À partir du 30 mai 2025, les abonnés d’Apple TV+ peuvent découvrir Bono: Stories of Surrender, un documentaire musical et intimiste signé Andrew Dominik, présenté en avant-première au Festival de Cannes.
Bono: Stories of Surrender, : un récit d’une vie en musique sur Apple TV+
Bono, entre l’ombre et la lumière
Réalisé par le cinéaste néo-zélandais, ce film en noir et blanc transcende le simple portrait d’artiste pour devenir une œuvre scénique et cinématographique à part entière, portée par la voix et la présence magnétique du leader de U2.

Adapté du spectacle Stories of Surrender: An Evening of Words, Music and Some Mischief…, ce seul en scène autobiographique donne à voir Bono sous un jour inédit. Seul sur scène, entouré de quelques fauteuils et d’une table, il convoque les figures fondatrices de son existence — son père, sa femme Alison, ses compagnons de route, les membres de U2 — tout en interprétant les titres emblématiques qui jalonnent sa trajectoire. Le dispositif est simple, mais d’une efficacité saisissante : ici, le récit prend corps dans le verbe, dans la musique et dans une mise en scène qui conjugue théâtralité, confidence et mémoire.
Le film s’ouvre sur une note grave : l’évocation de l’anévrisme de l’aorte qui, en 2016, aurait pu lui coûter la vie. De cet épisode douloureux, Bono tire un prologue poétique, presque incantatoire. La maladie devient point de bascule, révélatrice d’une foi mise à l’épreuve et d’un corps vulnérable. Le chanteur se fait alors conteur, slameur, passeur d’émotions.
Tout au long de Stories of Surrender, Paul Hewson — de son vrai nom — revisite les lieux sensibles de sa biographie. La perte précoce de sa mère, l’intransigeance affective d’un père chanteur d’opéra, les débuts de U2 dans un Dublin post-punk, sa rencontre avec Alison, devenue sa femme et sa boussole. À ces éléments biographiques se mêle le récit d’un éveil politique. Bono revient sur ses engagements humanitaires, son voyage en Éthiopie avec Ali à la suite de Live Aid, et sa lutte constante contre la pauvreté et la dette. L’artiste n’élude rien, ni les contradictions, ni les doutes. Il les assume avec une sincérité qui fait la force du film.

Fondé en 1976, U2 est bien plus qu’un groupe de rock. Aux côtés de The Edge, Adam Clayton et Larry Mullen Jr., Bono a construit un univers sonore reconnaissable entre tous, mêlant guitares cristallines, spiritualité et énergie contestataire. De Sunday Bloody Sunday à One, le groupe irlandais a su incarner les tensions d’une époque tout en renouvelant sans cesse son langage musical. U2, c’est aussi une aventure collective au long cours, traversée par l’amitié, l’audace et une fidélité rare.
La musique, bien sûr, occupe une place centrale. Accompagné du Jacknife Ensemble — Kate Ellis au violoncelle, Jacknife Lee aux claviers et percussions, Gemma Doherty à la harpe —, Bono revisite le répertoire de U2. With or Without You, Pride, Beautiful Day, Out of Control, Desire… Autant de titres réarrangés avec délicatesse, portés par une interprétation à la fois retenue et incandescente. Chaque chanson devient ici un chapitre de vie, une confession amplifiée par le pouvoir des mots et des harmonies.
La mise en scène d’Andrew Dominik joue subtilement de la dualité entre l’intime et le spectaculaire. En filmant Bono dans l’épure du théâtre, en le dédoublant parfois à l’écran, le cinéaste crée une mise en abyme vertigineuse, qui donne à voir les coulisses de la création autant que son éclat. Le film devient ainsi une célébration de l’art total — celui qui unit récit, jeu, musique et image — et redéfinit les contours du documentaire musical.
Avec Bono: Stories of Surrender, Apple TV+ offre un écrin singulier à une figure majeure de la scène rock mondiale. Mais ce que révèle surtout ce documentaire, c’est la capacité de Bono à se raconter avec humilité et panache, à mêler la foi et le doute, l’intime et le politique, le deuil et la lumière. Un autoportrait en clair-obscur, à la hauteur d’une légende vivante.