Le musée d’Orsay consacre une exposition à Gabrielle Hébert, figure longtemps reléguée au second plan de l’histoire artistique, mais dont l’œuvre photographique compose l’un des premiers récits visuels de la Villa Médicis. Un parcours sensible qui éclaire, de 1888 à 1908, une pratique intime devenue témoignage historique.
À Paris, Gabrielle Hébert dévoile sa Villa Médicis : images d’une vie entre art, amour et exil
Du 28 octobre 2025 au 15 février 2026, le musée d’Orsay réunit pour la première fois un ensemble majeur d’images réalisées par Gabrielle Hébert, née von Uckermann en 1853. Peintre amatrice avant son mariage avec Ernest Hébert en 1880, elle découvre la photographie à Rome, dans l’effervescence de la Villa Médicis. Ce geste, pratiqué avec constance pendant vingt ans, devient pour elle un territoire d’expression, une manière de tenir journal, d’observer le monde et de fixer l’intimité d’un lieu où se croisent artistes, modèles, visiteurs et pensionnaires.

À la fin du XIXᵉ siècle, le recours à l’instantané séduit écrivains et créateurs. Gabrielle Hébert s’empare à son tour de ce médium. À la Villa Médicis, elle organise les réceptions du directeur tout en s’affranchissant progressivement de ce rôle social. Elle acquiert son propre appareil, apprend auprès d’un professionnel romain et installe une chambre noire avec un pensionnaire de son âge. À partir de 1888, ses agendas témoignent d’une pratique quotidienne, presque compulsive : elle photographie tout ce qui compose son environnement immédiat.

Son regard explore tous les genres, du nu au paysage, de la nature morte aux mises en scène. Mais la singularité de son œuvre réside avant tout dans la manière dont elle observe la Villa Médicis de l’intérieur. Elle y saisit le travail des pensionnaires, la circulation des modèles, le passage des visiteurs, la présence familière des animaux. À travers elle, le palais apparaît comme un espace de création, de formation et de diplomatie culturelle, à un moment clé de la relation entre la France et l’Italie récemment unifiée.
Ernest Hébert, son époux de près de quarante ans son aîné, occupe une place centrale dans ses images. Alors qu’elle participe à son travail de peintre en posant, en préparant ou en retouchant ses toiles, elle en fait également le sujet principal de ses photographies. Elle renverse ainsi les rôles traditionnels : c’est elle qui observe, cadre et documente, saisissant l’artiste dans toutes les situations — séances de pose, promenades, rencontres, moments de solitude au bureau. Cet ensemble compose un portrait continu d’un homme et d’un couple dans leur espace de vie et de création.
Lorsque le couple revient en France, Gabrielle Hébert interrompt progressivement cette pratique, tout en continuant à photographier son mari jusqu’à sa mort. Son dernier grand ensemble d’images est réalisé en Espagne en 1898, voyage où se lit un regard déjà influencé par les premiers mouvements du cinéma.
L’exposition adopte un parcours chrono-thématique allant des débuts à la Villa Médicis jusqu’aux ultimes prises de vue à La Tronche. Elle montre comment la photographie a offert à Gabrielle Hébert une position d’autrice dans un univers où la création restait largement masculine. Ses clichés composent une mythologie personnelle, mais aussi le premier véritable reportage visuel sur la vie de la Villa Médicis.
Les tirages originaux — souvent au format 9 × 12 cm — sont accompagnés d’albums, agendas, plaques de verre, appareils et agrandissements réalisés à partir de négatifs non exploités par la photographe. Des peintures et dessins d’Ernest Hébert, ainsi que des objets personnels, complètent ce récit. L’ensemble révèle une œuvre longtemps ignorée et pourtant essentielle pour comprendre la vie quotidienne de l’Académie de France à Rome.
Conçue en partenariat avec le musée Hébert à La Tronche, cette exposition rejoindra ensuite la Villa Médicis à Rome, où elle prendra tout son sens.
Agenda
Du 28 octobre 2025 au 15 février 2026
Musée d’Orsay
62 rue de Lille, 75007 Paris
Photos @ Wikimédia / Wikimédia
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