Farid El Atrache, un artiste hors du commun
Farid El Atrache, un artiste hors du commun
Par Djalila Dechache
Dès que l’on prononce son nom, tout un pan surgit de l’adolescence d’enfants et de parents de famille d’immigrés du Maghreb arrivés en France ou en Europe. Dès les années 70, les chansons, les films traversaient la mer Méditerranée pour devenir accessibles et faisaient la joie de tous.
Que reste-t-il aujourd’hui de ces souvenirs? Pas grand chose, les parents sont partis, ont quitté ce monde, restent les évocations plus ou moins floues, les chansons et les films noir et blanc devenus classiques dans les cinémathèques ou à la faveur de festivals thématiques.
Jubilé d’or de Farid El Atrache
L’année 2024 marque le jubilé d’or de Farid El Atrache dans les pays du monde arabe et sans doute au-delà car il a été de son vivant un artiste international d’un bon nombre de pays qui lui ont donné médailles, reconnaissance et prix.
Né à Soueida au sud de la Syrie en1917, dans une famille royale de confession Druze, de père syrien et de mère princesse libanaise, musicienne et chanteuse à ses heures. La famille est composée de trois enfants vivants Fouad, Farid et Asmahan. La famille se déplace en fonction du contexte historique des engagements du chef de famille qui a résisté aux assauts français dans cette région.
Elle trouve refuge en Egypte après le Liban et la Turquie.
C’est là que le jeune Farid et sa sœur Asmahan (son vraie nom Amel, née en 1912) grandissent en s’initiant au’ Oud auprès de leur mère qui chantait aussi de vieilles chansons traditionnelles à la maison. Ils entrent au Conservatoire national du Caire et confirment leurs aptitudes et leurs talents.
Artiste connu en Egypte
Farid El Atrache gravit rapidement les étapes qui le feront connaitre en tant qu’artiste du public égyptien, il fait ses premières armes dans le cabaret de Badi’a Massabni connue pour accueillir musiciens, chanteurs et danseuses débutants dans son lieu, lieu qui devenait ainsi un vivier d’artistes en herbe.
La Radio Nationale égyptienne le découvre et lui propose de chanter en direct, ce qui donnera lieu à un premier disque en 1935, « ya Reytni tayr » si j‘étais un oiseau qui est vite devenue un succès où et Farid déployait un nouveau talent, voix, musique et composition. Un son nouveau se fait entendre et sera immédiatement apprécié et aimé.
Le cinéma prospérait à cette époque au Caire, un premier film était devenu évident avec Farid et sa sœur Asmahan à la voix de soprano « Intissar el chabeb » «victoire de la jeunesse » du réalisateur Ahmed Badrakhan en 1941 et dont Farid al Atrache a signé la bande originale. Ces deux jeunes gens, très beaux, ont apporté un nouveau souffle dans la musique et la chanson. Dès le départ le public leur a exprimé une adhésion totale donnant lieu à un succès foudroyant. C’était du jamais vu à cette époque.
Ensuite ce seront succès sur succès tant en films, comédies et opérettes, qu‘en chansons sentimentales d’amour incompris, tristes ou plus joyeuses, patriotiques jusqu’en 1974, date de son décès au Liban, à sa demande de son vivant, sa dépouille à été rapatriée en Egypte aux côtés du cercueil de sa sœur Asmahan morte prématurément à l‘âge de 32 ans dans un tragique accident de voiture, resté mystérieux. Il lui a écrit une chanson bouleversante qu’il chante lui-même « Kifaya ya ‘eyan« sur le mode de la complainte à une défunte.
Farid El Atrache avait des détracteurs, notamment des musiciens égyptiens, vis-à vis d’innovations apportés à la musique arabe qui avait précédemment accueillie le Congrès international de musique du Caire en 1930.Cet événement historique a permis de codifier et stabiliser la musique arabe. Farid al Atrache a fait entrer dans les orchestres des instruments méconnus jusqu’alors : la trompette, le saxophone, le piano, il trouve des inspirations auprès de musiques occidentales tant classiques que populaires en y associant des danses : la valse, le tango, la rumba le fox-trop …et obtient un savant mélange d’orient et d’occident ce qui lui vaudra la reconnaissance de musiciens occidentaux comme Franck Purcell. Son morceau Asturias du musicien espagnol Isaac Albeniz suite espagnole op 47, composée initialement en 1887 pour piano seul, devenue célèbre à la guitare, devenue mondiale au ‘Oud par Farid El Atrache. Ce morceau reste désormais dans les annales de la musique arabe par l‘interprétation qu’il a réalisé de manière magistrale. De ce fait Farid al Atrache a été et reste un mélodique fabuleux, il peu chanter tant avec un orchestre, une petite formation ou même à Capella, ou fredonner tout simplement, tout ce qu‘il entreprend est une réussite, une prouesse musicale et artistique. Le public ne s’y trompe pas, connaissant toutes ses chansons, Farid al Atrache est adulé, très aimé, chanté dans les foyers et dans tout le monde arabe et bien au-delà de ses frontières.
Un artiste complet
Farid El Atrache reste pour l’éternité un artiste complet : poète, auteur, compositeur, interprète, et chef d’orchestre unique, inégalé et inégalable. En tant qu‘homme il est reconnu pour sa générosité envers les démunis, sa solidarité envers les jeunes musiciens, sa piété, sa bonne humeur, sa grande élégance de comportement et son rire communicatif. Il a eu une santé au cœur fragile, ce cœur dont il a dépeint et loué toutes les nuances de l‘amour et de l’affection.
Ce jubilé d’or permettra de remémorer son parcours remarquable, de lui donner la place qu‘il mérite enfin et de le faire connaitre aux plus jeunes.
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