Adèle Exarchopoulos, une trajectoire singulière

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Adèle Exarchopoulos - Festival de Venise 2025 - Photo : LucaFazPhoto / Wikimédia

Révélée très jeune par La Vie d’Adèle, Adèle Exarchopoulos aurait pu rester associée à un rôle fondateur. Elle a au contraire bâti une trajectoire faite de déplacements, de ruptures et de choix contrastés, s’imposant comme l’une des actrices françaises les plus mobiles de sa génération.

Adèle Exarchopoulos : construire une carrière après « La Vie d’Adèle »

Par la rédaction

Née en 1993 à Paris, Adèle Exarchopoulos commence à tourner dès l’enfance. Ses premières apparitions, notamment dans Boxes de Jane Birkin (2007), s’inscrivent dans un cinéma intimiste, attentif aux visages et aux silences. Cette précocité ne la place pourtant pas immédiatement dans un parcours balisé. Elle alterne très tôt télévision, films indépendants et rôles secondaires, sans stratégie apparente de visibilité.

Cette période de formation discrète précède une rupture décisive. En 2013, La Vie d’Adèle d’Abdellatif Kechiche marque un tournant. Le film reçoit la Palme d’or à Cannes et lui vaut le César du meilleur espoir féminin. Le succès est mondial, mais l’exposition est brutale : le rôle dépasse le cadre du film et tend à définir l’actrice malgré elle.

Après la reconnaissance, le refus de l’enfermement

Plutôt que de capitaliser sur cette notoriété par des rôles similaires, Exarchopoulos emprunte une autre voie. Elle choisit des films souvent contrastés, parfois modestes, parfois plus exposés, mais rarement attendus. Orpheline d’Arnaud des Pallières, Les Anarchistes d’Élie Wajeman ou Le Fidèle de Michaël R. Roskam témoignent d’un goût pour les personnages ambigus, souvent pris dans des tensions morales ou sociales.

Cette diversité n’obéit pas à une logique de genre mais à une attention portée aux situations : femmes en déséquilibre, figures traversées par le doute, personnages rarement héroïsés. L’actrice ne cherche pas à lisser son image. Elle accepte des rôles rugueux, parfois dérangeants, où le jeu prime sur l’adhésion immédiate.

Entre cinéma français et productions internationales

À partir de la fin des années 2010, Adèle Exarchopoulos élargit progressivement son champ de travail. Elle tourne en anglais, notamment dans The Last Face de Sean Penn, puis dans Passages d’Ira Sachs. Ce dernier film, sorti en 2023, confirme sa capacité à s’inscrire dans un cinéma international d’auteur, fondé sur l’observation fine des relations humaines.

Travailler dans une autre langue ne modifie pas son registre mais déplace son jeu. Elle y conserve une forme de retenue, un rapport très physique au rôle, sans chercher à adapter son identité à un marché spécifique. Cette circulation entre territoires cinématographiques participe de sa singularité : Exarchopoulos ne devient pas une actrice « exportée », mais une actrice en mouvement.

Une filmographie comme cartographie d’une génération

En filigrane, sa carrière dessine aussi une cartographie du cinéma français contemporain. Elle travaille avec des cinéastes confirmés comme avec de jeunes réalisateurs, traverse le drame social, le film sentimental, la comédie, sans hiérarchie affichée. Cette souplesse contribue à faire d’elle une figure difficile à classer, éloignée des modèles traditionnels de carrière ascendante ou de starisation maîtrisée.

Sans discours théorique ni posture militante explicite, son parcours interroge néanmoins la place des actrices aujourd’hui : comment durer sans se répéter, comment évoluer sans se figer dans une image, comment rester disponible au cinéma plutôt qu’à sa propre représentation.

Une présence durable, sans démonstration

Plus de dix ans après sa révélation, Adèle Exarchopoulos n’est ni une icône figée ni une actrice en retrait. Elle occupe une place singulière, faite de continuité et de déplacements successifs. Sa trajectoire repose moins sur la performance visible que sur une constance : celle de choisir des rôles qui déplacent son centre de gravité.

Dans un paysage cinématographique souvent soumis aux logiques de reconnaissance rapide, son parcours rappelle qu’une carrière peut se construire dans la durée, par ajustements successifs, sans bruit excessif ni récit imposé.

Photo de couverture @ Wikimédia
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Souffle inédit est inscrit à la Bibliothèque nationale de France sous le numéro ISSN 2739-879X.
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