Sonia Elvireanu, La lumière du crépuscule

Poésie
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Sonia Elvireanu, La lumière du crépuscule / La luce del crepusculo : Un voyage de l’ombre vers la clarté

Par Gérard Le Goff

Sonia Elvireanu, La lumière du crépuscule

Dans le livre intitulé : Le regard… un lever de soleil, Sonia Elvi­reanu invitait le lecteur à l’accomplissement d’un voyage initiatique effectué à la lumière de l’aube, cet évident symbole d’espoir et de renouveau. Le titre de ce nouvel opus — La lumière du crépuscule — peut déconcerter. Un coucher de soleil fait souvent l’objet d’une carte postale convenue ou illustre encore un rendez-vous amoureux dans un style suranné. Pour d’autres, le couchant représente l’espoir d’une consolation (le poème Recueillement de Baudelaire). Cependant, l’inconscient collectif associe le plus souvent ce moment de transition à une symbolique négative. La lumière du soir étant déclinante et non ascendante — comme l’est celle du jour naissant — elle figure une fin, voire la mort.

Pourtant, rien de tout cela ici. Sonia Elvireanu nous invite à effectuer un nouveau voyage, mais nous convie surtout à un pèlerinage (le deuxième texte s’intitule : Le pérégrin). Ce pèlerinage particulier se présente — comme il se doit — tel un itinéraire défini au préalable vers un endroit sacralisé, mais qui n’est pas clairement fixé à l’instar, par exemple, du chemin de Compostelle, car il constitue surtout un parcours intérieur, une introspection. Dans sa préface — ô combien éclairante — Giuliano Ladolfi précise : « Le texte ne doit donc pas être abordé comme une lecture d’une expérience d’une autre personne, mais comme un voyage personnel sur la voie tracée par l’auteur vers une dimension autre ».

Le voyageur est un être vivant, fait de chair et d’os : « Il semble une ombre dans le lointain, / mais ce n’est pas un fantôme, / l’homme est bien réel […] ». Mais ce pérégrin apparaît multiplié : il est à la fois celui qui chemine, le poète (« je reconnais la voix du Poète ») qui évoque — c’est-à-dire invoque et se souvient — et le passeur qui sait le « sentier secret » et affirme : « Entrez ici avec confiance ». On retrouve dans La lumière du crépuscule une polyphonie qui déroute, à l’instar du dualisme permanent des recueils précédents.

Le lecteur suit les pérégrinations de l’être multiple dans une nature parfois ingrate, voire rebutante. Ne doit-il pas affronter « les tourbillons rapides et vertigineux, / les eaux froides, presque glacées […] » ? Ou encore, grimper « parmi les rochers aigus […] / jusqu’au sommet blanc de la colline, / à côté, le gouffre, au tréfonds un mur blanc, / sans fin, lisse et droit / comme une paroi de montagne […] » ? Mais le pèlerin connaît également des moments d’exaltation où la contemplation du monde lui accorde une sérénité enviable : « Tout autour un calme protecteur, / je me décompose en minces fils / et me recompose en étranges formes, / autour d’un noyau de lumière […] ». Ou bien : « je m’éclaire au calme des pommes / pas mûres, arrondies par la lumière, / un oiseau blanc s’envole dans l’air / et chante le feuillage vert […] ».

Franchir les collines, traverser les vergers, les plaines, arpenter les rivages, admirer la nature, la lune, humer les parfums que porte la brise, certes, une démarche primordiale pour le poète pèlerin, mais il lui faut aussi assurer un retour perpétuel sur lui-même, murmurer des prières, entonner des cantiques qui loin de frayer avec un quelconque dogmatisme permettent de consolider une spiritualité intense. Le parcours devient élévation. Giuliano Ladolfi, dans son introduction, ne précise-t-il pas : « L’image du voyage est l’échelle de Jacob qui unit la terre au ciel » ? La joie de vivre et la sensualité éprouvées ici-bas font écho au besoin et au désir d’une élévation.

Même si l’être complexe semble de temps à autre se fracturer quand s’immisce le doute : « Parfois j’ai l’impression que tu t’éloignes, / comme si tu partais pour un étrange voyage / parfois je te sens proche, comme si tu me tendais la main pour me protéger […] ».

Avec La lumière du crépuscule, Sonia Elvireanu poursuit sa quête spirituelle. Elle peaufine son style au lyrisme retenu, mais si évocateur, souvent incantatoire. Elle nous fait comprendre — j’ose écrire : à nouveau — que la poésie, langue première de l’humanité (pas uniquement en raison de l’existence de textes sacrés), se doit d’être exigeante sans toutefois oublier que la spiritualité (ce besoin de transcendance) ne s’oppose ni à la bienveillance ni à l’amour — bien au contraire !

Sonia Elvireanu, La lumière du crépuscule / La luce del crepusculo
Édition bilingue Français / Italien – Traduction & préface de Giuliano Landolfi – Édition Landolfi, Borgomanero, Italia, 2025, 121 pages, 15 €
La poétesse
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Souffle inédit est inscrit à la Bibliothèque nationale de France sous le numéro ISSN 2739-879X.
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