cosmopolite se cache un homme d’une profonde conviction. Marqué dans son enfance par la souffrance animale, il devient végétarien à vie, proche de George Bernard Shaw. Sa sculpture Comment pouvez-vous me manger ? — un agneau grandeur nature — exprime cette empathie rare, cette tendresse pour le vivant qui traverse tout son œuvre. Les animaux, souvent à côté des enfants ou des femmes qu’il représente, sont ses compagnons d’âme, ses égaux.

Organisée en collaboration avec la Galleria d’Arte Moderna de Milan et le Museo del Paesaggio, l’exposition déploie huit sections qui retracent cette trajectoire libre, entre portraits mondains et sculptures militantes. Elle s’inscrit aussi dans la démarche écologique du musée : 75 % des matériaux de scénographie proviennent du réemploi.

L’ensemble compose le portrait d’un artiste moderne avant l’heure : cosmopolite, engagé, habité par la quête de l’essentiel. Troubetzkoy ne cherche pas la gloire mais la vie — ce moment fragile où la forme s’efface pour laisser place à la vibration du monde.

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Souffle inédit est inscrit à la Bibliothèque nationale de France sous le numéro ISSN 2739-879X.
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