Cinéma

Erige Sehiri, l’invitée de Souffle inédit

Rencontre avec Erige Sehiri 

« Pour faire des films, il faut surtout avoir une sensibilité qui capte la vie sans arrêt »

Erige Sehiri est une réalisatrice et productrice franco-tunisienne. Avec sa société de production, HENIA, elle développe des documentaires d’auteur, récompensés notamment à Visions du Réel, l’IDFA, Cinémed… En 2018, son premier long-métrage documentaire, LA VOIE NORMALE, est resté à l’affiche durant six semaines dans les cinémas tunisiens. En 2021, elle écrit, tourne et produit son premier long-métrage de fiction, SOUS LES FIGUES, et remporte plusieurs prix de post-production à la Mostra de Venise (Final Cut in Venice). Elle est ensuite sélectionnée pour la 54e Quinzaine des Réalisateurs à Cannes 2022.

Rencontre 

Souffle inédit. Qu’est-ce qui vous a donné envie de faire du cinéma ?

Erige Sehiri. Imaginer les histoires qui se déroulent devant ma fenêtre au 9e étage de l’immeuble où j’ai grandi dans la banlieue de Lyon. La fenêtre comme un écran de cinéma où l’on doit deviner, imaginer ce qui se dit.

Souffle inédit. Des études en administration des affaires et une formation en réalisation de documentaires deux domaines si différents. Quel est l’apport de vos études en administration des affaires à votre succès au domaine du cinéma et de la création ?

Erige Sehiri. J’ai fait des études de finances pour rassurer mes parents. J’ai travaillé dans une banque et j’ai finalement démissionné après quelques années. Je suis devenue journaliste et cela m’a ouvert les portes du film documentaire et ensuite de la fiction. Pour faire des films, il faut surtout avoir une sensibilité qui capte la vie sans arrêt. Et toutes les expériences qu’on a pu avoir ou les études qu’on a suivies seront utiles d’une manière ou d’une autre.

Souffle inédit. Parlez-nous de votre expérience dans la réalisation de films documentaires ? Envisagez-vous faire d’autres films documentaires ?

Erige Sehiri. Même si je me concentre désormais sur des projets de fiction, je réaliserai certainement d’autres documentaires. Il arrive souvent que la réalité soit bien plus percutante que la fiction. Mais la fiction permet plus de libertés. Cela-dit, le documentaire mérite d’être valorisé davantage.

Souffle inédit. Etre à la fois réalisatrice, scénariste et productrice, cela a contribué à la réussite de votre projet de film « sous les figues » ?

Erige Sehiri. Ce film n’a pas été écrit de manière classique, le scénario s’écrivait au fur et à mesure du casting, des répétitions et du tournage.

Il fallait donc que je le porte aussi comme productrice pour convaincre des partenaires éventuels. Il fallait prendre des risques. En étant productrice, j’ai plus de libertés dans les choix que je fais mais aussi dans la manière dont le film est fabriqué. Je peux choisir de ne pas suivre les modèles classiques de production mais tout adapter à ma propre réalité.

Souffle inédit. Parle-nous d’Erige Sehiri, la scénariste ?  À quoi songez-vous en premier lors de l’écriture d’un scénario : le sujet, les personnages, les situations, les lieux, la problématique ?

Erige Sehiri. Souvent, je pense à un lieu, une atmosphère et en même temps à des personnages qui évoluent dans cet univers. Le sujet, la problématique et l’enjeu arrivent plus tard.

Souffle inédit. Dans «Sous les figues» vous vous intéressez au travail de la femme rurale, un travail informel qui évoque plusieurs problèmes à la fois : du politique aux problèmes sociétaux de l’héritage culturel et de la relecture des traditions ; pensez-vous qu’un film pourrait changer des choses ou des opinions ?

Erige Sehiri. Je l’espère, sinon je me sentirai un peu inutile. Je crois surtout que ce film peut servir à briser certains stéréotypes qu’on peut avoir sur les femmes des zones rurales mais aussi les hommes. C’est comme un instantané du pays aussi, un travail de mémoire qu’on aimerait revoir plus tard.

Souffle inédit. Vous avez offert à des jeunes tunisiennes et tunisiens une opportunité d’or : de s’exprimer, de se connaître et de se trouvez stars ; mais ce n’était pas « une aventure » de se hasarder avec un tel casting pour faire votre premier film ?

Erige Sehiri. Une belle aventure. Et c’est toute la magie du cinéma. La manière dont le film s’est fait est aussi importante que le film. Le verger de figuier était comme une scène de théâtre où des gens pouvaient s’exprimer, jouer, improviser, apprendre à dialoguer, se regarder et devenir de manière inattendue des acteurs et des actrices. C’était très beau à voir durant les répétitions et le tournage. Tout était cueillette dans ce film, même le montage.

Souffle inédit. « Sous les figues » est un film simple, bien ficelé, proche du réel et pas coûteux. Est-ce que c’est une tendance d’une nouvelle façon de faire du cinéma ?

Erige Sehiri. Je ne sais pas si c’est une tendance, cela a déjà été fait auparavant. Mais je crois que si l’on veut s’affranchir d’un système, on doit trouver d’autres manières de faire du cinéma. Parfois, cela fait du bien de revenir aux origines du cinéma des Frères Lumières : un seul décor, des gens qui travaillent, des entrées et sorties de champs. C’est amusant de faire un film qui soit à la fois contemporain et ancestral, comme la cueillette des figues.

Souffle inédit. Après la grande réussite de votre premier long-métrage, Vous êtes reconnue comme réalisatrice de film ; qu’en est-il de votre prochain projet ? Envisagez-vous d’explorer d’autres sentiers ?

Erige Sehiri. Je suis très heureuse du succès de Sous les figues. Je prépare mon prochain long métrage, et il faut tout recommencer de nouveau. Comme un artisan ou un peintre qui réfléchit à une nouvelle toile. A la différence, qu’on doit constituer toute une équipe et emporter les autres dans notre vision du monde.

Photo de couverture ERIGE SEHIRI @Fabrice Mertens

La cinéaste

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Souffle inédit

Magazine d'art et de culture. Une invitation à vivre l'art. Souffle inédit est inscrit à la Bibliothèque nationale de France sous le numéro ISSN 2739-879X.

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