Rim Gomri invitée de Souffle inédit

Lecture de 28 min

Portrait et entretien avec la poétesse tunisienne Rim Gomri : parcours, poésie, amour, écriture et engagement pour les droits des femmes.

Rim Gomri : « Pour moi, la poésie n’est pas un simple art ni un loisir ; elle est vitale, comme une respiration de l’âme. »

POÈTES SUR TOUS LES FRONTS

Par Lazhari Labter

Depuis qu’elle a goûté à la joie incomparable des mots imprimés pour la première fois, qui sortent de l’obscurité des tiroirs pour s’offrir à la lumière des publics avec son premier recueil de poésie Les femmes sont attente, publié à Alger en 2014, Rim Gomri n’a cessé de labourer tranquillement mais sûrement « la profonde terre du verbe aimer » pour reprendre le beau vers du poète algérien Hamid Nacer-Khodja.

Diplômée de l’Institut de presse et des Sciences de l’information de Tunis d’où elle sort en 1999 avec un master qui porte sur l’expérience tunisienne à la lumière de modèles universels : Égypte, Grande-Bretagne, France. E

Forte d’une maîtrise à la fois du français, de l’anglais et de l’espagnol, elle s’engage dans le monde professionnel comme journaliste culturelle et de société dans le quotidien arabophone Essahafa (La Presse), puis à la télévision tunisienne, l’agence Tunis Afrique Presse, avant de rejoindre enfin une entreprise de téléphonie mobile comme responsable de communication en qualité de responsable de communication où elle travaille à ce jour tout en s’adonnant à sa passion : l’écriture.

Férue de littérature et de poésie, elle couvre en tant que journaliste les salons du livre du Maroc en 2012, du Caire et de Palestine en 2013 et à partir de 2014 à titre de poétesse et journaliste. On la retrouve au Salon international du livre d’Alger avec la poétesse Monia Boulila dont le premier recueil en arabe امتلأت بك )Je me suis empli de toi) est publié chez le même éditeur. Elle reviendra à Alger en 2015 et en 2016 pour des rencontres autour de la poésie.

Après la sortie de son premier recueil salué par la presse tunisienne puis des trois autres où elle se renouvelle tout en restant fidèle à ses thèmes de prédilection, elle est devenue l’une des voix qui comptent dans le champ de l’écriture poétique tunisienne contemporaine. Là où elle va, que ce soit dans les villes tunisiennes ou à l’étranger, comme conférencière ou lectrice, elle porte haut et fort la voix des femmes tunisiennes en lutte pour leurs droits.

Si la poésie est, pour Rim Gomri « un mode d’être, un moyen de comprendre et d’habiter le monde, un passage obligé pour qui veut vivre pleinement, avec conscience et émotion », elle n’hésite pas à ouvrir d’autres chantiers des genres littéraires comme la nouvelle ou le roman en cours de publication.

Dans son recueil de nouvelles حياة أخرى لعمر مضى (Une autre vie pour une existence passée) publié en 2021, elle s’attaque avec une rare audace aux travers des sociétés patriarcales et aux dérives dans les relations virtuelles entre les sexes sur les réseaux sociaux. Elle voit dans certaines pratiques des déviations intellectuelles nuisibles aux femmes dont elle prend résolument la défense.

Dans un article publié par El Qods Et Arabi en 2021 sous le titre « L’identité féminine et les manifestations du corps dans le recueil Une autre vie pour une existence révolue », l’écrivaine tunisienne Houda Al Hermi écrit à propos de Rim Gomri : « La narratrice a su mettre en lumière les transformations qui ont eu lieu dans la société et en souligner les dimensions idéologiques et culturelles, grâce à une recherche approfondie sur l’univers des personnages, à une grande perspicacité et à la création d’une dynamique d’expression sensorielle et émotionnelle, notamment en ce qui concerne les femmes ».

RIM GOMRI

La poésie de Rim Gomri est inséparable de son être profond, de son moi intérieur. Elle traduit ses attentes, ses rêves, ses espoirs, ses amours, ses brisures et ses blessures. Quand elle dit l’amour, ce n’est pas en femme alanguie dans l’attente du chevalier sur un destrier blanc, mais comme une femme qui s’assume.

