Sur les planches du Peacock Theatre à Londres, les 16 et 17 juin 2025, la mémoire d’Asmahan s’est incarnée à nouveau dans un spectacle musical inédit, subtil mélange de théâtre et de concert.
Asmahan, une légende réinventée sur la scène londonienne
Intitulée Asmahan: A New Musical Play, cette création en deux actes a rendu hommage à l’une des voix les plus énigmatiques et fascinantes du monde arabe, à travers l’interprétation habitée de la chanteuse syrienne-arménienne Lena Chamamyan.
Une princesse à la voix d’or
Née en 1912 sous le nom d’Amal al-Atrash, Asmahan est issue d’une famille druze syrienne prestigieuse. Très jeune, elle fuit avec les siens les troubles politiques qui agitent leur pays natal et s’installe en Égypte. Rapidement remarquée pour la pureté de sa voix et son timbre singulier, elle entame une carrière musicale fulgurante. À la croisée des traditions arabes et des influences occidentales, son art captive. Elle enregistre plusieurs chansons devenues mythiques et apparaît dans des films du Caire des années 1940, devenant la seule artiste considérée comme une véritable rivale d’Oum Kalthoum.
Figure libre, brillante et insaisissable, elle mène une vie marquée par les scandales et les intrigues politiques, entre mondanité, résilience et mystère. Son décès prématuré à l’âge de 31 ans, dans des circonstances jamais totalement élucidées, alimente encore les rumeurs les plus folles, de l’espionnage aux règlements de compte politiques.
Un spectacle entre ombre et lumière
Le spectacle londonien imaginé par l’autrice britannique d’origine palestinienne Selma Dabbagh évite l’écueil de la reconstitution figée. La première partie se déroule dans les coulisses d’un opéra fictif au Caire, où Asmahan, interrogée par un journaliste, livre fragments de souvenirs, doutes et confidences. La seconde, plus musicale, propose un concert immersif où les chansons phares de la chanteuse sont réinterprétées avec orchestre, danse et projections visuelles. Ce dispositif scénique donne à voir la complexité d’une artiste tiraillée entre plusieurs identités, en avance sur son temps et consciente de sa fragilité.
Lena Chamamyan, une incarnation sobre et habitée
Choisie pour interpréter Asmahan, Lena Chamamyan ne cherche pas à l’imiter. Elle s’en inspire, la réinvente avec délicatesse. Chanteuse raffinée, rompue aux passerelles entre jazz, musique classique et tradition syrienne, Chamamyan prête sa voix à des titres emblématiques tels que Emta Hate’raf, Ya Habibi Taala ou encore Layali El Ouns, en leur conférant une émotion retenue, presque vibrante d’introspection. Son interprétation, saluée par la critique, se distingue par une maîtrise vocale exigeante et une présence scénique nuancée, loin de toute exubérance.
Aux côtés du chanteur égypto-américain Ahmed Harfoush, qui incarne Farid al-Atrash, le frère d’Asmahan, elle compose un duo émouvant, notamment dans The Sun Has Lost Its Light, une chanson hommage empreinte de douleur fraternelle. Par son chant comme par sa retenue, Lena Chamamyan contribue à faire revivre non seulement une voix, mais une femme dont la trajectoire bouleversante trouve un écho inattendu dans notre époque.