Michel Jacquet est un sujet quelque peu atypique qui nous vient d’un monde presque insolite pour les néophytes que nous sommes, où nous ne l’attendions pas dans la discipline de la sculpture.
Michel Jacquet, du monde scientifique aux carrières de Carrare : le marbre comme credo
Par Michel Bénard
Autant dire que Michel Jacquet nous fait le grand écart, car venu des sphères scientifiques au titre respectable de professeur de la faculté des sciences dans le domaine de la biologie moléculaire, la génétique, la microbiologie, à Orsay, au Collège de France, à l’Institut Pasteur, à New-York etc. Nous sommes loin des ateliers d’artistes, du modelage et de la taille directe.

Assez singulier de voir se profiler un semblable professeur dans le milieu créatif et aléatoire du monde artistique des sculpteurs. Pourtant ce n’est pas un hasard car tout est lié, tout s’enchaine. Oui, car sachez que notre tout jeune Michel, du haut de ses huit ou dix ans avait déjà ses petits secrets, son monde parallèle, il portait la petite graine de la création. Imaginez-vous que notre futur mandarin portait déjà en lui quelques prédispositions lapidaires, disons plutôt sablonneuses initialement.
Le petit Michel qui souvent passait ses vacances en bord de mer, participa avec son cousin à un concours de châteaux de sable organisé par le Journal du Figaro. C’est ainsi que dans des catégories différentes le cousin ayant cinq ans de plus et le petit Michel furent classés chacun 1er et 3ème au niveau national sur cent quarante plages participantes.
Etonnée par le talent de ces deux crapules, une sculptrice professionnelle, proposa à la maman de Michel de l’orienter vers la sculpture, ce que la mère qui avait d’autres ambitions pour son fils et à juste titre, refusa. Qu’importe le germe était là en hibernation et s’éveillera l’heure venue
Au-delà de la flamme en veille et de sa prenante vie professorale, il lui arrivera d’entretenir son don créateur en se livrant de temps à autres au modelage. Mais notre ami Michel Jacquet avant de pouvoir se livrer pleinement à sa passion sculpturale attendra que l’heure de la retraite à 65 ans sonne.
Mais le hasard n’existe pas, Michel Jacquet devait s’orienter vers l’art de la sculpture, les signes ne trompent pas. Au cours d’une réunion entre collègues, un ami Yves Courtois lui présente des photos de sculptures en marbre qu’il réalise. Michel Jacquet est à la fois étonné et ébloui, il n’en faudra pas plus pour qu’il se jette le défi de maitriser l’art de la sculpture.
Qui fût dit fût fait et Michel Jacquet alla s’inscrire à un atelier libre de sculpture sur pierre où chacun s’exprime selon son talent ou pas, son imaginaire ou pas. Convenez que notre sculpteur ne prend pas les chemins les plus aisés, puisqu’il choisit de s’initier à la taille directe. Le responsable de cette atelier a très vite compris que son nouvel élève avait des prédispositions naturelles pour la sculpture, c’est ainsi qu’il progressa vite en s’inspirant des grands maîtres, tels Rodin, Bourdelle, Moore etc ou bien d’autres œuvres découvertes sur des liens numériques. Car n’oublions pas que tout dans la création n’est que successions d’influences.
Mais lorsque l’on fut un scientifique comme Michel Jacquet il n’est pas simple de lâcher prise et l’on est vite rattrapé, alors notre ami fit des tentatives de compositions où il associait la science et la sculpture, c’est ainsi qu’il nous a réalisé entre autres, une œuvre sur la sexualité bactérienne, J’imagine le sujet torride. Il aborda aussi une structure multicellulaire verticale et encore une chaude histoire sexuelle de la levure. En fait esprit curieux, Michel Jacquet se passionne pour tout, de l’homme de la préhistoire aux valeurs esthétiques le plus délicates de la féminité.
Michel Jacquet n’appartient pas à ces artistes qui se regardent le nombril, il participe à des travaux collectifs. L’atelier où il est affilié a bonne presse à la Mairie de Gif sur Yvette, c’est ainsi qu’il fut demandé au collectif des sculpteurs de réaliser une œuvre qui avait existée dans le parc du château que la municipalité venait d’acquérir. Après diverses étapes préparatoires l’œuvre fut réalisée selon l’originale dans un bloc de pierre calcaire mesurant au moins deux mètres.
Après cette expérience enrichissante, Michel Jacquet ressenti de plus en plus le besoin prégnant de travailler, de se perfectionner, alors il intégra dans le Var l’atelier Olivier Bataille, artiste dont le talent nous offre des œuvres épurées presque minimalistes. Ici, il se formera sur les marbres, blancs, rouges, noirs et même nec plus ultra le marbre de Carrare. Une sorte de rêve va se réaliser, aller travailler au cœur des carrières de Carrare dans l’atelier d’un immense sculpteur Ussama Alnassar, à la fois d’un haut classicisme et d’une remarquable modernité reflétant l’idée d’un certain futurisme. Petite note finale, notons pour faire sérieux, c’est en ces carrières que Michel Ange venait sélectionner ses blocs de marbre.
Pour Michel Jacquet la sculpture va bien au-delà de l’acte de création, c’est une expérience humaine transcendante, un geste intuitif qui révèle la lumière intérieure. Comme aimait à le dire mon ami et grand sculpteur Jean Zorko : « Une sculpture est un poème que l’on peut caresser. »
Michel Bénard
Vice-Président de la Société des Poètes Français
Lauréat de l’Académie française
Chevalier dans l’Ordre des Art et de Lettres