Awicha Agoulmine : « Mes larmes d’amour dureront plus que les étoiles du ciel et perdureront jusqu’à mon dernier souffle. »
Awicha Agoulmine, la poésie pour survivre
POÈTES SUR TOUS LES FRONTS
Par Lazhari Labter
Quoi de plus naturel que d’écrire de la poésie comme elle respire puisqu’elle a écrit du plus loin qu’elle se souvienne. Quoi de plus naturel d’être possédée par la poésie quand elle est née et qu’elle a vécu là où la poésie était partout. Dans la bouche de la mère qui la disait sans l’écrire, dans les vers du grand frère et dans les livres qui l’entouraient. Quoi de plus naturel que d’aimer les rimes, le rythme et les métaphores filées autour du thème de la beauté et de l’amour au-delà des douleurs, dites ou tues, quand elle aurait aimé vivre à « l’époque enchantée des ménestrels et des troubadours. Awicha Agoulmine, née poétesse, a la poésie qui coule dans ses veines comme elle coule de ses vers.
Découvrant ses poèmes quelques mois avant son décès survenu en 1978, le poète et écrivain belge Maurice Carême l’avait vivement encouragée à les publier.
À ce jour, hormis sa participation à une anthologie poétique collective sous le titre 100 poèmes pour l’Union du Grand Maghreb et des poèmes semés comme des pierres sur son parcours sur les réseaux sociaux, Awicha Agoulmine n’a pas encore publié de recueils, elle qui en a plusieurs, de nouvelles aussi et un roman en cours. En attendant, elle se remet doucement du drame qui l’a frappée jusqu’à la brisure, en essayant, dit-elle, « de survivre et de donner un semblant de sens à ma vie en faisant des efforts pour ceux qui m’aiment et que j’aime. »
Docteure en chirurgie dentaire à Alger et dans d’autres villes, après une riche et longue carrière dans sa spécialité, auteure de manuels scolaires du programme officiel de l’enseignement secondaire, Awicha Agoulmine, qui a enseigné la langue française dans un lycée près d’Alger, habitée par la poésie, n’a cessé de lui consacrer de son temps en écrivant et en lisant ses poèmes dans des écoles et à l’occasion de différentes soirées poétiques ou rencontres notamment celles organisées par le Cercle des poètes dont elle est membre active.
Brisée par la double perte au printemps 2022, l’un après l’autre en peu de temps, de son fils Rafik et de son mari, le Docteur Ouramdane Ait Oufella, elle a toujours gardé espoir en croyant à l’avenir, soutenue par son fils Amine, aidée par sa force de résister et de vivre, et par la poésie qui transforme en étoiles les êtres chers qui s’éteignent :
Tu étais la lumière qui éclairait mes jours,
J’étais le soleil qui réchauffait ton amour,
Tu étais la tendresse qui berçait mon cœur,
Et j’étais pour toi, la douceur et la candeur.
Tu me disais que ma beauté t’enivrait,
Et que j’étais la grâce qui te fascinait,
Toi, tu étais cette force qui me guidait,
Et toute cette sagesse qui m’inspirait.
Pour toi, j’étais la passion qui t’animait,
Toi, tu étais la flamme qui m’allumait,
C’était notre ardeur qui nous stimulait,
Pour être au comble de notre félicité.
L’affection de notre famille nous habitait,
Et l’amour de nos enfants nous comblait,
Oui, j’ai été l’unique femme de ta vie,
Toi, tu as été le seul homme de ma vie.
En quelques jours, notre vie avait basculé,
Nous avons perdu notre fils Rafik tant aimé,
J’ai égaré ma raison et toi, tu t’es désespéré,
De ce mauvais coup du sort et de l’adversité.
Ton dernier sourire, si émouvant et si pur,
Était telle une caresse, malgré la blessure,
Tu voulais me réchauffer avec ton regard,
Avant de t’éteindre, dans un ultime départ.
Ton dernier sourire, si faible et si tendre,
Un adieu délicat qui allait me surprendre,
Il a laissé derrière lui, une trace indélébile,
Qui me rappellera que la vie est si fragile.
