L’Avare à la Tempête : Molière revisité, entre humour, partage et décroissance

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@ Téâtre de la Tempête

Au théâtre de la Tempête, Clément Poirée propose une version inédite et participative de L’Avare. Entre dépouillement et inventivité, cette mise en scène transforme le chef-d’œuvre de Molière en une expérience collective, joyeuse et profondément humaine.

L’Avare de Molière revisité

Clément Poirée dénude Molière pour mieux révéler l’humanité d’Harpagon

Depuis le 1er novembre, L’Avare investit le théâtre de la Tempête dans une version singulière signée Clément Poirée. Le metteur en scène revisite le texte de Molière à travers une lecture contemporaine, centrée sur le rapport à la possession et la valeur des choses. Le spectateur n’assiste pas seulement à une pièce, il participe à une réflexion vivante sur l’avarice, la générosité et le théâtre lui-même.

L’expérience débute avant même d’entrer dans la salle. Le public est invité à apporter des vêtements, bijoux, jouets ou objets divers, qui serviront à habiller les comédiens sur scène. Ce geste anodin devient acte symbolique : offrir, se détacher, participer à une œuvre commune. Les dons s’amoncellent à l’entrée, puis rejoignent le plateau, où ils prendront vie entre les mains des costumiers, maquilleurs et techniciens présents à vue, dans un ballet à la fois précis et joyeux.

Sur scène, la troupe évolue en sous-vêtements blancs, dans un espace ouvert où rien n’est dissimulé. Le public voit tout : la fabrication des costumes, les changements de décor, le maquillage réalisé en direct. Clément Poirée fait du théâtre un lieu de transparence et d’énergie brute. En rendant visible ce qui se cache d’ordinaire derrière le rideau, il réunit comédiens et spectateurs dans une même dynamique créative.

Cette approche donne naissance à un spectacle immersif, participatif et vibrant. Les acteurs s’adressent directement au public, jouent avec lui, improvisent parfois. L’humour, la tendresse et la malice circulent librement. On rit, on réfléchit, on s’interroge. Le texte de Molière résonne autrement, dans un monde où la surconsommation et la précarité s’entrechoquent.

John Arnold incarne Harpagon avec une intensité rare. Seul en costume d’époque, il semble figé dans une époque révolue, symbole d’un attachement maladif aux biens matériels. Autour de lui, la troupe déborde d’énergie et d’inventivité. Leur joie de jouer, palpable, transforme chaque scène en célébration du théâtre vivant.

Les décors évoluent au gré des dons : un manteau devient cape d’usurier, un jouet d’enfant se fait bijou ou accessoire. Ces objets racontent une histoire collective, celle du public autant que celle des personnages. Ce choix scénographique met en lumière la valeur du partage et la beauté du recyclage.

Clément Poirée propose ainsi une lecture poétique et écologique du texte de Molière. L’Avare devient un miroir contemporain, où se reflètent nos contradictions : le désir de posséder, la peur de manquer, la difficulté à donner. En renouant avec l’esprit de troupe et la générosité du jeu, la mise en scène rend au théâtre sa puissance première — celle du lien humain.

Les objets non utilisés poursuivront d’ailleurs leur voyage : ils seront remis à la ressourcerie de La Petite Rockette. Un geste cohérent, à l’image de cette création qui relie l’art, la société et la vie quotidienne.

Au théâtre de la Tempête, L’Avare n’est plus seulement une satire de l’avarice, mais un manifeste joyeux en faveur du partage et de la créativité. Un moment de théâtre total, sincère et généreux, salué par un public conquis.

L’Avare, version Clément Poirée, est présenté au théâtre de la Tempête du 1er au 23 novembre 2025, avant de partir en tournée.

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Souffle inédit est inscrit à la Bibliothèque nationale de France sous le numéro ISSN 2739-879X.
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