Icône du rock américain, Bruce Springsteen inspire un biopic sobre et introspectif. Springsteen : Deliver Me from Nowhere, porté par Jeremy Allen White, révèle l’homme derrière la légende, à travers la genèse tourmentée de l’album Nebraska.
Jeremy Allen White incarne Bruce Springsteen
Un Springsteen habité, entre solitude, douleur et renaissance
Chez Bruce Springsteen, on ressent une force vive et authentique, une tendresse sincère pour l’humain, qui se dégage de tout ce qu’il fait. Véritable figure emblématique des routes américaines, il clame depuis cinquante ans la noblesse des travailleurs, la mélancolie et l’espoir. Le septième art s’intéresse à lui avec Springsteen : Deliver Me from Nowhere, un film biographique réalisé par Scott Cooper, qui se concentre sur un tournant décisif de son existence : la composition de l’album Nebraska, en 1982.
Le film, sorti le 22 octobre, s’inspire du livre de Warren Zanes, qui explore l’état d’esprit du musicien à cette époque. Derrière le succès planétaire de Born to Run et Darkness on the Edge of Town, Springsteen traverse alors une période de doute et de repli. À 32 ans, seul dans sa maison du New Jersey, il enregistre sur un simple magnétophone des chansons nues, sombres, d’une sincérité désarmante. Ces morceaux deviendront Nebraska, un disque culte, miroir de ses blessures intimes.

Jeremy Allen White, qu’on a découvert dans la série « The Bear », joue un Springsteen mélancolique, vulnérable et discret. Il est loin du showman qu’on connaît, il incarne plutôt un homme déchiré entre la célébrité et un sentiment de vide. « Bruce Springsteen est en proie à une bataille intérieure, celle d’un enfant qui essaie de bâtir la famille qu’il n’a jamais vraiment eue, » explique l’acteur. Cette lutte donne au film sa puissance émotionnelle : c’est l’histoire d’un homme qui écrit pour ne pas se perdre.
Scott Cooper ne tombe pas dans les pièges habituels des films sur la vie des musiciens. Pas de concerts grandioses, mais plutôt un regard profond sur l’artiste quand il est seul. Le réalisateur montre les paysages du New Jersey, comme une image du trouble intérieur du chanteur : routes vides, ciels sombres, maisons silencieuses. Tout est vrai et simple, comme dans l’album Nebraska.
La musique est très importante. Chaque chanson semble être un aveu. Les mots d’Atlantic City ou Highway Patrolman disent la difficulté de la vie, l’idée de la culpabilité, et la chance d’être pardonné. Avec ces chansons, Springsteen dépasse sa tristesse pour parler de ce que vivent les gens, de l’Amérique oubliée, de ces vies modestes qu’il a toujours soutenues.
Springsteen : Deliver Me from Nowhere s’inscrit dans la lignée des grands portraits d’artistes en crise, à la manière de I’m Not There ou Control. Mais ici, tout repose sur la retenue. Jeremy Allen White ne cherche pas à imiter Springsteen : il l’interprète de l’intérieur, dans sa pudeur et sa tension contenue. Son jeu tout en nuances redonne chair à l’homme derrière le mythe.
Le film s’inscrit dans la mode des films sur la vie de musiciens, comme Bohemian Rhapsody ou Bob Marley: One Love, mais il est plus simple. Alors que d’autres films mettent en avant la réussite, celui-ci montre la fragilité et la façon dont la création aide à surmonter ses problèmes.
En montrant les difficultés de Bruce Springsteen, Deliver Me from Nowhere explique pourquoi on l’appelle « le Boss ». Pas le chef, mais celui qui se bat, qui fait de belles choses avec le désordre et transforme la souffrance en musique.
Et lorsqu’à la fin, le silence s’installe, on comprend que le film n’est pas seulement l’histoire d’un musicien, mais celle d’un homme qui, face à la nuit, a choisi la lumière.