Je n’ai pu voir ton dernier souffle si léger,
S’envoler vers le ciel, tel un oiseau blessé,
Il a emporté avec lui, les souvenirs du passé,
Les rêves brisés, qui ne seront jamais réalisés.
Mais ton dernier beau sourire sera éternel,
Il restera gravé telle une trace intemporelle,
Il m’accompagnera durant mon existence,
Pour m’évoquer sans fin, notre connivence.
Poème de Awicha Agoulmine écrit le 8 mai 2025 à l’occasion de la commémoration de la troisième année de la perte de son mari et de son fils.
Lazhari Labter : J’aime bien commencer mes entretiens pour cette rubrique de « Souffle Inédit » avec la convocation d’un souvenir. Qu’évoque pour toi cette photo ?
Awicha Agoulmine : Le souvenir des jours heureux !
Une atmosphère magique, où la poésie s’était mêlée à la nuit et à ses mystères. Une belle époque de ma vie où j’étais comblée et épanouie.
Les visages des poètes étaient illuminés par la lumière douce des lampions et des bougies mais aussi par la présence d’un public amoureux du verbe, créant une ambiance chaleureuse, propice à la déclamation de la poésie.
Tous les poètes, réunis pour la circonstance, avaient partagé leurs inspirations, leurs rêves et leurs émotions, transformant cette nuit en un moment mémorable.
C’était un instant suspendu dans le temps, où chaque mot prononcé résonnait comme une mélodie, et où l’amitié s’était renforcée pour toujours à travers la beauté des mots.
Un merveilleux et impérissable souvenir de ma vie d’avant …
L. L : Des recueils de poèmes en attente d’être édités et une participation en 2019 à un recueil collectif sous le titre 100 poèmes pour l’Union du Grand Maghreb auquel ont participé 124 poètes maghrébins amazighs, arabophones, francophones et anglophones. Quel rôle peut jouer selon toi la poésie dans le rapprochement des peuples et des créateurs des arts et de la culture en particulier ?
Awicha Agoulmine : Oui, des recueils de poèmes en attente d’être édités mais aussi un recueil de nouvelles et la surprise d’un premier roman en cours d’écriture.
Oui, ma participation à ce recueil collectif 100 poèmes pour l’Union du Grand Maghreb me tenait vraiment à cœur. J’étais convaincue du bien-fondé de ce projet et de cette collaboration de plus de cent poètes. Nous avions mobilisé nos plumes pour prôner l’amour et la solidarité et exprimer notre vœu d’abolir la haine et les frontières entre des peuples frères.
Au mois de mars dernier, j’ai également collaboré à une anthologie trilingue ayant pour thème Unis dans la diversité et qui doit être prochainement éditée aux États-Unis. Mes deux poèmes écrits en français, ont été traduits en arabe et en anglais.
Ma conviction intime est que la poésie peut être véritablement un carrefour d’échanges entre les peuples et par là-même, pouvoir jouer un rôle crucial dans leur rapprochement, en raison de sa capacité à exprimer des émotions universelles qui peuvent transcender les barrières linguistiques et culturelles.
D’abord, en abordant des thèmes communs tels que l’amour et la souffrance, la poésie favorise un dialogue interculturel où les similitudes peuvent être mises en avant et les différences célébrées plutôt que rejetées.
De plus, elle contribue sans nul doute à l’élaboration d’une identité collective, permettant ainsi aux individus de se connecter à leur communauté tout en s’ouvrant à d’autres cultures afin d’encourager des coopérations et des contributions capables d’enrichir la diversité culturelle.
Oui, la poésie par son impulsion créatrice, inspire les artistes, les arts et la beauté sous toutes ses formes comme la musique, le chant et la danse. Et cette évocation m’amène à penser aux ménestrels et aux troubadours, et à leur époque enchantée où j’aurais tant voulu vivre !
Il ne faut pas oublier aussi que dans des contextes de conflit, la poésie devient un outil de résistance, permettant aux voix marginalisées de s’exprimer, de mobiliser des arguments pour défendre une cause, dénoncer des injustices, revendiquer une place dans le monde, et le droit à exister dans la paix.