Dans le poème « Femme », extrait de son dernier recueil, en quelques vers, elle annonce la couleur :

Et je suis une femme dans le cœur de laquelle l’univers sommeille
Tout ce qui était mon cœur n’est plus que vide
Et tout ce qui viendra après moi est néantCelui qui désire s’unir à moi
Est comme qui s’accroche à un rêve
Il le voit réalité
Comme l’assoiffé dans le désert
Qui prend le sable pour de l’eau

Elle dit l’espoir pour donner corps avec ses mots à cette voix intérieure afin de la connecter au monde réel et aux autres. Ses mots imprégnés d’espoir vont au-delà de son vécu pour faire écho aux vécus des autres dans un chemin qu’elle veut de lumière partagée.

J’attends l’espoir sur le balcon de demain
Les rayons de lumière me traversent
Et me susurrent : La vie est là.

Entrez dans le chemin de lumière de Rim Gomri, entrez dans ses rêves d’un monde meilleur car comme elle le dit si joliment « ce sont les rêveurs qui construisent le monde. »

L.L : J’aime bien commencer mes entretiens pour cette rubrique du Média digital d’art et de culture en ligne « Souffle Inédit » avec la convocation d’un souvenir. Qu’évoque pour toi cette photo ?

RIM GOMRI

Rim Gomri : En réalité, cette photo représente pour moi l’un des moments les plus décisifs ayant transformé ma vie. Avant elle, j’étais en dehors de l’écriture, en dehors de la poésie et de la littérature : je lisais avec avidité, sans jamais penser à écrire. Après cette photo, je suis devenue quelqu’un qui pratique l’acte d’écrire et de faire de la poésie comme un acte de vie, comme un acte d’existence. L’écriture est alors devenue pour moi une vie dans la vie, ou peut-être une bouée de sauvetage qui m’a permis de vivre pleinement une existence que je me contentais jusque-là d’observer de loin.
Cette photo me rappelle aussi l’Algérie, ce pays qui a accueilli mon premier recueil de poésie et m’a permis d’avoir une présence sur la scène poétique, d’y faire entendre une voix qui commençait à se former, timidement, mais avec des pas sûrs. Chaque fois que je la regarde, elle me remplit de nostalgie : nostalgie des lieux, des visages, des odeurs et des sons. Elle me ramène sans cesse à cette évidence : le chemin de mes débuts dans l’écriture a commencé là-bas.

Sur mon stand avec Rim Gomri au Salon international du livre d’Alger le 10 novembre 2014 lors de la présentation de son premier recueil de poésie Les femmes sont attente, édité dans ma maison d’édition.

L.L.  Ton dernier recueil de poésie, في مسار الضوء (Dans un chemin de lumière 2025) ne diffère pas dans le fond de tes trois précédents recueils, النساء انتظار (Les femmes sont attente 2013), على جسدي وشمت تمائمي (Sur mon corps j’ai fait tatouer mes incantations 2016), ما لم يقله الحلم (Ce que le rêve n’a pas dit 2018) et وأعبر مني إليٌ (Je passe de moi à…moi 2024), mais s’en distingue complètement dans la forme. Si l’amour demeure ton thème de prédilection, tu le dis dans une forme d’écriture épurée proche du Haiku japonais, contrairement aux longs textes de tes débuts il y a dix ans. Qu’est-ce qui a motivé chez toi ce choix de la contraction de l’idée poétique en quelques vers ?

Rim Gomri : En réalité, dans ce dernier recueil, Dans un chemin de lumière, j’ai effectivement travaillé sur l’expérience du poème-fulgurance, ou de l’écriture proche du haïku. Cela ne signifie cependant pas que je renoncerai à l’écriture de textes longs, comme je l’ai fait auparavant, notamment dans mon deuxième recueil Sur mon corps j’ai fait tatouer mes incantations. Il ne s’agit d’ailleurs pas d’un passage brusque d’une forme à une autre.

Déjà, dans mon troisième recueil Ce que le rêve n’a pas dit, j’avais exploré l’écriture du fragment, une forme intermédiaire entre la fulgurance et le haïku. Puis, dans l’ouvrage qui a précédé celui-ci, Je passe de moi à… moi, je suis revenue à des textes plus longs. En réalité, certaines écritures s’imposent à moi par leur propre forme : il y a des textes qui naissent longs, d’autres qui surgissent sous forme de fragments, et d’autres encore comme de simples éclats.

J’aime expérimenter toutes les formes de l’écriture poétique. Je ne veux pas être prisonnière d’une forme unique du texte. Cela vaut aussi pour les thèmes : même si l’amour demeure la trame centrale de mon travail, je l’ai écrit de manières très différentes. Dans Sur mon corps j’ai fait tatouer mes incantations, l’amour prend une dimension spirituelle, presque mystique, qui n’est pas celle, plus directe, que l’on peut trouver dans Ce que le rêve n’a pas dit.

