Adieu à Annie Le Brun

Adieu à Annie Le Brun : Une Voix Surréaliste S’éteinte

Annie Le Brun, écrivaine, poétesse surréaliste et critique littéraire est décédée, lundi 29 juillet 2024, à 81 ans.

« Je n’ai rien à dire et encore moins quelque chose à dire » Annie Le Brun

Annie Le Brun, écrivaine et poétesse française, est décédée le lundi 29 juillet 2024, laissant derrière elle un héritage littéraire riche et influent. Née le 10 septembre 1942 à Rennes, elle fut une figure emblématique du surréalisme et une voix incontournable de la littérature française contemporaine.

Annie Le Brun : « Nous vivons au milieu d’une prison d’images »

Le Brun a commencé sa carrière littéraire dans les années 1960, s’imposant rapidement comme une penseuse audacieuse et une poétesse de grand talent. Sa rencontre avec André Breton en 1963 fut déterminante, l’intégrant au mouvement surréaliste auquel elle resta fidèle tout au long de sa vie. Elle fut l’une des rares femmes à se faire une place au sein de ce cercle très masculin, apportant une perspective unique et profondément personnelle à la poésie surréaliste.

Son œuvre est marquée par une exploration constante des thèmes de la rébellion, de la liberté et de l’imagination. Parmi ses œuvres les plus notables, on peut citer « Le Ventre de la hache » (1981), un recueil de poésie qui illustre son style provocateur et son refus des conventions littéraires, ainsi que « Lâchez tout » (1977), un manifeste surréaliste qui appelle à une libération totale de l’esprit et des contraintes sociales.

Le Brun était également connu pour ses essais critiques incisifs. Dans « La Folie en tête » (2001), elle analyse avec brio les œuvres de Sade, Bataille et autres figures emblématiques de la littérature transgressive. Son travail critique se distingue par une profondeur d’analyse et une capacité à déceler les enjeux cachés des textes qu’elle étudie.

En dehors de ses écrits, Annie Le Brun a contribué à de nombreux projets artistiques, collaborant avec des peintres, des photographes et des cinéastes pour repousser les frontières de la création artistique. Son engagement envers la cause féministe et son combat contre toutes les formes d’oppression ont également marqué son parcours.

Le décès d’Annie Le Brun est une perte immense pour le monde littéraire et artistique. Elle laisse derrière elle une œuvre foisonnante, témoignant de son esprit libre et de son insatiable quête de vérité et de beauté. Ses écrits continueront d’inspirer et de défier les générations futures, perpétuant ainsi l’héritage d’une femme qui n’a jamais arrêté de se battre pour l’émancipation de l’esprit et de l’imagination.

Sa disparition est une occasion de revisiter son œuvre et de célébrer une carrière qui a profondément marqué la littérature française et le surréalisme. Annie Le Brun restera à jamais une figure majeure, une voix singulière dont l’écho résonne encore et toujours dans le paysage littéraire et artistique mondial.

Poème choisi

Ici, une seule chose est claire : on ne passe pas de l’autre côté du miroir.

Inutile d’insister.

Les hordes du temps peuvent piaffer,

où qu’on se tourne,

des bourrasques de noir, des éboulements de noir, des envols de noir ,

des nuées de noir, des coulées de noir, des rafales de noir…

Soulèvement des choses avant les frémissements du silence ?

Effondrement de l’espace avant les murmures du vide ?

Parfois, seul un arbre retient la fuite des perspectives.

Heureusement qu’il y a encore des lacs dépolis pour contenir la profondeur des ciels brûlés.

Mais quand arrive le vent, le vent sombre qui fait ployer l’échine des paysages

et gonfler en outre de néant la moindre silhouette,

tout ce qui s’attarde devient dépouille pour échapper à sa juste mesure.

Cela vaut aussi pour les couleurs qui progressent en rousseurs noires,

en grisailles noires, en sanguines noires…

Lentement, elles se détachent de l’horizon.

Lentement, elles se dégagent des formes.

Lentement, elles se déchargent des signes.

Et il n’est plus de reflet qui ne se laisse engloutir par le noir,

il n’est plus d’ombre qui ne se laisse dépecer par le noir.

Photo de couverture @ WIKIMEDIA