Cinéma

Messiah, une série substantielle

Messiah, une série substantielle

Les jeudis d’Hyacinthe

(Suite et fin)

Au moment où nous écrivons ces lignes poursuivant notre réflexion à propos de la série Messiah, deux événements ont eu lieu : d’une part, Netflix a décidé de ne pas continuer la série, donc il n’y aura pas de saison 2 ; d’autre part, les talibans ont, comme par enchantement, au vu et au su des États-Unis et de leurs alliés présents dans la région, reconquis Kaboul.

Il faut croire que l’islam politique a toujours fait bon ménage avec l’argent, si bien que le mot « pétrodollar », créé en 1973 à la suite des chocs pétroliers de la même année, puis de 1978-1979, semble occuper pleinement son rôle-titre : le nerf de la guerre.

La crise sanitaire mondiale du Covid-19 a bien l’air de ne pas avoir stoppé les camions, les kalachnikovs et les drapeaux noirs des talibans. On ne voit pas alors pourquoi elle empêcherait la réalisation d’une saison 2 d’une série qui, dès son lancement, a été taxée d’ « islamophobe ». Et comment ne pas être islamophobe quand la principale chaîne arabe, al-Jazeera, qualifie ce qui se passe en Afghanistan de « changement de régime », alors qu’elle ne cesse de jeter l’anathème sur l’armée égyptienne et à sa tête le président al-Sissi, les qualifiant, depuis juillet 2013, de tous les noms. Cela a empiré depuis le 25 juillet dernier, date où le président tunisien Kais Saïed a enfin décidé de prendre les choses en main en démettant de ses fonctions le premier ministre, en gelant l’Assemblée des représentants du peuple et en prenant un ensemble de décisions qui ont mis sur le banc de touche les islamistes au pouvoir depuis 2011.

Nous savons que le cinéma, les médias et tout ce qui relève des arts de masse joue un rôle de propagande dans un sens comme dans l’autre. Ce phénomène a pris une envergure des plus subtiles, subreptices, malignes avec des plateformes telles que Netflix. Chez soi, par temps de confinement ou pas, chacun est maître du monde, pouvant s’offrir le show qu’il veut… Mais les islamistes qui ont crié au scandale à l’annonce de Messiah, ont-ils pris le temps de regarder les dix épisodes de la série ? Ont-ils vu que c’est plutôt Israël, à travers un agent et tout le service qu’il incarne, qui est pointé du doigt, avec notamment la mise à nu de pratiques extrêmement courantes par le Mossad et le Shin Bet (Service de sécurité intérieur), à l’instar des assassinats organisés, l’usage de la torture et le bafouement systématique des Droits de l’Homme. Non, tout cela n’a pas été vu par les islamistes qui portent bien leur nom : à chaque fois, ils montrent qu’ils ne sont pas « soumis » à Dieu ou Allah, mais qu’ils en font leur objet de soumission.

Soyons un peu plus incisifs et demandons-nous ce qui, dans Messiah, a dérangé ceux-là. À dire le vrai, la série a été accusée de « propagande anti-islamique », et une pétition appelant à boycotter Netflix a circulé avant même le lancement de la série. Voilà l’aveuglement islamique à l’œuvre : juger sans voir et encore moins savoir ; se sentir en danger, pour ne pas dire vivre dans la paranoïa, alors que, comme tout l’indique, les vrais dangers qui menacent le monde arabo-musulman sont loin d’être liés à une série télévisée. Ceux-là semblent voir la paille dans l’œil des autres et pas la poutre dans leur propre œil. Cette parabole biblique, d’après une parole prononcée par Jésus-Christ, dans le sermon sur la montagne, rapportée dans l’Évangile selon Matthieu 7 : 3-5, décrit merveilleusement cette nouvelle déclinaison de « l’infâme » qui ne cesse de croître, de se métastaser dans le corps malade du monde arabo-musulman.

Pour finir, si ce « malaise dans la civilisation » a bien lieu, ce n’est pas parce que le personnage central de Messiah rappelle al-Dajjâl, l’Antéchrist, car cette figure est loin d’être commune, populaire ou même folklorique dans les sociétés arabo-musulmanes. Ce n’est à vrai dire qu’un nom vague que les vrais Antéchrists, les prédicateurs islamistes et leurs épigones gavés par les pétrodollars, agitent pour orienter ou précisément désorienter les foules. Ceux-là savent-ils que l’Antéchrist peut s’apparenter à un groupe d’hommes, à un personnage collectif, et non à une seule et unique personne ? Celle-ci, fonctionnant en meute, omniprésente sur la Toile et sur les réseaux sociaux, annonce bel et bien la fin du monde : cultivant un savoir faux et fou à la fois, elle est la voie de la déchéance et de la misère humaines, qui est l’incarnation de l’obscurantisme le plus abject.

Or, la dernière scène dans Messiah, qui a lieu après le crash organisé de l’avion extradant le principal protagoniste des États-Unis vers Israël, a l’air de se passer dans un pays arabo-musulman, le Maroc à en juger par l’accent de l’enfant présent sur les lieux. Ce qui est beau, dans cette scène, c’est le champ fleuri en plein désert. Il s’agit vraisemblablement de coquelicots. Ceux-là ont, d’Orient en Occident, du Nord au Sud, une symbolique riche et variée. Contentons-nous cependant de cette interprétation personnelle : deux agents du Mossad sont ressuscités par Messiah comme Lazare par le Christ, mais les deux acteurs, le Français Tomer Sisley incarnant le problématique Aviram Dahan, et l’Égyptien Khaled Abol Naga, incarnent peut-être le véritable message de Messiah : ni la religion ni le nationalisme ne doivent séparer les hommes, seul l’Humanisme doit réunir les vivants.

   

Hyacinthe 

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Souffle inédit

Magazine d'art et de culture. Une invitation à vivre l'art. Souffle inédit est inscrit à la Bibliothèque nationale de France sous le numéro ISSN 2739-879X.

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