Je crois que l’écriture poétique se transforme d’un livre à l’autre, et même d’un poème à l’autre, parce que nous-mêmes évoluons, que nous changeons avec notre expérience et avec le monde qui nous entoure. Cette interaction produit nécessairement des formes différentes. J’ai la conviction que les formes de la poésie doivent rester en perpétuel renouvellement, ouvertes à l’expérimentation.

L.L. : Comment vois-tu avec le recul des années les textes rassemblés dans Les femmes sont attente, ce premier recueil préfacé par un écrivain algérien et publié en 2013 par un éditeur algérien ?

Rim Gomri : En réalité, douze années se sont écoulées depuis la parution de ce premier recueil, Les femmes sont attente, publié en Algérie en 2013. Et pourtant, je continue de regarder les textes de ce livre avec une profonde nostalgie : la nostalgie des débuts, mêlée de peur, d’inquiétude et parfois de manque de confiance dans ce que l’on écrit, mais aussi portée par un désir intense d’écrire, de réussir et de trouver sa place au cœur de la poésie. Cette poésie qui, lorsqu’elle nous saisit, nous dépouille de toutes nos armes et nous fait entrer dans des villes qu’il devient impossible de quitter une fois qu’on y a pénétré.

Je ne dirai pas, comme certains poètes, que je renie mes premiers textes. Non. Je continue d’y croire profondément. À ce moment-là, je ne pouvais écrire que de cette manière, et ces textes représentent la Rim que j’étais à cette étape de ma vie. Aujourd’hui, l’expérience a mûri, l’écriture s’est transformée, et j’écris des textes différents de ceux des débuts, mais cela me semble naturel. Si j’étais restée fidèle à la même écriture, cela aurait signifié que je n’avais pas évolué. Et en même temps, sans ces premiers textes, je n’aurais pas pu écrire autrement aujourd’hui ni développer mon expérience.

Ce premier recueil, préfacé par le grand romancier algérien Waciny Laredj, a constitué pour moi, à mes débuts, un soutien décisif, une véritable impulsion. Je me souviens encore de ses premiers mots à mon égard, lorsqu’il m’a dit : « Tu écris autrement, tu écris les détails infimes », avant d’ajouter qu’il percevait dans mes textes une narratrice dissimulée. Je crois qu’il ne s’était pas trompé.

Ce recueil occupe, aujourd’hui encore, une place essentielle et fondatrice dans le chemin que j’ai parcouru jusqu’à présent. Le chemin reste long. Je continue d’apprendre, de m’exercer à l’écriture poétique et de chercher à aller plus loin, depuis le moment où j’ai écrit Les femmes sont attente jusqu’à aujourd’hui.

L.L. : L’amour, comme le sentiment humain le plus fort, attirance affective ou physique, inclination et passion, et thème poétique tient une place particulière dans ta poésie dès tes débuts dans l’écriture. Dans ton premier recueil, tu places l’amour au fronton de tous les sentiments humains dès la dédicace en ces termes : « Pour l’amour, qui nous donne la possibilité d’emprunter : un corps, aux rêves et aux poèmes » Que représente l’amour pour toi ?

Rim Gomri : Pour moi, l’amour n’est pas seulement un sentiment, ni même une expérience affective ou passionnelle au sens courant. Il est une manière d’habiter le monde, une énergie première qui rend la vie possible et l’écriture nécessaire. L’amour est ce qui donne un corps aux rêves et une voix aux poèmes, ce qui permet au langage de dépasser ses limites ordinaires pour devenir révélation, confession et existence.

Dans ma poésie, l’amour n’est jamais fixe ni identique. Il se transforme avec le temps, avec l’expérience, avec les blessures et les illuminations. Il peut être charnel, spirituel, mystique parfois, mais il est toujours lié à la recherche de sens et au désir de communiquer profondément avec soi-même et avec l’autre. J’écris l’amour comme on écrit une traversée : un espace de fragilité, mais aussi de force, où l’on se dépouille de ses certitudes et redécouvre son être.

Enfin, l’amour est pour moi un espace de liberté. Il me permet de sortir des formes figées, de rompre avec la simplicité directe, et de renouveler sans cesse ma relation à la langue et au monde. C’est sans doute pour cela qu’il reste, depuis mes débuts, au cœur de mon expérience poétique.

