Jean-Michel Le Boulanger – Eloge de la culture en temps de crise : plaidoyer pour un bien vital en péril

Essai
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Eloge de la culture en temps de crise de Jean-Michel Le Boulanger, avant-propos par Laurent Gaudé, nouvelle postface par Pascal Ory, Editions Apogée, collection Société, 3ème édition revue et augmentée 2025.

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Jean-Michel Le Boulanger – Eloge de la culture en temps de crise : un combat toujours d’actualité ?

Par Djalila Dechache

Ce livre suscite questions et réflexions d’hier devenues actuelles.
C’est étonnant comme le sujet de la Culture en France continue de susciter débats et justifications. Pourtant la décentralisation a fait son œuvre, le pays est structuré de lieux et d‘équipes professionnelles compétentes, les publics ont suivi, le rayonnement aussi, la Création n‘est plus le fait de la seule capitale. Alors où est le problème ? C’est l‘argent public, les subventions. La Culture doit toujours prouver sa légitimité par ceux qui ne veulent pas aider le grand public, le public qui ne compte pas sur la culture.

Jean-Michel Le Boulanger - Eloge de la culture en temps de crise

En 2025 et même avant, la culture coûte cher et les publics ne se renouvellent pas aussi vite qu‘ils devraient l’être. En d’autres termes, le public est le même et il vieillit : qu‘il aille au théâtre, qu‘il lise ou encore qu‘il se rende au musée, c’est le même pour schématiser.
Jean-Michel Le Boulanger, Vice-président du Conseil Régional de Bretagne en charge de la Culture s’élève et démontre le bien-fondé de la culture depuis sa région et son théâtre national de Bretagne basé à Rennes. Il connait tout aussi bien ce qui se passe à Paris et à Bercy.
D’autres élus ou artistes ont précédé monsieur Le Boulanger, à commencer par Jeanne Laurent, Jean Vilar, Antoine Vitez, Jack Ralite, Pierre Bourdieu et les élus du département de Seine-Saint-Denis qui se sont succédés, où j‘ai eu la joie de travailler durant ce que j‘appelle l‘âge d’or du Théâtre et de la Culture, c’est-à-dire de 1990 à 2017.
La banlieue était alors méprisée depuis longtemps, périphérie trop proche du roi soleil parisien, il ne fallait pas lui faire de l’ombre. Pourtant la Création était reine et faisait le programme officiel du Festival d ‘Avignon durant des années.

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D’ailleurs c’est l’une des raisons de la création en 1988 d’un supplémentaire théâtre national à l‘est de Paris, voulant drainer plus encore le public de la périphérie vers le centre. Comme si cela ne suffisait pas, sur les 5 théâtres nationaux, 4 se situent à Paris et reçoivent les plus fortes subventions. Situation paradoxale à tout le moins.

On, ne peut qu’adhérer aux thèses de l’auteur et faire « une petite économie créant de grands dégâts ».

Aujourd’hui l’heure n’est plus à sensibiliser les « publics empêchés », empêchés de quoi ? Qui empêche qui ? Je n’ai jamais compris cette litote, cette appellation absurde et brutale.
La culture est réservée à une élite qui sort, dîne consomme, achète des livres, des affiches, des vidéos, habituée aux codes culturels etc….cette élite a la vie qui va avec, vit dans la capitale et se déplace parfois en banlieue selon certaines conditions.

Les autres ? tant pis pour eux ! Pourquoi ?
« Parce que les mondes artistiques ou culturels, nés pour abattre les murs, en érigent à leur tour ». Pascal Ory. De grandes fractures existent.
Un grand nombre de personnes pensent que la culture n‘est pas pour eux, et comme l’avait dit Bernard Sobel « il y a une humiliation à franchir les portes d’un Théâtre ».
Bien sûr qu’il y a un enjeu économique : tous les théâtres ou presque ont désormais acquis une librairie spécialisée avec des produits dérivés, un bar et ou un restaurant, une garderie pour enfants, un retour en bus, c’est devenue une entreprise économique en bonne et due forme.

Ici on parle du théâtre public, le théâtre privé est aussi subventionné, pas au même auteur bien sûr mais il se rattrape avec des tarifs beaucoup plus élevés.
Tout ce qu’écrit l’auteur est louable mais n’offre pas de solution parce qu’il n’y en a pas en l’état.
Les gouvernants se satisfont de cela, alors pourquoi vouloir changer les masses ?
L’heure n‘est pas à l’humanisme, à la culture pour tous, ni à l’excellence pour tous, c’est fini.

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C’est la loi du communautarisme, de la concurrence des peuples, du commerce mondial celui-là même qui avait mobilisé Jack Ralite avec l‘exception culturelle. Il n‘empêche que celui ou celle qui a acquis un capital culturel, celui-là, celle-là peut se hisser sans peine dans les strates de la société.

Et l’on revient à la culture comme l‘a développé l‘auteur à travers les différentes Républiques et l’Histoire de ce pays. Son approche est très bien documentée et expérimentée visiblement.
Le contenu de ce livre est aussi nécessaire que l’eau et l’électricité (Jean Vilar) celui-là même qui avait lancé cette formule lors de la reconstruction de la France suite aux deux guerres meurtrières, c’est un pléonasme.

D’une manière plus générale, c’est une évidence de dire que le monde a changé de paradigme et que nous devons faire avec, nous habituer à la complexité, au changement et à ce que nous perdons sinon c’est notre mort assurée, notre extinction. » Plus le monde est complexe, plus la pensée est rachitique » écrit l’auteur et c’est juste, cela se vérifie chaque jour. Cela ne peut être le fruit du hasard, cela est savamment érigé, construit, voulu. S’appauvrir intellectuellement pour mieux dominer ?

Aujourd’hui plus que jamais la création française est en difficultés, cela se remarque dans tous les domaines sans exclusion, ce sont les artistes étrangers qui font l‘affiche partout jusqu‘au Festival d‘Avignon qui, pour se donner bonne conscience, a inscrit 2025 l’année de la langue arabe avec une bien médiocre programmation.
Il y a quelques temps, un droit à la culture s’est fait entendre et puis plus rien, passé aux oubliettes.
C’est peut-être l’une des pistes à mettre à jour et à développer par des politiques et des professionnels engagés afin d’inverser un courant négatif induit.

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Souffle inédit est inscrit à la Bibliothèque nationale de France sous le numéro ISSN 2739-879X.
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