Poésie

Abdul Hadi Saadoun, sur les traces de Machado

Abdul Hadi Saadoun sur les traces d’Antonio Machado

Poèmes du poète Espagnol-Irakien Abdul Hadi Saadoun. Poèmes écrits au cours de son voyage « sur les traces d’Antonio Machado » (visiter les lieux où Machado a vécu) quand il a reçu le prix international de poésie Antonio Machado en 2009.

Poèmes choisis du recueil de poésie « Pour toujours » 

Suivre  ses traces 

Suivre  les traces de Machado

Est ma seule raison d’être à Soria

J’achète, du marché de mardi,  un haut-de forme-américain

Et une tenue américaine noire.

La gitane, propriétaire de l’étal me fait un clin d’œil

Et me rappelle la douleur de l’amoureux de Soria.

Chaque  matin, je vais près de l’hôtel de la famille de Léonor

A l’avenue du studio, au café Numancia,

Près du coin où se met le vieil homme sur sa chaise roulante

et  chaque fois que je passe par Collioure, il me crie

« Disparais de ma vue, abruti ! »

Je n’ai aucun espoir d’adhérer au cercle des amis de Numancia

Et malgré cela je n’abandonne pas ma tenue, ni le chapeau de Machado

 

Dans la rue de Collioure  

(A Don Alvaro)

Avec sa pipe qui ne fume plus

Don Alvaro part chaque matin, dans Collioure

Comme un sloughi qui ne se trompe pas de chemin.

Je le croise souvent

Il ne quitte pas Collioure

Avec sa pipe qui ne dégage pas de fumée

Un corps lourd

Une âme encore plus lourde

Des yeux perdus

Et une vie encore plus longue que  le regret du pauvre.

Voilà des mois que je te croise Don Alvaro

Sans te dire ni bonjour, ni bonsoir

Des  mois à Soria

À visiter Collioure avec une valise qui n’a pas de sens.

Tout comme ma vie qui ne s’apaise pas

Je vais  vers un but que je n’atteins point

Souvent  je me contente d’une chaise en aluminium

Dans une cafétéria dont  je ne cherche pas à retenir le nom.

Les yeux perdus

L’âme plus lourde

Et dans ma bouche une pipe

Qui, depuis ce temps là,  ne fume plus.

 

Le Rempart  de la ville

Comme des dinosaures disparus,

Nous n’avons trouvé que leurs os mités,

Le haut de ses étages en décombres

– il s’agit du  rempart, qui par son panier nous ceinture et ceinture la ville-

Décombres dont une partie est inondée par la rivière

Une autre piétinée par nos pieds

Ou celle bouffée par la verdure des champs en errance.

De loin

Sur la côte du pont,

Du treizième siècle aussi

Je ne vois que la pudeur des pierres

L’éclat de leur subtil sourire

Et une certaine voix murmurant doucement dans mon oreille

Des informations sans importance,

Des souvenirs ou des dates.

Et une certaine chanson

Que  je ne peux pas méditer

Mais comme cet oiseau de joie

Je la fredonne tous les matins

Lors de ma promenade

Près de ses flots.

 

Abdul Hadi Saadoun, poète, écrivain, traducteur et professeur universitaire

Abdul Hadi Saadoun né à Bagdad (Irak) en 1968 et résidant en Espagne depuis 1993.
Poète, écrivain et traducteur. Spécialiste en littérature et langue espagnole, doctorant en philosophie et en littérature de l’université de Madrid. Professeur de la langue arabe et spécialiste en traduction en Espagnol d’œuvres littéraires arabes.
Il a plus de vingt ouvrages en langue arabe et langue espagnole.
Ses activités de traducteur sont nombreuses et variées : plusieurs ouvrages de la littérature espagnole sont traduits vers l’arabe, de poètes célèbres tels que Lorca, Machado, Alberto et Borges. Il a aussi traduit en espagnol et supervisé l’édition de recueils de poésie irakienne.
Il a obtenu plusieurs prix littéraires dont le prix de la littérature de l’enfance arabe en 1997 et en 2014, et le Prix international de poésie Antonio Machado 2009.

Poèmes traduits par Monia Boulila

Pour toujours

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