Enfin, la poésie sert indubitablement d’outil éducatif, sensibilisant le public quel qu’il soit, en éveillant des réflexions profondes dans divers domaines et parfois même en suscitant des vocations. Nous l’avons nous-même vécu durant nos études. Et puis, j’en ai fait la belle expérience avec nombre de mes élèves, durant les merveilleuses années où j’ai eu le bonheur d’enseigner au lycée. Je faisais appel à la poésie, pour sa musique et sa beauté, pour son contenu, pour expliquer son rôle à travers ses vocables, la portée de son verbe et le plaisir de la lire, de l’écrire, de la déclamer et de la chanter.
En somme, la poésie, par sa capacité à toucher l’âme humaine et à favoriser la communication et le dialogue, est essentielle pour construire une culture mondiale plus riche et plus inclusive.
Il n’est pas interdit de rêver !
L. L : Poétesse, membre du Cercle des poètes de l’Institut français d’Alger, tu y as déclamé un poème intitulé « Ode à l’espoir » dans le cadre de La Nuit de la Poésie en 2020. Pourquoi as-tu à ce moment-là voulu faire passer le souffle de l’espoir ?
Awicha Agoulmine : Pour comprendre le pourquoi du choix d’un poème intitulé « Ode à l’espoir », il serait particulièrement pertinent de se plonger dans un contexte comme celui de 2020.
En 2020, j’avais effectivement participé à l’événement de « La Nuit de la Poésie », non pas en présentiel comme de coutume, mais en virtuel.
Cette année-là avait été marquée par une situation sans précédent, à savoir, la pandémie de la COVID-19, qui a affecté la vie de millions de personnes à travers le monde.
Et donc, dans ce contexte précis, où les recommandations étaient d’éviter les regroupements et les rassemblements pour cause de risques sanitaires, il était essentiel de ne pas déroger à la règle et de rendre hommage à la poésie comme cela se faisait habituellement durant une nuit entière à cette période de l’année. La différence, c’est que cette fois-là, chacun devait écrire chez soi, enregistrer sa production personnelle et la transmettre à l’Institut français qui se chargerait ensuite de la diffuser sur le Net et sur les réseaux sociaux.
À cette époque, il m’arrivait d’animer des ateliers d’écriture au sein de l’Institut français en vue d’un événement poétique ou d’être membre du Jury à l’occasion d’un concours de poésie. Et dans l’esprit des responsables culturels du Cercle des Poètes, le thème de l’espoir semblait tout trouvé pour la circonstance. En somme, faire passer le souffle de l’espoir à travers la poésie pouvait être un acte puissant et nécessaire, dans cette période de crise.
Pour ce qui me concerne, dès l’annonce du thème, l’inspiration était immédiatement venue à ma rencontre, faisant couler les mots et les verbes comme par enchantement sur mes pages. J’étais littéralement habitée comme à chaque fois qu’un sujet me touche. J’avais écrit rapidement, naturellement et sans m’arrêter, me sentant en quelque sorte transportée, jusqu’au dernier mot… Cela m’arrive souvent.
Je me souviens d’ailleurs du poème que j’avais écrit en trente minutes au moment des incendies dramatiques de 2021 en Kabylie.
Alors, par ces temps difficiles, il se trouvait que j’avais eu la force nécessaire pour offrir à travers mon poème, du réconfort aux gens et leur rappeler qu’ils n’étaient pas seuls dans leurs luttes.
Leur envoyer un message d’espoir pour les inciter à persévérer et à chercher des solutions face à l’adversité, me semblait vital.
Cependant, je reconnais aujourd’hui, que ce n’est pas toujours évident à faire, car cela dépend en grande partie des circonstances que nous pouvons vivre, des épreuves que nous subissons et des périodes que nous traversons au cours de notre vie.
L. L : En 2022, tu as obtenu le prix du meilleur poème en langue française lors de la 18e édition du concours de poésie organisé chaque année par l’Etablissement Arts et Culture de la wilaya d’Alger. Quel souvenir gardes-tu de cette cérémonie où quatre lauréats ont été honorés dans les quatre langues arabe classique, arabe populaire, tamazight et française pour toi ?
