Un voyage poétique entre mémoire, solitude et terre natale dans les nouveaux recueils de Salah Oudahar, portés par une langue sensible et incarnée.
Les galets de la mémoire : Salah Oudahar, entre poésie et réminiscences kabyles
Par Djalila Dechache
C’est la tête pleine d’images de sensations, de visions et de mélodies que je commence à écrire au sujet du recueil de Salah Oudahar. Il peut se lire à voix haute, à voix basse, en silence, en ouvrant les fenêtres, en marchant, en rêvant, en murmurant. Ce texte s’engouffre en soi dès que l‘on commence à cheminer entre les lignes, on entend les mots, leur intensité, leur volupté, leur justesse.
C’est un récit ininterrompu qui glisse comme le temps, comme une vague comme une petite pluie fine, fine mais rafraichissante, un fil dans un labyrinthe.
L’auteur sait ce qu’il dit, ce qu’il écrit, c’est du vécu, du rêvé, du senti, du vu quelque part en lui… de lui…
Il nous emmène avec lui dans son silence, son monologue coutumier, ses pérégrinations, il ne cherche pas à plaire, il vide son coeur, il ne ment pas, il a dénudé son âme comme pour dire voyez je suis un être simple, sensible, je vous livre mon for intérieur, je fais partie de la nature des éléments, je suis devenu un élément de la nature tout comme vous.
On ressent bien sûr la mélancolie des choses fugaces comme l’ont écrit les poètes du XIX ème siècle, Baudelaire, Verlaine, Rimbaud, Lamartine brûlés au soleil de la lucidité à la manière de cet aphorisme de René Char « la lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil ».
On se met à le regarder différemment, comme un faon dans la forêt à l’innocence retrouvée.
Ce que l’on comprend est que l’homme a fait de la solitude une alliée, une amie, il aime se réfugier, se ressourcer dans les ressacs de sa Kabylie féconde et de son histoire ; fin observateur rien ne lui échappe des interstices de la nature, des battements de son coeur et de la nature, de ses émotions, de ses pensées dansant en volutes.
Et les galets, minéral issu de la mer, conducteur de chaleur, que les enfants aiment à ramasser et à offrir et que l’on garde, symbole de permanence et de la douceur du temps, douceur du chemin, ses silences ne sont pas des silences, c’est l’effet une plume de soie qui vole, qui vit sa vie, qui pérégrine elle aussi.
De plus des citations ouvrent l’ouvrage avec Kateb Yacine, Günther Anders, Mohamed Mbougar Sarr, Yves Bonnefoy, Charles Juliet et Tchicaya U Tam’si des photos Noir et Blanc de l’auteur habillent l’ouvrage de manière élégante. Vie personnelle et vie politique d’entremêlent, la poésie en est le vecteur.
Extraits
» Qui de la pierre Qui du feu….Sculpta Les mots de ta langue… »
» Ce pays d’où tu viens,… Seul au milieu des décombres, toutes ruines confondues… »
» Enfant face à la mer … tu avalais à grands traits les lumières de l‘été… »
» Et la mère éplorée, vit son enfant capturé… »
» Ton corps emporté par les eaux de l‘oued Recouvert de ses galets millénaires… »
« La fille qui courait sur la plage les yeux brillants rêvés sur l’horizon … »
» Nuit je chemine lanterne en émoi ….les dernier parfums de l‘été, le jasmin, le basilic les figuiers, les grenadiers qui bordaient le chemin de la maison. »
» Il flotte dans l‘air comme un parfum d‘espérance…..Les débris éparpillés de la mémoire sur le seuil de ta langue »
« Tes yeux brillent dans l’enfance de cet été… »
« »Ivresse Embrasement des commencements …… »
« Boire dans ta main Ecrire dans ta langue Cheminer dans tes sillons… »
Terre naissance Terre renaissante Terre promise Terre féconde le blé repousse … »
Au fil du texte, des lignes, des galets, des mots on ressent que ses mots sont des galets qui le conduisent et l’éclairent, ils nous guident et nous animent dans un voyage peu commun.
Éléments Biographiques
Salah Oudahar est né en Kabylie, il est diplômée en Sciences Politiques. Il est comédien, metteur en scène et poète. Il a co-fondé le Festival Strasbourg Méditerranée qui verra sa 21ème édition en 2025. L’un des objectif de cet événement est de créer des espaces de rencontre et de réflexion autour de l’histoire et des mémoires issues des immigrations. Salah Oudahar est également Président de la compagnie théâtrale Mémoires vives. Ses passions concernent la création artistique, la recherche sur l’histoire et la mémoire. Ses recueils en sont un témoignage vivant.
Salah Oudahar, Ce pays d’où tu viens & Les galets de l’oubli, Editions d’en bas, collection A plus d’un titre, 2025.