L.L. : Très active sur le front culturel tunisien, tu portes la poésie partout où tu vas, dans les rencontres, les colloques, les soirées poétiques et les médias. Tu y reviens toujours même si tu lui fais des infidélités parfois en t’adonnant à l’écriture de nouvelles, rassemblées dans le recueil حياة اخرى لعمر مضى Une autre vie d’une existence passée publié en 2021 ou du roman en attente d’être publié. Considères-tu la poésie comme essentielle dans la vie ?

Rim Gomri : Pour moi, la poésie n’est pas un simple art ni un loisir ; elle est vitale, comme une respiration de l’âme. Je vis à travers la poésie, et elle vit à travers moi. Elle est une manière d’exister dans le monde, de dialoguer avec lui, de le réinventer. Écrire un poème, c’est, d’une certaine manière, reconstruire la réalité, offrir une autre perspective sur ce qui nous entoure et ce que nous ressentons.

La poésie est pour moi un acte d’authenticité et d’identité. Elle me permet de nommer ce qui ne peut être dit autrement, de sonder les silences et les absences, de donner forme à l’invisible. Elle transforme le langage en espace de liberté, où le temps et l’espace ordinaires s’effacent pour laisser place à l’intensité du vécu et à la profondeur de la pensée.

En ce sens, la poésie n’est pas seulement un outil de création : elle est un mode d’être, un moyen de comprendre et d’habiter le monde, un passage obligé pour qui veut vivre pleinement, avec conscience et émotion.

L.L. : « L’écriture est une opération de traversée de l’intérieur vers l’extérieur » as-tu déclaré dans un entretien à la radio culturelle tunisienne. Qu’entends-tu par-là ?

Rim Gomri : Quand je dis que « l’écriture est une opération de traversée de l’intérieur vers l’extérieur », je veux dire que chaque poème, chaque texte, naît d’un espace intime, d’une profondeur où se mêlent les pensées, les émotions et les souvenirs. L’écriture est ce pont qui permet de faire passer ce monde intérieur vers le monde extérieur, de rendre visible ce qui, autrement, resterait confiné dans le silence de l’âme.

C’est un acte de révélation et de transformation : le langage devient le véhicule de l’expérience, et en le transcrivant, nous nous exposons, nous nous confrontons à nous-mêmes et aux autres. Écrire, c’est donc se traverser soi-même, sonder ses propres limites, et en même temps offrir au lecteur une lumière, un chemin, un écho à ses propres expériences.

En ce sens, la poésie est à la fois intime et universelle : elle naît du moi le plus profond, mais elle se déploie pour toucher le monde, pour créer du lien, pour donner sens et forme à ce qui, sans elle, resterait inexprimé. L’écriture est ainsi une traversée de l’être, un passage obligé pour que l’intime prenne place dans l’universel.

L.L. : La femme, les femmes, les luttes des femmes pour leur liberté, leur droit à l’égalité pleine et entière est au centre de tes préoccupations de poétesse et de voix « féministe » tunisienne forte. Penses-tu que la cause de l’émancipation des femmes dans les pays « arabo-musulmans » avance ou régresse ?

Rim Gomri : La cause de l’émancipation des femmes dans les pays arabo‑musulmans est complexe et ne peut être réduite à une simple avancée ou régression. Elle avance sur certains plans : l’éducation, la présence des femmes dans la vie publique, les médias et la culture connaissent des progrès réels, et de nombreuses voix féminines émergent pour revendiquer leurs droits et leur dignité.

Mais elle rencontre encore de nombreux obstacles : traditions sociales, résistances politiques, inégalités persistantes dans le cadre légal et dans la vie quotidienne. Ces contradictions montrent que l’émancipation n’est jamais un acquis définitif, mais un combat constant, une vigilance à entretenir pour transformer la société et changer les mentalités.

Pour moi, écrire et porter la poésie, les textes, les voix des femmes, c’est participer à cette lutte. La littérature et la culture sont des moyens puissants de sensibiliser, d’inspirer et de créer des espaces de liberté. La poésie devient alors un acte de résistance, un instrument de conscience, et un pont vers un monde où les femmes peuvent exister pleinement, dans tous les aspects de leur humanité.

Quelques poèmes de Rim Gomri traduits par mes soins

Rim Gomri
La poétesse Rim Gomri en reine berbère, image générée par l’Intelligence artificielle.

Je sais que je deviens une femme lassante
Quand je commence à compter mes ratages
À poser les pièges de l’étonnement dans la vie
Et à réarranger mes faux pas
Tu devrais te cacher derrière mes cauchemars
Et écrire mon nom sur les rochers de ta vie
Comme si elle était de deux mille ans. 