Awicha Agoulmine : Il est vrai qu’en 2022, j’ai eu l’honneur d’être lauréate au concours de la Wilaya d’Alger à l’occasion de la commémoration du 60e anniversaire de l’indépendance de l’Algérie. Mais il est important de préciser que ce poème, qui a été salué par le jury, a été écrit dans un état second.
À ce moment-là, j’étais plongée dans un vrai drame qui m’avait frappée de plein fouet ! L’horrible perte soudaine de mon fils chéri et celle de son père à peine quelques jours après lui, m’avaient totalement dévastée et précipitée dans un tourbillon infernal d’émotions épouvantables.
Après l’annonce du résultat du concours, je ne me sentais pas la force ni d’assister à la cérémonie ni de déclamer mon poème mais finalement, mon deuxième fils m’avait encouragée et même poussée à le faire.
Lors de la cérémonie de remise des prix, j’étais toujours dans un état second, complètement pétrifiée et je n’en garde que très peu de souvenirs. J’étais honorée et en même temps, assommée par la douleur que je ressentais. Cette dualité avait brouillé ma perception de la cérémonie, rendant chaque instant à la fois précieux mais irréel aussi. Les traumatismes que j’avais subis peu avant cet événement avaient laissé une empreinte indélébile sur mon esprit.
Dans ces moments de désespoir et de grand trouble, c’est vrai que j’avais découvert le concours tout à fait par hasard et seulement deux jours avant la date limite de dépôt des textes.
Sans hésitation aucune, je me mis à l’œuvre. D’une manière presque inconsciente, j’avais trouvé refuge dans l’écriture, ce qui m’avait permis d’exprimer mon amour pour ma patrie.
Pour moi, l’Algérie est elle-même un poème au naturel, avec ses valeurs ancestrales, sa beauté grandiose et ses paysages variés et époustouflants.
Et mon poème, bien qu’écrit dans un état d’esprit particulier et dramatique, représentait une part authentique de moi-même. Mes mots ont donné voix à ce que je ressentais, même si cela venait d’un état de souffrance, pendant que ma vraie voix s’était tue et que j’étais devenue quasiment aphone.
À prime abord, je voulais que la directrice de l’Établissement Arts et Culture lise le poème à ma place, mais contre toute attente, j’avais fait l’effort de le déclamer moi-même.
En fin de compte, cette expérience m’a appris que la créativité peut émerger des ténèbres et des épreuves que nous traversons.
C’était la première fois que je participais à un concours d’écriture en Algérie.
Être lauréate de ce prix a été une reconnaissance non seulement de ma poésie, mais aussi de mon parcours personnel qui a toujours su dépasser l’adversité.
Rafik et son père auraient été fiers de moi et je les vois sourire même si mon cœur est déchiré à jamais.
L. L : Tu as été lauréate de l’Appel à textes de la cité de Marseille en mars 2025 pour le poème « Seul, le souffle du vent » qui commence ainsi :
Le vent tel un poète, en un souffle léger,
Plane dans l’azur du ciel et puis vient danser.
Sa brise nous éveille et réveille nos prières,
Murmure aux feuilles et caresse les rivières.(lire ici)
Tu écris une poésie classique en respectant les règles de la versification française. Pourquoi ce choix du classicisme poétique ? Cela est-il dû à l’influence des poètes français dont Baudelaire qui semble t’inspirer beaucoup ?
Awicha Agoulmine : En fait, j’ai été plusieurs fois sélectionnée et honorée en France, lors de divers concours de poésie. Et puis, c’était la deuxième fois que j’étais lauréate au concours du Printemps des Poètes à La Cité de la Musique de Marseille. En mars 2020, j’avais déjà participé aux Paroles de Méditerranée qui avaient pour thème « Le courage d’écrire et de dire ».
Mon poème intitulé « J’ai peur’ » avait été primé pour l’occasion. Je m’étais rendue à Marseille juste avant la fermeture des frontières.
