« La petite dernière », un film poignant de Hafsia Herzi

Cinéma
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Inspiré du livre de Fatima Daas, le film La petite dernière de Hafsia Herzi (France-Allemagne, 2025), avec Nadia Melliti et Ji-Min Park, explore avec pudeur et intensité la quête intime d’une jeune femme musulmane en proie aux doutes, aux désirs et à la recherche de liberté.

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La petite dernière  de Hafsia Herzi : un film poignant sur l’identité et la quête d’amour

Par Djalila Dechache

Le film commence avec la récitation de la sourate el Ness qui dit en substance de ne pas écouter les gens dont les propos induisent en erreur, pendant qu‘une jeune fille fait ses ablutions dans un appartement. Elle est belle, grande avec de longs cheveux d’ébène et elle est musulmane. Elle vit tranquillement avec sa famille, des parents et deux sœurs plus âgées, elles piaillent sans arrêt. Elle s’appelle Fatima, toujours habillée de noir et, pantalon et casquette, elle est en terminale au lycée, travaille bien avec de bons résultats dans une classe dissipée face à une professeure assez calme. Fatima a des copains qui la drague plus ou moins dont l’un d’eux en particulier qui vient d’obtenir un CDI, se projette, il la voit comme sa future épouse, maman etc…

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Une jeune fille comme les autres

Fatima est triste, tourmentée, renfermée, ses sœurs forment un front de solidarité, elles s’entendent bien toutes les deux, s’empiffrent de crêpes au chocolat que la maman fait, Fatima ne parle pas beaucoup à part des phrases courtes. Elle joue au foot, toute seule dit-elle.
Elle fume en cachette, c’est son degré transgression. Dès qu’elle a une émotion forte, elle sort son appareil à Ventoline.

Le père, quasiment absent, est allongé sur le canapé tout le temps, fatigué, malade, on ne sait pas, il sourit en voyant Fatima.
Dans son groupe de copains, certains racontent des ébats imaginaires en termes de pratique amoureuse, ils rejettent tout ce qui n’est pas   « normal », habituel, un homme une femme point final.

Fatima n’aime pas les garçons, elle se bat avec eux en général, elle se cherche, elle ne sait pas ce qu’elle veut jusqu‘au moment où elle s’inscrit sur un site de rencontres, se fait passer pour une égyptienne, elle va rencontrer toutes sortes de personnes cela ne donnera rien de bon pour elle.

A la Faculté, elle suit un cursus de Philosophie, découvre la théorie de la domination qui lui ouvre les yeux et l’esprit. Dans l’amphi le professeur évoque l’amitié entre Montaigne et de la Boétie. Elle va à des raves party où tout est permis y compris un langage assez sans fard.

Une réalisatrice dans la cour des grandes

La réalisatrice a fait un excellent film pour aborder un sujet difficile : la question de l’amour des jeunes maghrébines. Elle est d’une douceur extraordinaire, effleure sans cesse le visage de Fatima avec sa caméra, va jusqu‘au ras de ses cils pour cueillir la naissance d’une larme, le désarroi de Fatima, tellement photogénique, tout le monde lui dit qu’elle est belle, d’une beauté nature, brute, sans fard ni manière, aux yeux de faon, d’une simplicité à couper le souffle. La réalisatrice use de fondu-enchainé pour passer à autre chose.

Une scène est prodigieuse, celle de la jeune femme sur le lit, nue de dos, c’est la grande Odalisque du peintre Ingres de 1814, tandis que Fatima debout regardant à la fenêtre comme une ombre, tout de noir vêtu, c’est d’une puissante extraordinaire.

Fatima poursuit son bonhomme de chemin entre solitude et recherche.
Elle rencontre une jeune femme, coréenne, au début tout se passe bien jusqu’à ce qu’elle tombe malade.
Elles se séparent. Encore une fois, Fatima se cherche, va à la fac, fait des rencontres, vivote…Elle participe à la marche des fiertés, s’amuse, chante, crie des slogans, elle se défoule enfin.

Un jour, tourmentée par sa quête d’exister, elle se rend à la mosquée pour demander une audience à un imam ; elle se fait passer pour une amie à elle, qui n’ose pas venir, elle se trahit en pleurant lorsque l’imam lui dit en douceur qu’il faut qu’elle retrouve sa féminité pour qu’elle attire les hommes et l’incite à prier davantage.
Elle continue à prier de plus belle. Au gré des saisons, elle essaie de vivre conformément à son être le plus intime.

Un film inoubliable

C’est un très beau film, émouvant, juste, efficace, pudique, une grande liberté est donnée à l’actrice principale qui s’est emparée de ce rôle magistralement. Une vocation est née.

Le final est très beau : Fatima se retrouve en tête à tête; pour une fois, avec sa mère, une femme chaleureuse, attentive et intelligente. La maman a fait des madeleines, elles sont encore toutes chaudes, c’est l’anniversaire de Fatima, sa maman lui offre un maillot de Foot estampillé numéro 10 avec son prénom.
Elle essaie de parler à sa mère, elle n’y arrive pas, c’est trop difficile, elle pleure à grosses larmes, elle ne peut pas….
Sa mère comprend sans savoir vraiment, elle ressent sa fille, lui dit en lui caressant la tête qu’elle l’aimera toujours et c’est cela qui est très bouleversant. Elles pleurent toutes les deux.

Réflexion de l’actrice principale en recevant son prix : « Je me suis dit que c’était une blague ». Prix d’interprétation féminine à Cannes 2025 pour le film de Hafsia Herzi « La petite dernière », avec Nadia Melliti.

Cannes
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Souffle inédit est inscrit à la Bibliothèque nationale de France sous le numéro ISSN 2739-879X.
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