Je peux encore
Arranger ton enfance comme je l’entends
Et prétendre avoir fait partie de l’histoire
Mais
Quand je m’assois seule sous la pluie
Je réalise que j’ai beaucoup menti
Et que nous ne sommes
Qu’une coïncidence esthétique
Dans le tableau d’un artiste inconnu
Nous ferons de nombreuses guerres
Et nous ensevelirons les corps de nos proches
Dont les pas ont parcouru des routes lointaines
Je peux aussi affirmer que je possède la sagesse et que Dieu me visite souvent dans mes rêves
Et que je suis ta seule femme depuis une éternité
Mais tu seras un rebelle
Portant son destin sur ses épaules
Fuyant les pièges de l’amour
Le cœur lourd de passion
Peut-être réalises-tu maintenant
Que plus je m’allège du poids de ton amour
Plus tes chaînes se resserrent

***

Une idée au ciel

Un point lumineux plus petit qu’une étoile
Des grands yeux comme un balcon ouvert sur l’âme
Des longs cils, épais comme une nuit noire.
J’ai examiné toutes les parties de mon corps à sa recherche
J’ai fait de mes côtes une maison pour lui
J’ai attendu qu’il me sourit
Puis qu’il pleure avec force
Pour le serrer contre moi et qu’on s’endorme
Mais c’est désormais une idée au cœur de l’invisible.

Il pénètre mes pensées
Il fait monter ma tension de nouveau
Il me murmure à l’oreille des mots que je transforme en poésie.
Je verrouille la porte
J’entre en hibernation
Jusqu’à ce que l’idée devienne sa main.
Je l’attendrai demain à la lisière du temps
Avant que d’arriver à la limite de l’âge
Quand ses yeux me fixeront longuement
L’idée descendra de son piédestal
L’étoile tombera dans mes bras. 

***

Cela fait vingt ans que j’essaye d’aller bien
Cela fait vingt ans que j’écris des poèmes
Que le vent a volés
Je les ai beaucoup pleurés et puis je les ai oubliés dans la bousculade des jours

Cela fait vingt ans que je poursuis le visage de l’amour
Je tombe sur des hommes dont le cœur me fait défaut

Depuis vingt ans, je cherche le sens de la vie dans les dictionnaires de langues, réarrangeant les traits de mon visage, vaporisant des parfums et changeant les couleurs de mes vêtements, puis me perdant dans la cohue de la ville.

Vingt hivers, suivis de vingt printemps, puis vingt étés et automnes, et je surveille encore les vieilles routes et les trottoirs, et je compte les pas des passants.

Vingt ans pendant lesquels j’ai rendu visite à des médecins, des cheikhs et des voyants, sans trouver de réponse à mes cauchemars.

Vingt ans que je me cherche sans me retrouver encore

***

Chaque nuit, une âme s’envole, un poète pleure et le ciel aussi

Le désert s’étend sur les corps assoiffés, le poète pleure ses poèmes qui le fuient. Une femme seule se tient devant le miroir, parle à son ombre, prend de mes années à venir et ramène à mon visage ses regards, il ne reste du poème que les rides de la vieillesse.

Le poète marche à la lumière d’une étoile lointaine, écrivant sur les rides de la lune et sur les souhaits d’une âme errante qui se pose sur l’épaule du poème et lui murmure redonne à la femme solitaire sa jeunesse et brise le miroir.

Le poème se termine dans un lendemain qui ressemble aux rides de la vérité sur le corps du temps.

***

Siège

Les villes m’assiègent et mon âme se sent à l’étroit sur la Terre
Je fuis ma peur, je traverse de longues routes
Je cherche le nom d’une ville
À accrocher comme une amulette sur ma poitrine.

J’ai dit : je m’en irai vers les montagnes
Afin qu’elles me protègent de la séparation,
Mais l’eau s’est moquée de mes pas
Et m’a entourée de toutes parts.

J’ai cherché un prophète pour me sauver,
Qui me fasse une promesse de paradis ou d’enfer,
Mais je ne connaissais que des apôtres
Qui ont suivi des fausses ombres,
Alors je les ai égarés.

Facebook
Lazhari Labter
Lire aussi
Poètes sur tous les fronts 
Regarder sur Souffle inédit
Vidéo
Partager cet article
Suivre :
Souffle inédit est inscrit à la Bibliothèque nationale de France sous le numéro ISSN 2739-879X.
Aucun commentaire