La Folle Journée ou Le Mariage de Figaro au Théâtre La Scala Paris

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Photo : Ambre Reynaud

Créée à la veille de la Révolution française, La Folle Journée ou Le Mariage de Figaro n’a rien perdu de sa charge critique. Mise en scène par Léna Bréban et portée par Philippe Torreton, la pièce de Beaumarchais révèle une modernité troublante : domination sociale, violences faites aux femmes, abus de pouvoir et hypocrisie morale s’y lisent comme un miroir tendu à notre époque.

Un Figaro pour aujourd’hui : quand Beaumarchais redevient une arme

La Folle Journée ou Le Mariage de Figaro au Théâtre La Scala Paris

La Folle Journée ou Le Mariage de Figaro au Théâtre La Scala Paris
Photo : Ambre Reynaud

« C’était hier mais c’est aujourd’hui. »

La formule résume à elle seule l’intention de cette mise en scène. Sous l’apparente légèreté de la comédie, Beaumarchais déploie un théâtre de combat où s’affrontent classes sociales, désirs, intérêts et abus de pouvoir. Figaro, valet audacieux, veut épouser Suzanne. Mais le comte Almaviva, lassé de son épouse, tente de reprendre un privilège qu’il prétend avoir aboli : le droit du seigneur. Autour d’eux, les intrigues se multiplient, révélant un monde où l’ordre social protège les puissants et expose les plus vulnérables.

Léna Bréban ne cherche pas à moderniser artificiellement le texte ; elle en révèle la violence déjà inscrite. Le vaudeville devient une mécanique implacable où s’exposent la corruption de la justice, l’écrasement des plus pauvres et l’hypocrisie d’une société qui feint la morale tout en tolérant les abus. Le rire, omniprésent, n’adoucit rien : il aiguise au contraire la portée politique de la pièce.

La question féminine occupe ici une place centrale. Suzanne, Marceline, la Comtesse ou encore la très jeune Fanchette évoluent dans un monde où elles doivent sans cesse composer avec les assauts masculins, la pression sociale et les arrangements imposés. Beaumarchais observait déjà cette réalité ; la mise en scène de Léna Bréban la rend visible sans discours appuyé, laissant le texte parler de lui-même.

Philippe Torreton incarne un Figaro à la fois vif, insolent et profondément lucide. Son jeu navigue entre jubilation et gravité, rappelant que l’intelligence et l’humour sont aussi des armes de survie. Autour de lui, la troupe fonctionne comme un ensemble solidaire, donnant à la pièce son souffle collectif et son énergie continue. Chaque personnage, même secondaire, participe à cette fresque sociale où rien n’est anodin.

La scénographie, les lumières et la création sonore accompagnent ce mouvement sans l’alourdir, laissant toute sa place à la langue de Beaumarchais : précise, rapide, mordante. Chérubin, figure de l’adolescence troublée par le désir, traverse la pièce comme un révélateur des contradictions morales de ce monde adulte. Le comte, quant à lui, devient l’incarnation glaçante d’un pouvoir sûr de son impunité.

Deux siècles plus tard, Le Mariage de Figaro continue de poser la même question : jusqu’à quand ? Jusqu’à quand les privilèges, la domination et le silence ? Fidèle à l’esprit de Beaumarchais, la réponse passe par le théâtre : rire, non pour oublier, mais pour comprendre. Et rappeler que, parfois, la comédie dit plus vrai que le drame.

Texte : Beaumarchais
Adaptation et mise en scène : Léna Bréban
Avec : Philippe Torreton, Marie Vialle, Éric Bougnon, Grétel Delattre, Salomé Dienis Meulien, Annie Mercier, Jean-Jacques Moreau, Grégoire Œstermann / Pascal Vannson, Antoine Prud’homme de La Boussinière, Jean-Yves Roan

Agenda

La Folle Journée 
Théâtre La Scala Paris
Du 30 décembre 2025 au 4 janvier 2026

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Souffle inédit est inscrit à la Bibliothèque nationale de France sous le numéro ISSN 2739-879X.
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