Dans ce poème, j’avais prêté ma voix et ma plume à une jeune poétesse qui m’avait fait des confidences sur les abus qu’elle avait subis de la part d’un cousin proche dès l’âge de sept ans, et du calvaire qu’elle avait vécu pendant dix ans. Mon poème avait beaucoup ému.
… Je ne pouvais comprendre,
Ce que venait me prendre,
Cette ombre dans mon lit,
Dans le silence de la nuit.
J’ai accepté naïvement,
Les actes de ce vrai serpent,
Qui m’a volé mon enfance
Et tant souillé mon innocence…
La poésie est une véritable passion pour moi. Elle m’anime et me fait vibrer depuis toujours. Écrire, c’est une façon pour moi, d’exprimer mes sentiments et de parler de mes valeurs. Et mon style d’écriture s’est forgé au cours de très longues années.
Il se trouve que déjà toute petite, j’étais bien entourée. À la maison, je baignais dans une ambiance d’amour, à la fois studieuse et poétique.
Ma mère était poétesse mais elle disait sa poésie oralement, elle ne l’écrivait pas. Il suffisait qu’elle soit inspirée par un événement heureux ou malheureux pour qu’elle se mette immédiatement à improviser et à déclamer ses vers ou même à les chanter de sa belle voix parfois gaie et parfois triste.
J’ai également été très influencée par mes nombreux grands frères et sœurs, tous férus de poésie et de littérature. Lorsque j’étais petite fille, le plus âgé d’entre eux qui était lui-même poète, puis plus tard écrivain, me racontait des histoires et me lisait des épopées poétiques de grands voyageurs. C’est lui qui m’avait initiée aux grands auteurs dès mon adolescence, avant même que je ne les étudie en classe. Je connaissais d’abord Boileau puisque je suis née à la rue Boileau, d’abord son Art poétique et plus tard, ses Satires, et puis Baudelaire dont le titre de son recueil Les Fleurs du Mal avait aiguisé ma curiosité pour comprendre la contradiction contenue dans l’intitulé entre fleurs et mal, Voltaire, Lamartine, Victor Hugo, Chateaubriand, Rimbaud, Verlaine, Alfred de Musset et puis Racine, Corneille et Molière et bien d’autres… Comme Nazim Hikmet avec lequel je n’avais pas eu d’atomes crochus à l’époque… Et Stendhal et Flaubert, je les avais étudiés en seconde au lycée.

J’adorais lire et puis aussi écrire avec joie et plaisir mes rédactions scolaires et comme naturellement, je me mis vite à écrire des poèmes.
J’ai d’ailleurs beaucoup écrit durant mes années lycée. Au départ, je respectais les règles strictes de la poésie classique, d’autant plus qu’elle faisait partie du programme, et j’écrivais principalement, des alexandrins et quelquefois des sonnets, mais pas seulement. Il m’arrivait d’écrire de la prose poétique que mes professeurs lisaient à toute la classe comme c’était toujours le cas pour mes rédactions.
Toutefois, et depuis longtemps déjà, j’écris assez librement sans me soucier du nombre de pieds de mes vers. Je ne veux plus avoir de contraintes, je veux juste que ma poésie vienne naturellement, comme quand le matin, à mon réveil, des vers poétiques viennent chanter et claironner à mes oreilles.
Mais par-dessus tout, j’aime jouer avec la mélodie et la musicalité des mots.
Alors la seule règle qui s’invite toujours dans ma poésie, c’est celle des rimes et de préférence des rimes plates plutôt que des rimes embrassées.
Ma poésie est une invitation au voyage,
Vers le réel autant que vers l’imaginaire.
Elle doit charmer l’oreille,
Enchanter l’esprit,
Représenter les sons,
Imiter les couleurs,
Rendre les sentiments et les objets visibles et palpables.
J’aime écrire.
Avant, j’écrivais partout et tout le temps et même dans le train ou dans le bus, je prenais soin d’avoir un petit calepin et un crayon dans mon sac …
Maintenant, je peux écrire assise sur un banc, en écoutant des oiseaux, en admirant la nature, les arbres, une rivière ou un lac, en admirant un lever ou un coucher de soleil sur la mer ou ailleurs, ou à la vue d’un monument ou d’une rue qui me rappellent des souvenirs.
