Souad Hosni : La Cendrillon devenue icône d’un cinéma engagé

Cinéma
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Le 21 juin 2001, Souad Hosni s’éteignait à Londres dans des circonstances qui nourrissent encore les spéculations. À seulement 58 ans, celle qu’on surnommait la « Cendrillon du cinéma arabe » laissait derrière elle un héritage cinématographique incomparable.

Souad Hosni, l’écran pour miroir : Hommage à une actrice plurielle, vingt-quatre ans après sa disparition

Vingt-quatre ans après sa mort, plutôt que de retracer sa vie par les jalons traditionnels, il est peut-être temps de relire sa trajectoire à travers ses rôles – comme autant de miroirs d’une société, de ses blessures, de ses rêves et de ses contradictions.

La révélation précoce d’un talent inné

Née en 1943 au Caire, Souad Hosni se fait remarquer très jeune dans l’émission pour enfants de la radio égyptienne. Mais c’est en 1959, à l’âge de 15 ans, qu’elle éblouit pour la première fois le grand écran avec Hassan et Naïma, variation égyptienne de Roméo et Juliette. Le film, signé Henri Barakat, révèle une actrice naturelle et lumineuse, capable de transmettre la fraîcheur juvénile et l’intensité dramatique avec une aisance déconcertante. La “Cendrillon du 7e art” est née.

Des choix audacieux et une conscience sociale précoce

Dès le milieu des années 1960, Souad Hosni tourne le dos aux rôles de jeune fille naïve pour explorer des personnages plus complexes. En 1966, Le Caire 30 de Salah Abou Seif la propulse au rang d’actrice dramatique. À travers le rôle d’une femme prise au piège de la pauvreté et des compromissions, elle incarne une Égypte désillusionnée, à la veille de bouleversements politiques et sociaux profonds.

Loin de se contenter d’une image de star, elle collabore avec les plus grands noms du cinéma égyptien et ose des personnages féminins en rupture avec les normes.

La légèreté comme cheval de Troie de la modernité

En 1972, elle triomphe avec Méfie-toi de Zouzou (Khalli Balak Min ZouZou), comédie musicale où elle incarne une étudiante aux allures de pin-up orientale. Derrière la légèreté apparente, le film déploie un discours féministe inédit dans le cinéma populaire de l’époque. En mêlant chant, humour et critique sociale, Souad Hosni impose une nouvelle figure féminine : libre, instruite, affranchie.

Une actrice de la complexité et de l’ambiguïté

Durant les années 1970 et 1980, l’actrice enchaîne des collaborations marquantes avec Youssef Chahine (Le Choix), Ali Badrakhan (Shafika et Metwali) ou Mohamed Khan (Rendez-vous à dîner). Elle y campe des femmes en marge, traversées par des conflits intimes et des tensions sociales : prostituée repentie, célibataire esseulée, épouse brisée par l’inégalité. Toujours avec une vérité de jeu, sans maniérisme ni fard.

Dans La Faim (Al-Go’a, 1986), adapté d’un roman de Naguib Mahfouz, elle interprète une femme confrontée à l’extrême pauvreté. Le film, miroir d’un Caire oublié, confirme sa capacité à fusionner engagement social et puissance émotionnelle.

L’ultime métamorphose

En 1991, Le Berger et les Femmes marque sa dernière apparition au cinéma. Elle y incarne une femme mûre, désabusée par l’amour, recluse dans une maison de campagne. Ce rôle introspectif, presque testamentaire, sonne comme une mise en abyme d’une actrice qui a tout donné au 7e art, jusqu’à s’effacer.

Un destin tragique et un héritage vivant

Le 21 juin 2001, elle est retrouvée morte à Londres, après avoir chuté du balcon de son appartement. Suicide, accident ou autre ? Le mystère demeure. Ce que l’on sait, c’est qu’elle souffrait depuis plusieurs années de dépression et de douleurs chroniques. Sa disparition a bouleversé le monde arabe, qui pleure encore aujourd’hui une icône à la fois populaire et secrète.

Une icône féminine entre lumière et lucidité

Souad Hosni n’était pas une star comme les autres. Elle fut tour à tour muse, femme libre, actrice de composition, icône générationnelle. Son parcours épouse celui d’un cinéma égyptien en pleine mutation – du rêve nasserien à la désillusion sociale, du film musical au drame intimiste.

En rejouant ses rôles, c’est toute une histoire du monde arabe que l’on revoit. Une histoire où la femme ne se contente plus de subir, mais agit, choisit, et dit non.

Wikipédia
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Souffle inédit est inscrit à la Bibliothèque nationale de France sous le numéro ISSN 2739-879X.
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