Anatomie d’une chute, film de Justine Triet
Anatomie d’une chute, film de Justine Triet
Par Djalila Dechache
Anatomie d’une chute, film de Justine Triet, 2023, durée 2h15, césar du meilleur film Cannes 2023, ainsi qu’un prix spécial pour Snoop le chien.
Ce qui aurait pu ressembler à une énième histoire banale de couple qui se déchire est en réalité un film d’une subtilité infinie.
La réalisatrice a fait un travail de toute beauté à chaque étape de son travail : histoire, casting, direction d‘acteurs, intrigue, acteurs remarquables à telle sen signe que le spectateur et spectatrice reste mobilisé(e) d’un bout à l‘autre de ce film sans en perdre une miette ! Ce n ‘est pas un hasard si ce film a été choisi pour les oscars aux Etats-Unis. Je n’évoquerais pas la polémique sur le choix du film censé représenter le France à cette célébration annuelle, les médias s‘en sont chargés.
L’histoire parait simple au départ : un couple franco-allemand s’est installé non loin de Grenoble afin de repartir sur de nouvelles bases. Ils ont un enfant, un garçon devenu aveugle suite à l‘accident survenu lorsqu‘il était petit par l’inadvertance de son père. Le poids de cette culpabilité va créer une fissure au sein du couple.
La femme est écrivain, elle reçoit une journaliste venue l‘interviewer pendant que son mari écoute de la musique très fort perturbant ainsi l‘entretien de sa femme. L’enfant est sorti se promener avec un gros chien sympathique et affectueux, Snoop.
A son retour de promenade il retrouve son père étendu dans la neige dans une mare de sang, visiblement victime d’une chute depuis le 3ème étage du chalet. Homicide ou suicide ?
Dès lors, la femme devient le principal suspect.
Un ami avocat vient l‘aider pour assurer sa défense et construire sa plaidoirie au demeurant difficile dans le sens où tout joue contre la femme. Pas de témoin, pas d’alibi, pas de preuves …La réalisatrice a bâillonné l’intrigue ne laissant que peu ou pas de marge.
Tout est fait au millimètre, la reconstitution, la vie privée mise en pâture, passée au crible, le moindre détail est discuté, analysé, reconstruit … cela tient du film policier, une énigme incroyable; cela se joue entre la défense (les deux avocats remarquables –Swan Arlaud et Saadia Bentaïeb– et l’avocat général particulièrement pointilleux et avide de condamner la femme à la plus haute peine.
C’est cela du bon cinéma, du très bon cinéma ! On supporte un vide sidéral d’intérêt du cinéma français, la concurrence est rude, l‘inspiration faite défaut, alors que sont aidés des films médiocres ou sans intérêt. Quel gâchis !
Ici c’est la psychologie, la sincérité qui priment, ne rien cacher, dire la vérité, toute la vérité. La femme jouée par l’admirable Sandra Hüller est tout simplement époustouflante de sincérité de justesse, de beauté aussi avec de gros plans sur elle. Elle est d’une force extraordinaire. Je l’avais beaucoup apprécié dans son précédent film – Toni Erdmann – où elle jouait le rôle d’une working girl internationale face à un père perdu de vue, utilisant des procédés plutôt loufoques pour reprendre contact avec elle !
Pour revenir à Anatomie d’une chute je voudrais souligner le rôle de l’enfant (Milo Machado-Graner) une profondeur incroyable, une justesse de ton étonnante, un regard sensible, qui se cherche et cherche la vérité !! Il grandit avec l’histoire intime de ses parents et trouve des réponses après un insupportable cas de conscience posé entre sa mère et son père. C’est du sublime ! Et puis les musiques écoutées ou jouées au piano sont troublantes, ajoutent au drame qui se joue.
Cette Anatomie d’une chute est annoncée dès la première scène du film où l’on voit une balle tomber des escaliers et rouler dans la pièce, à l’image de cette histoire qui n’a pas d’issue possible.
Un excellent moment de cinéma, un film qui vous suit longtemps après l‘avoir vu, je salue la réalisatrice, Justine Triet, je peux comprendre qu’elle ait été perçue arrogante lors de la soirée des Césars, elle peut se le permettre, le génie est à ce prix, elle fait partie des grandes réalisatrices au service d’un cinéma exigeant et de qualité.
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