Avant, même lorsque j’abordais un thème douloureux, je finissais toujours par une note d’espoir.
Cela me semble totalement impossible à présent…
L.L. : Dans l’attente de voir tes recueils édités, tu publies tes poèmes sur les réseaux sociaux. Pourquoi selon toi les éditeurs en Algérie et ailleurs sont-ils réticents à publier ce genre littéraire ? La poésie n’a-elle plus rien à dire aux lecteurs ?
Awicha Agoulmine : Comme je l’ai déjà dit, j’écris de la poésie depuis mon enfance, et durant mon adolescence, aussi incroyable que cela puisse paraître, Maurice Carême ayant lu quelques-uns de mes poèmes, l’année précédant son décès, m’avait fortement encouragée à les publier. C’était la période des études et avec la frénésie de la vie ainsi que tous ses aléas parfois, cela ne s’est jamais fait et aujourd’hui, je le regrette amèrement.
Mais ce ne sont pas les opportunités de publier qui m’ont manqué par la suite.
Durant les vingt dernières années, j’étais professeur de langue française au lycée et auteure de plusieurs manuels scolaires dédiés à l’enseignement secondaire en Algérie. J’étais correctrice auprès de particuliers mais également auprès de deux maisons d’édition dans lesquelles j’aurais pu facilement faire publier mes ouvrages, si j’avais pris le temps de le faire, c’est tout. Mais j’étais prise dans le tourbillon de la vie, de la famille et du travail, un tourbillon qui m’offrait un véritable épanouissement et un bonheur complet.
De sorte que je continuais à écrire encore et toujours mais je reportais sans cesse le moment de publier à plus tard.
Il m’était possible de le faire aussi dans plusieurs maisons d’édition françaises avec lesquelles j’avais eu des contacts positifs via le Net.
Enfin dernièrement, en septembre 2023, la maison d’édition algérienne ANEP spécialisée dans les Beaux Livres, m’avait proposé la publication d’un recueil de poésie, à compte d’éditeur. Malheureusement, j’étais toujours dans un état de fragilité intense et c’est moi qui n’ai jamais donné suite à cette opportunité ni envoyé ma sélection de poèmes. C’est dommage, mais je ne pouvais agir différemment à l’époque.
En septembre et octobre 2024, j’ai participé à des rencontres poétiques à Paris et des propositions m’ont été faites pour des publications à compte d’éditeur dans une maison d’édition. J’espère franchir le pas très bientôt.
Pour l’instant, j’essaie de survivre et de donner un semblant de sens à ma vie en faisant des efforts pour ceux qui m’aiment et que j’aime.
Je suis bien entourée, et les lettres et l’écriture m’y aident fortement aussi. J’écris quasi quotidiennement.
Je participe régulièrement à des événements culturels et à des cafés littéraires durant lesquels j’apporte une contribution active et très appréciée.
J’anime également des ateliers d’écriture de poésie et d’écriture de récits et cela m’apporte énormément de satisfaction.
Ce n’est que dernièrement que j’ai recommencé à publier mes poèmes sur les réseaux sociaux. Les réactions positives et les commentaires appréciatifs et très respectueux de mes amis réels, de mes amis virtuels et des autres, me réchauffent le cœur, me donnent beaucoup de courage, de plaisir et l’envie de continuer.
D’après ce que j’en vois et ce que je constate, je trouve que la poésie a encore de beaux jours devant elle. Parce qu’elle a toujours des choses à dire à ses lecteurs qu’elle réussit à émouvoir et à enchanter. Et cela est d’autant plus important dans la période que nous vivons.
Nous avons besoin de poésie ! Besoin de l’écrire et de la lire !
Alors dans la réalité, et contrairement à ce qu’il peut en paraître, beaucoup de maisons d’édition sont prêtes à publier de la poésie sauf qu’une différence de taille réside dans leurs modalités de fonctionnement ! Classiquement, c’était la maison d’édition qui prenait en charge toutes les dépenses générées par le livre et par l’auteur. Alors qu’actuellement, nous assistons souvent à des publications à compte d’auteur. C’est-à-dire où l’auteur finance lui-même l’impression et la diffusion de son livre. Et à fortiori, avec de nouveaux auteurs inconnus dont le succès n’est pas assuré et par voie de conséquence ni les ventes ni les profits générés. Car, même s’il s’agit de poésie, il ne faut pas perdre de vue le côté commercial pour la viabilité de l’entreprise. Personnellement, je n’ai jamais été approchée pour financer moi-même mes livres.
