Le choix de Charlotte Gainsbourg pour interpréter Gisèle Halimi dans un film sur le procès de Bobigny suscite une vive controverse. Le fils de l’avocate, Serge Halimi, dénonce une décision en contradiction avec les engagements politiques et humanistes de sa mère.
Charlotte Gainsbourg au cœur d’une polémique de casting
L’annonce du film sur le procès de Bobigny, moment clé de la lutte pour le droit à l’IVG, avait d’abord captivé l’attention. Charlotte Gainsbourg était pressentie pour jouer Gisèle Halimi, figure centrale du féminisme français. Cependant, ce choix a vite déclenché une controverse. Suite à une pétition lancée par des activistes, Serge Halimi, fils de la juriste décédée en 2020, a publiquement exprimé son désaccord, pointant une contradiction qu’il estime majeure.

Le procès de Bobigny, moment charnière
En 1972, Gisèle Halimi prend en charge la défense de Marie-Claire Chevalier, une adolescente de seize ans accusée d’avoir subi un avortement suite à un viol. Le procès qui s’ensuit à Bobigny dépasse largement le cadre d’une simple affaire juridique pour se transformer en une véritable plateforme politique. Halimi métamorphose la salle d’audience en un espace de lutte, dénonçant avec véhémence l’iniquité d’une législation qui criminalise les femmes. En collaboration avec le Mouvement de libération des femmes (MLF), elle expose au grand jour la souffrance et l’avilissement endurés par celles qui sont forcées de recourir à l’avortement clandestin.
Ce procès aboutit à l’acquittement de la jeune fille, mais surtout, il représente un moment décisif dans l’évolution de l’opinion publique et prépare le terrain pour l’adoption de la loi Veil en 1975, qui dépénalise l’interruption volontaire de grossesse en France. Pour beaucoup, cet événement demeure intimement lié à la bravoure et à la perspicacité politique de Gisèle Halimi.
Une mémoire politique en jeu
Dans un article paru sur Blast, Serge Halimi a souligné que sa mère n’était pas uniquement une figure marquante de l’histoire grâce à sa lutte pour les droits des femmes, mais également par son soutien indéfectible au peuple palestinien. De son implication au Tribunal Russell sur la Palestine à son plaidoyer pour des personnalités politiques comme Marwan Barghouti, cette juriste tunisienne, issue d’une famille juive, avait placé la question palestinienne au centre de ses préoccupations.
En 2014, alors que Gaza était soumise à d’intenses bombardements, elle écrivait dans L’Humanité : « Un peuple sans défense est en train de se faire massacrer. L’Histoire rendra son verdict, mais ne pourra effacer cette dévastation ». Pour son fils, ces mots illustrent un engagement inébranlable, indissociable de son parcours et de ses convictions.
Charlotte Gainsbourg au cœur de la polémique
L’irritation vient d’une tribune parue en mai dans Le Figaro, où une vingtaine de figures, dont Charlotte Gainsbourg, ont apposé leur signature. Ce texte critiquait l’idée d’une reconnaissance d’un État palestinien « sans prérequis ». Aux yeux des lanceurs de la pétition et de Serge Halimi, cette prise de position heurte l’héritage de Gisèle Halimi de plein fouet et bafoue le souvenir de ses combats.
« Quand le film sur le procès de Bobigny sortira, peut-être que Charlotte Gainsbourg devra s’expliquer sur le fossé majeur entre le personnage qu’elle incarne et ses propres idées », écrit Serge Halimi, déplorant un décalage entre l’actrice et le rôle.
Un film attendu, entre hommage et responsabilité
L’idée de faire un film sur le procès de Bobigny, c’est surtout pour célébrer un moment clé qui a fait avancer les droits des femmes en France. On veut raconter l’histoire d’une avocate qui a réussi à transformer un simple procès en une vraie bataille politique, pour que tout le monde comprenne les combats qui ont façonné la société d’aujourd’hui.
Mais faire ça, c’est une grosse responsabilité. Jouer le rôle de Gisèle Halimi, c’est pas juste imiter une personne, c’est incarner une femme dont les paroles et les actions allaient bien au-delà de la question de l’avortement. C’est aussi se souvenir que son combat pour les femmes était lié à une vision plus globale de la justice et de l’entraide entre les peuples.
En choisissant Charlotte Gainsbourg, le film a une actrice talentueuse, c’est sûr. Mais il y a un risque que le message politique d’Halimi soit moins clair. La polémique actuelle montre bien ce tiraillement entre le cinéma et l’histoire : comment faire un bon film tout en restant fidèle à la mémoire d’une militante importante ?
Entre cinéma et héritage militant
Bien plus qu’une simple embrouille de casting, toute cette histoire nous pousse à réfléchir sur la façon dont on montre les figures importantes du passé au cinéma. Doit-on choisir une actrice avant tout pour son talent, ou est-ce crucial que ses idées collent à celles de la personne qu’elle joue ? Le remue-ménage autour de ce film nous fait toucher du doigt la richesse et la complexité de l’héritage de Gisèle Halimi : une avocate qui se battait pour les causes les plus désespérées, une féministe qui ne lâchait rien et une alliée indéfectible des peuples qui souffrent.
Photo de couverture @ Wikimédia
Photo Gisèle Halimi @ Wikimédia