La voix exhumée d’Alicia Gallienne – Hyacinthe
La voix exhumée d’Alicia Gallienne
Les jeudis d’Hyacinthe
Alicia Gallienne une étoile qui brille toujours dans le ciel de la poésie
« Elle avait vingt ans, elle était belle, son regard bleu intense était lumineux, elle avait des cheveux et des jambes sublimes, une bouche en cœur aussi sensuelle que charmante ; je me souviens, enfants, nous les cousins, nous étions tous amoureux d’elle. »
C’est ainsi que Guillaume Gallienne, oui le célèbre acteur sociétaire de la Comédie-Française, évoque sa cousine, Alicia, née le 20 janvier 1970 et décédée le 24 décembre 1990, dans un hôpital parisien, de suites d’une greffe de moelle osseuse. Son texte, qui postface le volume préfacé par Sophie Nauleau, d’abord dans la collection « Blanche », puis « Poésie », aux éditions Gallimard, revient sur cette figure, ou mieux, comète, qu’était Alicia Gallienne dont la vie, fulgurante, et les poèmes, non moins fulgurants, ne peuvent nous laisser indifférents.
L’amour d’un homme pour une femme,
C’est un livre d’enfant
Aux mille et une nuits.
Aux mille et une nuits,
Où tes yeux ont navigué en moi
Sur des lacs étoilés.
Aux mille et une nuits,
Aux cités charnelles,
Où ta voix m’appelle,
Sur des lacs lumineux,
Au-dessus des étoiles liquides.
(Le 6 décembre 1987)
Qu’elle aligne des vers libres, qu’elle les versifie, à l’instar des deux premières pièces de « Les Nocturnes », ou qu’elle s’exprime en prose, comme dans « À propos d’un fauteuil et d’un arbre » et « Le messager », Alicia Gallienne dévoile une poésie aussi protéiforme que polyphone, avec tantôt des accents mystiques, tantôt surréalistes, tantôt romantiques.
Lundi 6 février 1989, elle écrit ceci, avec ces deux étoiles au début et à la fin :
Rien n’est plus difficile à écrire que les derniers mots d’un livre. Alors disons simplement :
Ci-gît la dernière page d’un livre
Qui est insolent et grave
Comme un enfant qui a volé un bonbon
Pour le plaisir (p.308)
Pas de point final. C’est la vie qui reste, non point en suspens, mais ouverte, infinie. À ce titre, la poésie d’Alicia Gallienne peut être lue, étudiée et même enseignée, comme un argument contre la mort. C’est, autrement dit, un viatique :
J’ai croisé le petit garçon une autre nuit
La terre a porté ses fruits dans ses yeux vieillis
L’eau ce n’est plus que la flaque sous les pieds
Et la sirène se prend pour une déesse
Éternité piédestal
Mon rêve est cristal
Le monde se perpétue dans des miroirs inédits
Où il est toujours possible de se regarder mourir (p. 142)
Notons que, dans la collection « Écoutez lire », également chez Gallimard, une sélection des poèmes d’Alicia Gallienne sont lus par Guillaume Gallienne et Marina Hands de la Comédie-Française.
L’autre moitié du songe m’appartient