Miloud Khaizar – Mercredi en Poésie
Mercredi en Poésie avec Miloud Khaizar
Une maison qui s’accroche au vent suspect
Je suis à la maison maintenant…
Connais-tu la maison ?
Une cabane au bord du texte,
à la tête du vent,
quelque chose ressemblant à un nid
dans les bras d’un saule dont la solitude fait ses ablutions bercée
par le chant de l’après-midi,
nid appelant ses visions détails d’une épopée
et miroirs au visage hilalien,
émergeant d’un mirage antique.
Il n’y a pas plus facile pour un vent
que de défaire un nid
et de mener vers l’endroit qu’il veut
un troupeau de nuages qui n’en veut point.
Possèdes-tu une maison,
pour savoir comment ton sens peut-il avoir un gîte de vision.
Un gîte dont les appels s’écoulent du trou de son éternelle solitude ?
Comment les fenêtres deviennent ailes du livre de la distance ?
Comment la clé d’un lis éclos tourne dans la serrure du matin ?
Comment les tempêtes dorment
dans le giron d’une chanson pleurant la disparition ?
Et comment l’âme éprouve les flammes de ses soupirs
dans les traits d’un naï orphelin ?
Comment je peux reconnaître ma maison ?
Par le toit de sa passion,
par les pieds satinés aux pas feutrés
sur l’échelle du « rast ».
Par l’ombre de Madame,
dormant au fond du jardin de mon âme,
dans la main le parfum de sa rose,
par le mur affectueux qui me parle,
pierre par pierre,
des sources de ma mère et de la lumière de mon père,
par un livre racontant l’histoire d’une fenêtre,
la lucidité d’une vision et la brièveté d’un assoupissement,
dans la blancheur d’une gamme parlant d’une main pareille à un Sol,
à la raison de son bonheur.
De l’eau du rire de Madame lavant le chuchotement du « ch ».
Par le jeu des rayons derrière les rideaux de son chagrin.
Par le sang de l’alphabet dans le pouls de l’univers,
par les prières des persiennes au cœur d’un tourbillon,
le temps d’offrir à la nuit son sens.
Par le sceptre de la matinée dans la tige de la conscience,
par l’étagère des bibelots en céramique,
au toucher révélant la mémoire de l’argile,
par la poignée ivre de la conversation de ses doigts
sortant telle une âme
qui sort d’un corps perdu dans le désert des nébuleuses.
Comment lire ma maison ?
Dans la profondeur du puits affligé,
dans l’idée de puits,
dans une écuelle sculptée par les questions de la faim,
sur le trône de l’ivresse,
sur un banc dans l’appentis de ma mémoire,
sur les balançoires des devinettes de la sagesse campagnarde,
dans l’eau d’une flûte embellissant le sol de gazon
tandis que les étoiles scintillent dans le reflet de son miroir.
Miloud Khaizar
Traduction de Radhia Toumi
Miloud Khaizar
Miloud Khaizar écrivain et poète algérien d’expression arabe. Il a écrit et publié plusieurs recueils poétiques dont : Orient de la chair, Je vois, Bleu jusqu’à la blancheur et Messe de la fleur de sel.
Poésie