Jacques Viesvil
Jacques Viesvil, le poète qui soufflait sur les braises.
Par Michel Bénard
Un souffle glacial me traversa, une absence soudaine, un implacable vide s’installèrent.
Quelques jours auparavant, nous avions échangé par téléphone. Certes, nous le savions souffrant et fatigué, mais il est des situations que nous occultons inconsciemment. Par refus de regarder les choses en face. La nouvelle me parvint par sa grande amie et talentueuse illustratrice Lysiane Ketsman. Jacques Viesvil (1) n’était plus ! L’homme éveillé s’était assoupi. Comme sa poésie, l’homme était tout de délicatesse et de transparence, prévenant, chaque matin les yeux tout éblouis, il s’étonnait que le soleil se soit encore levé.
Oui Jacques Viesvil, l’ami, l’immense poète venait de nous quitter ! Une belle âme s’est envolée. Notre ami était une véritable semence, une graine qui pouvait encore nous prouver qu’il existe de l’espoir, qu’une germination nouvelle est possible. Au sens propre, il était un éveilleur de conscience, un passeur du verbe, un ciseleur de rêve. Un jour, il m’a écrit à propos d’un de ses ouvrages en cours de réalisation : « En chacun de nous, un homme cherche l’aube, ce n’est pas la lumière, mais déjà quelques lueurs d’espoir ainsi que la neige d’Avril. ». Son œuvre bibliographique poétique et théâtrale est conséquente. Comme un large étendard arc-en-ciel déployé à la face du monde, la volonté de l’humanisme flottait sur toute la vie et l’œuvre de Jacques Viesvil. Le coté prophétique de son œuvre fonde en l’homme, malgré les déserts d’incertitudes que la société actuelle génère, les plus hauts degrés de l’espérance. A son sens, l’homme a réellement besoin de réapprendre à vivre. Les nuances de son écriture étaient d’une rare puissance expressive, où force et beauté se mêlaient à la dramaturgie de certaines images intenses. Il portait en lui cette passion de la poésie à son niveau le plus élevé qui conviait l’homme à marcher sur le feu de l’esprit. S’il ne m’était donné qu’un seul mot pour situer l’œuvre de notre ami, sans hésitation je dirais : Humaniste.
Grand amateur d’art, les peintres furent toujours présents dans sa vie et son œuvre, car il n’était pas rare qu’il fasse collaborer à ses ouvrages de merveilleux illustrateurs, ici je songe aux peintres Jean-Joseph Cherdon, Roger Somville, Salvatore Gucciardo et au graveur Christian Hoquet, etc… Une chose était certaine, Jacques Viesvil avait conscience que la poésie est peut-être encore l’ultime voie d’espérance offerte à l’homme. Utopie, allez-vous me rétorquer ! Possible, mais n’oubliez pas cependant que ce sont sur des utopies que l’on érige les plus beaux édifices de la vie.
« Tu participes à l’énergie de la création du monde. Tu es la vie ! L’amour !
L’amour nous transporte sur une autre planète. » (2)
Le dernier mot reviendra au poète Marc Chesneau qui m’écrivit peu de temps avant sa disparition : « Qu’une mort crée toujours une possibilité humaine à continuer. » et que « La vraie force est force d’amour. »
(1) Grand Prix International de Poésie S.P.A.F 2004 – Prix Léopold Sédar Senghor du Cénacle européen des Arts et des Lettres 2006 – Prix Roland le Cordier S.P.F 2014.
(2) L’Homme qui souffle sur les braises – Editions ABM –
Michel Bénard
Michel Bénard est poète, peintre abstrait, essayiste, lauréat de l’Académie française, chevalier dans l’Ordre des Arts et des Lettres.
Vice-président du Cénacle européen des Arts et des Lettres,
Vice-président de la Société des Poètes français.