La 22ᵉ édition du Festival international du film de Marrakech s’est clôturée sur la victoire de Promis le Ciel, deuxième long-métrage de fiction d’Erige Sehiri. Couronné de l’Étoile d’Or, le film confirme la singularité d’une œuvre attentive aux trajectoires intimes et aux réalités contemporaines.
À Marrakech, « Promis le Ciel » consacre le cinéma d’Erige Sehiri

La 22ᵉ édition du Festival international du film de Marrakech s’est achevée samedi 6 décembre par un palmarès qui met en avant des récits sensibles, ancrés dans le réel. Au cœur de cette sélection, Promis le Ciel d’Erige Sehiri a remporté l’Étoile d’Or, distinction majeure du festival. Présidé par le cinéaste sud-coréen Bong Joon Ho, le jury a salué un film qui interroge notre rapport aux promesses – celles que l’on reçoit, celles que l’on formule, et celles qui structurent nos existences.
Un récit de femmes entre deux rives
Dans Promis le Ciel, Erige Sehiri suit trois femmes installées à Tunis : Marie, pasteure ivoirienne et ancienne journaliste ; Naney, jeune mère cherchant à tracer un avenir plus stable ; et Jolie, étudiante déterminée à soutenir sa famille restée au pays. En 93 minutes, la réalisatrice construit un récit intimiste où se croisent l’attente, le déplacement, et l’espoir d’un ailleurs possible.
Le film aborde aussi la perception des migrations au Maghreb. « En Tunisie, on appelle tous les Subsahariens “Africains”, en oubliant que nous le sommes aussi », confie Erige Sehiri. Le titre Promis le Ciel reflète cette réflexion sur les engagements, spirituels ou sociaux, qui façonnent les trajectoires individuelles.
La trajectoire d’une cinéaste attentive au réel
Née à Lyon dans une famille tunisienne, Erige Sehiri a grandi à Vénissieux. Après des études de finance et un passage par le journalisme, elle cofonde en 2013 le média indépendant Inkyfada et s’implique dans le collectif Rawiyat-Sisters in Film, dédié aux voix féminines du monde arabe.
Son cinéma s’est d’abord affirmé par le documentaire. La Voie normale (2018), consacré aux cheminots tunisiens, rencontre un large public. Sous les figues (2022), portrait d’ouvrières agricoles, est présenté à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes et représente la Tunisie aux Oscars.
Avec Promis le Ciel, déjà remarqué dans la sélection Un Certain Regard du Festival de Cannes 2025, la réalisatrice poursuit un travail où l’intime rejoint les enjeux sociaux et politiques contemporains.
Un palmarès qui privilégie l’audace narrative
Outre l’Étoile d’Or attribuée à Promis le Ciel, le jury a décerné le Prix d’interprétation féminine à Debora Lobe Naney, dont la présence porte une grande part de l’émotion du film.
Le Prix du Jury revient ex æquo à My Father and Qaddafi de Jihan K et Memory de Vladlena Sandu, deux œuvres où le vécu personnel dialogue avec l’Histoire. Oscar Hudson reçoit le Prix de la Mise en scène pour Straight Circle. Ṣọpẹ́ Dìrísù est récompensé pour son rôle dans My Father’s Shadow d’Akinola Davies Jr., tandis qu’une mention spéciale distingue Elliot et Luke Tittensor dans Straight Circle.
Un festival qui affirme son rôle de passeur
Avec plus de 47 000 spectateurs, dont un large public jeune, le Festival international du film de Marrakech confirme son dynamisme. Les « Conversations » ont accueilli des figures majeures du cinéma mondial, de Guillermo del Toro à Jafar Panahi, en passant par Jodie Foster et Tahar Rahim.
Les Ateliers de l’Atlas, qui ont réuni 350 professionnels autour de 28 projets, poursuivent leur rôle structurant pour les cinémas du continent africain et de la région. Promis le Ciel avait d’ailleurs bénéficié de cet accompagnement, preuve de l’impact concret du dispositif.
Hommages et engagements
Cette édition a également rendu hommage à des personnalités marquantes : Jodie Foster, Hussein Fahmi, Raouya et Guillermo del Toro. Sous la Présidence Effective de SAR le Prince Moulay Rachid, le festival a poursuivi ses actions sociales, notamment une campagne de lutte contre la cécité à Tahannaout, offrant 3 000 consultations et 400 opérations de la cataracte.
Une récompense qui résonne
En couronnant Promis le Ciel, le festival célèbre une œuvre qui dépasse les frontières géographiques et symboliques. Le film confirme la place d’Erige Sehiri parmi les voix singulières du cinéma méditerranéen, attentives aux vies discrètes et aux réalités partagées.
La 22ᵉ édition du Festival international du film de Marrakech s’achève ainsi sur une note de continuité : celle d’un événement où les récits circulent, où les images suscitent le dialogue, et où le cinéma reste un lieu de passage et de rencontre.



