Emilia Perez film de Jacques Audiard
Emilia Perez de Jacques Audiard
Un film plein de surprises
Par Djalila Dechache
Emilia Perez film de Jacques Audiard a reçu au Festival de Cannes 2024 : Prix du Jury et Prix d’interprétation féminine aux quatre actrices, Karla Sofia Gascon, Zoé Saldana, Adriana Paz et Selena Gomez.
Emilia Perez n’est pas un film comme les autres, c’est une aventure filmique, réalisée au bout de deux ans et demie de préparation, unique en son genre qui emporte dès l’obscurité faite dans la salle de projection par une bande-son envoûtante.
Dès que l’on évoque le Mexique, l’imaginaire collectif veut qu’on l’associe à la pègre des narcotrafiquants. Et c’est bien réel.
L’avocate Rita Moro Castro est spécialisée dans la défense de criminels à Mexico. Elle vivote auprès d’un avocat véreux dont elle écrit le texte des plaidoiries. Manitas del Monte, marié, père de famille et chef de cartel mexicain en fuite, la rapte et lui impose d’organiser les conditions de la chirurgie de changement de sexe afin de vivre la vie dont il a toujours rêvé : devenir une femme.
Feu-Manitas del Monte, devient Emilia Perez, tente de réparer le passé qu’il a causé en créant une association d’aide aux victimes des cartels, la Lucecita, la Lueur.
Une fois le Pitch posé, on ne dit rien du plus important c’est-à-dire de la réalisation de ce film à la fois chanté et dansé, aux chorégraphies au millimètre avec des actrices remarquables, des danseurs expérimentés, des amateurs et des figurants.
En sortant du tribunal, Rita se pose plein de questions sur sa vie, son travail, la société mexicaine, elle ne se sent pas à sa place. Elle parle, chante, danse avec une réminiscence de chœur grec derrière elle qui reprend ses propos.
Et l’on est emporté, et l’on respire plus fort, le cœur tape au fond de la poitrine, c’est palpitant. Des émotions rarement ressenties. On passe de Mexico à Bangkok, Londres, puis en Suisse pour se faire oublier, soit toutes les places fortes nécessaires à un changement à 180 degrés.
Le chirurgien refuse dans un premier temps puis il demande à rencontrer Manitas dont il ne sait rien.
Chansons, danse et harmonie
Tout au long du film, les émotions fusent, jamais les mêmes que ce soit pour le sujet, les acteurs, le cadre, les chansons rien n’est stable cela change tout le temps avec des rebondissements, des péripéties et des changements de registre passant du film noir au film chantant et dansant sans que cela soit une comédie musicale et sans que cela gêne quiconque. Cela semble naturel. Le chant et la danse interviennent à des moments-clés, ils viennent apporter le changement rêvé ou voulu dans le cours de la vie des protagonistes. Tout se passe très bien, les effets sonores et de lumières, les raccords sont subtils l’ensemble agit comme une partition musicale. Même les enfants d’Emilia chantent avec elle le soir pour s’endormir.
C’est un film magnifique, bourré de surprises, de belles scènes touchantes, d’ambiances inattendues, de l’amour et de la tendresse, il y a de la bagarre aussi, du sang, des coups de feu, c’est rapide, on n’a pas le temps de s’appesantir que déjà on est ailleurs. C’est d’une maîtrise de tous exceptionnelle. Une distribution à couper le souffle et une histoire comme il en est peu.
Le réalisateur a tout utilisé intelligemment y compris comment il a chorégraphié le bruit et le mouvement des kakachnikov lors d’une descente punitive pour retrouver Jessica et Emilia. C’est très fort et très réussi aussi. Et surtout on se pose la question du cinéma français : où en est-il ?
La panne de la créativité, de l’inventivité aurait-elle sonné le glas du cinéma français et cela depuis un moment déjà ? Alors on se rabat sur la facilité de comédies bien vite oubliées pour se donner bonne conscience. Le spectateur ne bouderait plus les salles s’il y avait davantage de films comme celui-ci qui parle à notre être le plus profond, qui donne à réfléchir, que nous aimons beaucoup, loin de ceux à effets spéciaux d’un monde hypothétique portés par des noms de vedettes du star-Système côtés en Bourse, beaucoup plus rentables certes puisque c’est ce qu‘ils rapportent en termes de gros sous, qui constitue la variable d’ajustement au Box-Office sans même en mentionner le nom du réalisateur !
Dans ce film, mise à part Zoé Saltana (Rita Moro Castro) merveilleuse actrice est hyper convaincante, Séléna Gomez (Jessica del Monte dites Jessie) non-actrice un peu en dessous, Karla Sofia Gascon (Manitas et Emilia) sublime actrice espagnole et Adriana Paz (Epifania) inconnue au bataillon : toutes les quatre ont reçu le Prix d’interprétation féminine au Festival de Cannes 2024, présidée par l’actrice et scénariste américaine Greta Gerwig, sans tête d’affiche, ni starlette ou acteur viril, le plus important est ailleurs et on le reçoit bien vite au bon endroit : au cœur et à notre faculté de réflexion sur la différence, l’autre cet inconnu, notre voisin sans doute.
On notera également les chansons et musiques magnifiques signées de la chanteuse Camille et Clément Ducol pour lesquelles ils ont obtenu le Prix Soundtrack Festival de Cannes; Et que, l’actrice espagnole Karla Sofía Gascón, primée pour le prix d’interprétation féminine du Festival de Cannes pour le film, porte plainte contre la femme politique française Marion Maréchal, après des propos transphobes que cette dernière a tenus à la suite de cette distinction.
Distribution
Titre original et francophone : Emilia Pérez
Réalisation : Jacques Audiard
Scénario : Jacques Audiard
Adapté du roman « Écoute » Boris Razon Editions Stock
Musique : Camille et Clément Ducol récompensés par le prix Cannes
Soundtrack pour les chansons et compositions lors du Festival de
Cannes.
Supervision musicale : Pierre-Marie Dru
Chorégraphie : Damien Galet
Direction artistique : Virginie Montel
Décors : Emmanuelle Duplay
Costumes : Virginie Motel
Photographie : Paul Guilhaume
Montage : Juliette Welfling
Son : Erwan Kerzanet, Aymeric Devoldère, Cyril Holtz
Langue originale : espagnol, anglais, français
Photo de couverture : Crédit @ WIKIMEDIA
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