L.L. : « Il y a des larmes d’amour qui dureront plus longtemps que les étoiles du ciel. » Que t’inspire cette citation du poète français Charles Péguy ?
Awicha Agoulmine : Dans cette citation de Charles Péguy, la comparaison souligne l’éternité « des larmes d’amour », qui dureront plus que les étoiles du ciel.
Alors que les étoiles dans le ciel sont vouées à s’éteindre un jour ou l’autre, les sentiments d’amour, accompagnés de joie ou de douleur, laissent une empreinte durable dans nos vies.
L’idée que des larmes d’amour « dureront plus longtemps » que les étoiles, souligne la force des sentiments et de l’attachement affectif.
Plus que cela, cette citation m’évoque la profondeur de l’amour, et l’existence de larmes particulières comme les larmes d’amour d’une mère face à la perte de son enfant. Cet événement terrible et contre nature n’est pas dans l’ordre normal des choses. Il est très cruel et plus dévastateur que tous les autres.
Les larmes d’amour d’une mère, pleines de douleur et de chagrin, témoignent d’un lien indéfectible qui transcende le temps et l’espace.
La comparaison avec les étoiles et même au-delà, souligne l’éternité de cet amour, qui continue d’exister malgré la douleur et l’absence de l’être aimé.
Je ne connaissais pas cette citation. Mais elle illustre tout à fait la situation tragique dans laquelle je me trouve. Elle est un rappel poignant de l’intensité de mes émotions et de la manière dont ce drame m’a traumatisée et marquée à jamais, dans les moments les plus sombres de mon existence.
Et cela me fait très mal même d’en parler.
Mes larmes d’amour coulent depuis plus de trois ans sur mes joues, dans mon âme et dans mon cœur.
Mes larmes d’amour couleront encore et toujours dans la douleur de l’absence de mon fils chéri Rafik.
Mes larmes d’amour dureront plus que les étoiles du ciel et perdureront jusqu’à mon dernier souffle.
FEMME, RÉVEILLE-TOI
Femme réveille-toi, ne reste pas endormie,
Lève-toi et montre ton ardeur et tes envies,
Ne laisse pas les autres décider pour toi,
Prends les rênes de ta vie, et suis ta voie.
Femme réveille-toi, ne te laisse pas enfermer,
Dans les carcans de la société et les préjugés,
Tu es dévouée, généreuse et pleine de talent,
Fais entendre la voix de ton cœur si vaillant.
Femme, réveille-toi, déjà l’aube se lève,
Les rayons du soleil dansent sur la grève,
Les oiseaux chantent et la nature s’éveille,
Laisse derrière toi, les ombres de la veille.
Le vent murmure et promet les toujours,
Il t’invite à sortir et à embrasser le jour,
Les fleurs s’ouvrent en un parfum subtil,
Qui enchante ton imagination si fertile.
Femme, réveille-toi, ton destin t’attend,
Chaque instant est précieux, tel un chant,
Les rires des enfants résonnent dans l’air,
Ils t’appellent à voyager dans la lumière.
Sache que les étoiles filantes brillent encore,
Dans le ciel de tes yeux, on voit leur aurore,
Tu dois oser, croire en toi sans aucune trêve,
Femme, réveille-toi mais surtout vis tes rêves.
Les chemins sont nombreux, celui que tu choisis,
Doit t’unir à tes passions, à tout ce qui t’épanouit,
Tes peurs s’envolent, telles feuilles d’automne,
Femme, réveille-toi pour que ton âme rayonne.
Ne crains ni les tempêtes ni les doutes passés,
Chaque pas que tu fais te rapproche de l’été,
La force est en toi, comme une mer profonde,
Alors, réveille-toi, et cours conquérir le monde.