Eloge – Etienne Fatras
Eloge – Etienne Fatras.
Par Michel Bénard
A la mémoire de l’artiste
Dans le cercle privilégié des poètes et artistes, Etienne Fatras était particulièrement bien apprécié. En premier lieu pour son talent personnel et son inaltérable gentillesse, il avait toujours un sourire, un propos sympathique pour les amis et confrères.
A plusieurs reprises il exposa à l’espace Mompezat, siège de la Société des Poètes Français. Ses expositions nous ont toujours apporté un souffle de fraicheur, sorte de bonheur presque innocent, car chacune de ses sculptures contenait sa propre histoire, sa propre écriture.
N’oublions pas qu’Etienne Fatras était également un poète taquinant la muse en entretenant toujours un lien entre ses sculptures et ses poèmes. Chacune de ses œuvres avait l’intensité d’un poème, d’ailleurs à ce propos c’est lui qui sculpta Erato, muse symbole de la Société des Poètes français, mais nous lui devons également de beaux bustes de Rimbaud, Verlaine, Villon, Baudelaire et bien d’autres œuvres qui trônent sur les bureaux de quelques poètes et hommes de lettres, jusqu’en Italie, terre de cœur qui influença beaucoup Etienne Fatras.
L’ensemble de ses créations nous invite à l’évasion en transgressant l’âpreté de ce monde par le miracle de la beauté, le mystère de la féminité en faisait souvent la démonstration.
D’une rare modestie Etienne ne chercha jamais à imposer son œuvre, mais préféra laisser le temps de suggérer, de préserver la part du rêve, le langage des anges, de laisser l’imagination s’épanouir. Seul dans son atelier, un peu comme un moine en sa cellule, il aimait créer dans la contemplation, la sérénité, en écoutant de la musique sacrée, chants grégoriens ou orthodoxes, à cet instant précis son esprit se faisait monacal afin de mieux s’abîmer dans le travail, comme une prière universelle : « Ora et labora » qu’il aurait voulu laïque.
Avec beaucoup d’humilité, signe distinctif d’Etienne Fatras, il était toujours dans ce dilemme du questionnement existentiel ou spirituel. Tel un alchimiste ébloui Etienne Fatras tentait la métamorphose de la vie, caressait l’énigme du temps. Pygmalion n’était pas loin. Pour lui la sculpture était un acte d’amour, une reliance avec l’existence.
Il était un sculpteur qui se faisait médiateur de la parole. À sa façon il préludait le futur et œuvrait pour un monde qu’il aurait voulu meilleur en lui donnant sens dans la protection des siens. La famille ayant chez lui une valeur cardinale. Sous forme de révérence symbolique, je lui laisserai la parole au travers de son poème et sculpture : « L’arlequin »
Allez salut l’artiste !
Le salut d’Arlequin
Certes c’est peu de chose
Un geste de la main
Un mouvement de la tête
Et même si j’ose
Une question indiscrète
Qui derrière ce masque
Cache ses frasques ?
Je sens son regard perçant
L’ironie de son sourire
Mais je ne saurais vous dire
S’il est bienveillant.
Lui-même existe-t-il vraiment
Sur ses jambes bien plantées,
Je ne vois plus son visage.
Rassurez-vous, ce n’est rien,
Vous, vous allez bien
Arlequin n’est que la mise en scène
De la fantaisie d’Etienne.
Etienne Fatras.
Lauréat de l’Académie française.
Chevalier dans l’Ordre des Arts et des Lettres.
Sculpture