Fatima Maaouia invitée de Souffle inédit

Poésie
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L’alouette et l’olivier : la parole poétique de Fatima Maaouia

Entretien avec Fatima Maaouia : « L’histoire n’est jamais écrite par les bombes »

Les jeudis littéraires d’Aymen Hacen

Fatima Maaouia est poète. En 2002, elle a publié Les Frères Siamois (conte poétique illustré par Faouzi Maaouia), Portraits de femmes, chez Nirvana en 2021, L’Alouette Bleue, en 2023, L’Olivier en deuil, en 2024, et Politoèmes en 2025, tous illustrés par Faouzi Maaouia.

Photo entretien FATIMA MAOUIA Photo entretien FATIMA MAOUIA

A. H: Le monde, déjà ténébreux, s’est sauvagement obscurci depuis le 7 octobre 2023. Le monde dit « civilisé » a l’air de sombrer dans la barbarie et l’injustice car ceux-là qui soutiennent l’Ukraine contre Vladimir Poutine soutiennent Benjamin Netanyahou contre la Palestine et le Liban. Outre le deux poids deux mesures, il y a un véritable problème politique et éthique. Comment la femme de lettres et avant elle la femme aborde-t-elle cette actualité brûlante ? De quels outils disposons-nous pour y faire face ?

Fatima Maaouia : Ténébreux est un euphémisme, sans état d’âme, sans barrières institutionnelles ni garde-fous éthiques… Les hypocrisies, déguisées en humanisme et liberté, ont été allégrement données en pâture au Capital et au sionisme.
On n’aborde pas cette actualité brûlante, elle percute et renverse tout être humain auquel il reste encore un sentiment humain face au génocide des Palestiniens.

A. H: De quels outils disposons-nous pour y faire face ?

Fatima Maaouia : L’histoire n’est jamais écrite par les bombes… Les bombes n’ont ni âme, ni chair, ni colonne vertébrale, aussi intelligentes soient-elles.
Parfois, elle est portée par des exilés, des poètes, l’écriture comme levier de résistance à l’injustice et aux tyrannies.

Pour ma part, en ce moment crucial de l’histoire, tant il me semble nécessaire à tout un chacun d’avoir la conscience réveillée, moi la première avec toutes ces tentations, voire injonctions et sommations de repliement sur soi…
S’informer autant que possible, tant que c’est encore possible, compte tenu du poids de la censure pénalisante dans la presse, les médias et sur les scènes publiques et du nombre de journalistes palestiniens assassinés.

La moindre des choses que je pouvais faire, était de me manifester par une prise de parole remettant en question le discours dominant en posant des mots et des images sur des réalités atroces.

A. H: L’autrice de Portraits de femmes s’engage pour les enfants de Palestine et vous dites clairement les choses. Autrement dit, vous accusez à la manière d’Émile Zola. Est-ce conscient ou inconscient ? La féminité, la maternité, chez vous, vont-elles jusqu’à la sororité ?

Fatima Maaouia : Mes écrits témoignent de la tragédie sans nom qui frappe la Palestine, tragédie et qui englobe non seulement les femmes  et les enfants, mets de premier choix,  mais aussi tout un peuple dans sa complexité et sa diversité  femmes, enfants, hommes, vieillards… Comment rester neutre ou indifférent face à l’épuration ethnique sauvage qui frappe les Palestiniens, nos frères et sœurs en humanité en proie au génocide en cours ?

A. H: Vous privilégiez les livres illustrés. Quel rapport la poétesse entretient-elle avec les autres arts, qu’ils soient visuels ou autre ? La musique est également extrêmement présente dans votre écriture. Qu’en est-il ?

Fatima Maaouia : Parce que la poésie est image et que l’image est poésie et que je vis et baigne dans un univers où poésie et images sont très présentes, j’ai convoqué dans mes livres la puissance évocatrice de la peinture de Faouzi Maaouia, parce qu’elle dégage émotion et visibilité et enrichit la poésie, qui est image, chant et musique. Et si j’en avais eu le pouvoir, j’aurais fait de la danse pour dire tout mon amour à la poésie.

Je cherche à provoquer, chez le lecteur, l’étonnement, l’adhésion à la poésie sur tous les plans.
Par leurs, métaphores, images, l’émotion l’impact visuel et émotionnel, qu’elles suscitent, poésie et peinture sont indissociables et non opposées. Graphismes et dessins sont là, non pour le décor mais pour la force de frappe et de
persuasion, car la poésie n’exclue pas la peinture, qui en démultiplie le sens, enrichit l’œuvre littéraire, bien au contraire. Pour moi, il est important d’accorder à ces dimensions la place qu’elles méritent, à condition bien entendu que le poème s’y prête.

Développer dans une œuvre cet aspect de complémentarité et implication de tous les arts qui se nourrissent réciproquement me semble important.
La complémentarité des arts, les images, reflet de la perception du peintre ne se substituent pas au texte et le texte est enrichi par le regard du peintre.
Le poème peut avoir des extensions théâtrales ou cinématographiques, plastiques, musicales. Et cela n’est nullement un défaut inhérent à la poésie, que les peintres évidemment, mais aussi les musiciens, les chanteurs, danseurs les cinéastes, etc. interviennent dans la poésie pour faire parvenir autrement au public.

C’est d’ailleurs le sens de mes spectacles poétiques qui ont rassemblé une diversité de voix, dont voici quelques exemples : Story 1
Story 2
Story 3

A. H : Comment écrivez-vous ? Croyez-vous en l’inspiration ou vos poèmes et écrits sont-ils le fruit du travail ?

Fatima Maaouia : Je crois en l’inspiration et au travail et fais mienne, cette recommandation de Boileau :

Hâtez-vous lentement, et sans perdre courage,
Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage,
Polissez-le sans cesse, et le repolissez,
Ajoutez quelquefois, et souvent effacez.

Nicolas Boileau, L’Art poétique

A. H : Si vous deviez tout recommencer, quels choix feriez-vous ? Si vous deviez vous incarner ou vous réincarner en un mot, en un arbre, en un animal, lequel seriez-vous à chaque fois ? Enfin, si un seul de vos textes devait être traduit dans d’autres langues, en arabe par exemple, lequel choisiriez-vous et pourquoi ?

Fatima Maaouia : Si je devais tout recommencer, j’aurais publié plus tôt.

Si je devais me réincarner, pourquoi pas en en Bon Vent, le vent des poètes et de la bonne aventure, dont je fais l’un des héros de mon prochain roman, L’ÂME saisie.
Sans hésitation… Pour l’histoire, pour la mémoire, si un seul de mes textes devait être traduit dans d’autres langues, en arabe par exemple ce serait : L’olivier en deuil.

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Souffle inédit est inscrit à la Bibliothèque nationale de France sous le numéro ISSN 2739-879X.
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