Je demande double vie – Laurence Fritsch
Laurence Fritsch
Je demande double vie
Un arbre, deux voix
Je demande double vie
pour te serrer
dans mes bras
toujours face à la mer
je demande
double corps
pour t’étirer
vers le ciel
*
La route analphabète surveille ce que j’écris
chaque ligne ajoute une ride sur mon visage
parler depuis l’absence avec la menace de la parole
avec la route analphabète qui surveille ce que j’écris
les murs accroupis au pied des maisons sourdes font ceux qui n’ont rien vu
j’interpelle le silence
la route est une ligne droite emplie de bruits, la mort un cercle vide
*
Dans la série [Poétique de la couleur]
jais
tes yeux de
tes cheveux noirs de jais
Blanche neige
moi à tire-d’aile de corbeau
dans la lumière sombre
des moulins de jayets
dans du jais noir de jais
lignite naturelle bois décomposé
taille une parure de deuil
jais parfois cristal parfois onyx noir
suie mouillée de frissons morts
je te pends à mon cou
*
A l’heure où le ciel se couvre de sel
le poème s’en va dans une dérive jusqu’à l’estuaire de nulle part
seules comptent les gesticulations de l’ombre
qui efface et qui écrit ?
des poussières muettes, des larmes précieuses, de menus frottements
la rivière conduit au fleuve à la mer
*
Gris les jours tristes
dans mes yeux anthracite
le désespoir s’attarde sur le macadam
consomme ma morne solitude
croisé un deux trois quidams
mon incertitude en altitude
gris les jours tristes
dans mes yeux cubistes
*
Cendre et os
Dans mon cercueil
je serrerai dans mes bras
ton urne
Nous retournerons à la terre
ensemble
Cendres et os
nous serons poussière d’amour
*
La pierre est un sein crispé
vert passé entre les galets couverts d’algues, fils cheveux d’ange
demain je m’installerai dans ta voix
ton murmure devient corde
tes mots sans bruit dans l’eau profonde
écrire, plutôt extraire
un filet de pierre dans un sein crispé
Laurence Fritsch
Laurence Fritsch, poète et haïkiste, vit près de Paris en France, et s’évade dès qu’elle peut dans les montagnes pyrénéennes. Pierres, cimes, rivières et étoiles peuplent son imaginaire. Journaliste, diplômée en pratique de l’écriture créative à l’Université de Cergy, elle propose une poésie parcimonieuse. Chaque poème est conçu comme une mosaïque ou un polaroïd traduisant un état d’âme, la fulgurance de la pensée, et quand elle est cri, l’impossibilité des mots.
Elle partage sa poésie sur les réseaux sociaux, un poème par jour sur Facebook, illustré par soit par une photo en noir et blanc, soit par une œuvre d’art (tableau, sculpture) qui entre en correspondance. Certains poèmes sont mis en image et en voix. Sa poésie parcellaire, mosaïque ou polaroïd traduit un état d’âme, la fulgurance de la pensée, parfois un cri, souvent l’impossibilité des mots. Fascinée par les mots de couleur, elle travaille à une « Poétique de la couleur » et amasse poèmes, documents et témoignages sur la poète disparue Marguerite Gillot. Elle a publié dans des ouvrages collectifs et dans diverses revues, et son premier recueil paraîtra aux éditions Bleu d’encre en 2024.
Pour la lire et la suivre: Un poème par jour sur Facebook et Instagram
Le blog « Poésie, vers et prose » :
Publications:
Eau mouvement dans l’ouvrage collectif De l’eau, cent cinquante fois de l’eau en cent mots Tiers-Livre, juillet 2021.
Sélection de poèmes à paraître dans la revue Traversées, mai 2023. Un recueil paraîtra aux éditions Bleu d’encre en 2024.
Interview
Sélection de poèmes et interview de Clara Régy « un ange à ma table » dans la revue Terre à ciel