Sylvester Stallone – Tulsa King
Tulsa King Ou l’éternelle jeunesse de Sylvester Stallone
Les lundis mensuels d’Hyacinthe
Stallone, encore et toujours
Beaucoup considèrent Sylvester Stallone comme un acteur ringard. Pour eux, les sagas Rocky, Rambo ou Expendables n’existent pas. Ce serait, au mieux, une série de films d’action qui incarnent tant bien que mal l’idéologie militariste et le triomphalisme américain, tous deux portés par Hollywood. Il y a certes du vrai dans ces critiques, si bien que Hot shots ! 2, sorti en 1993, réalisé par Jim Abrahams et mettant en vedette Charlie Sheen, est le premier à révéler le ridicule de ces entreprises américanocentristes aussi démesurées que complètement invraisemblables. N’oublions pas non plus le Monsieur Sylvestre des trop regrettés Guignols de l’info, qui incarnait l’arrogance américaine dans toute sa splendeur. Mais (car il fallait s’attendre à ce qu’il y en ait un), nous sommes nombreux à ne pas avoir attendu Creed et le Golden Globe d’or du meilleur acteur dans un second rôle, attribué, en 2016, à Sylvester Stallone pour sa huitième interprétation de Rocky Balboa, pour admettre le talent de l’acteur.
Ce dernier est bel et bien réel. En témoigne sa carrière qui n’a pas pris une ride depuis le début des années 70, mais aussi sa capacité de se régénérer. Ainsi, le voici à l’affiche d’une mini-série de neuf épisodes d’une quarantaine de minutes chacun. Il faut avouer qu’il est l’une des dernières stars à avoir tenu le coup face à la déferlante des séries qui ont attiré au cours de cette décennie la plupart des grands acteurs et réalisateurs, faisant ainsi du petit écran, voire des tablettes et téléphones les écrans les plus en vue du monde.
Une série originale
On pouvait nourrir des doutes sur l’idée de cette nouvelle série, Tulsa King, qui peut se résumer en ces termes : Dwight Manfredi, surnommé « Le Général », vient de sortir de prison où il a passé 25 ans. Cet ancien membre de la mafia new-yorkaise est cependant contraint de s’exiler à Tulsa dans l’Oklahoma. Il va y rassembler sa propre « famille » pour développer un empire criminel.
Il y a de quoi faire la moue et ne pas trop y croire, mais dès les premiers instants quelque chose se passe et la mayonnaise prend : à l’instar de Marlon Brando ou de Robert de Niro, Sylvester Stallone remplit bien son rôle, excelle même. Oui, peut-on dire, il a la gueule de l’emploi et arrive à nous convaincre tant la culture littéraire et philosophique qu’il a accumulée derrière les barreaux se marie à merveille avec son potentiel criminel. Tout cela sans tomber dans la facilité ni l’invraisemblance. C’est que tout a l’air d’être savamment dosé et bien partagé entre Stallone et ses compères. Aussi, très vite, se lie-t-il avec un jeune homme, Tyson, interprété par Jay Will, ainsi qu’avec le propriétaire d’un dispensaire de marijuana légal, Lawrence Geigerman alias Bodhie, qui commence par se faire racketter par Dwight Manfredi, avant de devenir lui aussi son associé.
C’est de fait la force du caractère du Général qui ne laisse pas indifférent : soit on l’adule et le suit, à l’instar de l’agent du ATF (Bureau of Alcohol, Tobacco, Firearms and Explosives), Stacy Beale, incarnée par l’excellente Andrea Savage, qui s’entiche de lui et va jusqu’à vouloir le couvrir ; soit on l’abhorre et cherche à l’éliminer par tous les moyens.
À ce titre, le personnage interprété par Sylvester Stallone est des plus passionnants car il illustre bien les livres, textes et citations auxquels il se réfère. S’il cite, par exemple, L’Art de la guerre, c’est qu’il porte le nom du général Dwight Eisenhower, qualifié du « plus grand général du XXe siècle », parce que ses parents sont fiers d’émigrer aux États-Unis et d’avoir droit au rêve américain.
Du grand art
Nous n’allons pas spoiler, pardon ! nous voulons dire que nous ne souhaitons pas gâcher le plaisir de nos lecteurs qui sûrement voudront regarder la série. Ce que nous voudrions en revanche dire, c’est que la qualité technique de la série, créée par Taylor Sheridan, le scénariste de Sicario réalisé par Denis Villeneuve et de Comencheria réalisé par David Mackenzie, est indéniable : tous les outils techniques sont au service de l’intrigue qui, d’un épisode à un autre, ne cesse de s’amplifier, de s’intensifier, de nous tenir en haleine.
Nous pouvons bien sûr nous attendre à ce que le héros, incarné par Sylvester Stallone, l’emporte à la fin, mais voilà que ce n’est pas évident : le happy end ne s’impose pas forcément, annonçant une deuxième saison qui, elle, sera plus que bienvenue. Un phénomène filmique nous a pour ainsi dire captivé dans Tulsa King, celui de l’effet « anempathique » de la musique qui, souvent douce et captivante, à l’instar du chef-d’œuvre de Phil Collins, « In the air tonight », accompagne une fusillade d’une certaine violence. Cela a lieu à deux ou trois reprises dans la série, ce qui rend ce procédé à la fois pertinent et constructeur dans un monde qui va naturellement de la lumière aux ténèbres, de la douceur (enfants, chevaux, dîners copieux et vins à volonté) à l’extrême violence. Sans doute est-ce à l’image des États-Unis d’Amérique, pays où tout est possible, le meilleur comme le pire, à commencer par ce couple de policiers véreux à la botte du chef charismatique et néanmoins criminel psychopathe du gang des motards, Caolan Waltrip, magistralement interprété par Ritchie Coster.
Oui, nous avons aimé cette série, d’autant plus que la ville de Tulsa, dans l’Oklahoma, est traversée par la route 66. Voilà de quoi raviver de bons vieux souvenirs car, entre l’Amérique de Jack Kerouac et celle de Sylvester Stallone, c’est à peine une question de point de vue.
Crédits photos Tulsa King
Cinéma