Mohammad Bakri est décédé le 24 décembre 2025 au centre médical de Galilée à Nahariya, à l’âge de 72 ans. Palestinien né en Galilée, il a marqué le théâtre et le cinéma par son engagement constant pour la mémoire et la représentation des réalités palestiniennes, à travers des rôles puissants et des documentaires qui ont suscité débats et controverses.
Mohammad Bakri : Hommage à une voix libre du théâtre et du cinéma
Mohammad Bakri, acteur et réalisateur palestinien engagé (1953‑2025)
Né en Galilée en 1953 au sein d’une famille musulmane, Mohammad Bakri était citoyen israélien. Son engagement constant en faveur de la cause palestinienne l’a cependant conduit à des confrontations répétées avec les autorités israéliennes.
Formé au théâtre et à la littérature arabe à Tel-Aviv, il s’impose rapidement sur les scènes, aussi bien dans des théâtres arabes que dans des institutions israéliennes. Cette reconnaissance lui ouvre les portes du cinéma, où il construit une carrière dense entre productions européennes, films tournés en Israël et projets internationaux. Il est notamment dirigé par Costa-Gavras, Paolo et Vittorio Taviani, et apparaît dans la série française Le Bureau des légendes (saison 3).
Parmi ses rôles les plus marquants figure celui d’un détenu palestinien dans Au-delà des murs (1984) d’Uri Barbash, une interprétation saluée par la critique en Israël comme à l’étranger pour sa retenue et sa justesse.
Jénine, Jénine et l’engagement documentaire
La notoriété internationale de Bakri s’affirme avec son documentaire Jénine, Jénine (2002), consacré aux événements dans le camp de réfugiés palestiniens de Jénine pendant la seconde Intifada. Le film, donnant la parole aux habitants, a été attaqué en justice en Israël et interdit de diffusion en 2022, la Cour suprême le qualifiant de « diffamatoire ». Présenté dans des cinémathèques, il demeure un tournant de sa carrière et un symbole de son engagement pour la mémoire et la parole des Palestiniens.
Il a également réalisé plusieurs autres documentaires centrés sur la vie et les droits des Palestiniens citoyens d’Israël, toujours avec une approche attentive aux récits individuels et à la réalité historique.
Un héritage familial et artistique
Mohammad Bakri était père de six enfants, dont trois sont acteurs, notamment Saleh Bakri. Plusieurs d’entre eux ont partagé l’écran avec lui, poursuivant la lignée artistique familiale. Reconnu comme une « voix libre » par les médias arabo-israéliens, Bakri considérait l’art comme un moyen de conscience et de confrontation, non comme un simple divertissement.
Son parcours témoigne d’une trajectoire où talent, engagement et exigence artistique se mêlent, laissant un héritage durable dans le théâtre et le cinéma, ainsi que dans la réflexion sur l’histoire et l’identité palestiniennes.
La trace d’une voix libre
Mohammad Bakri restera dans les mémoires comme un artiste dont le regard et l’engagement ont traversé les frontières et les conflits, portant une voix qui continue d’inspirer la création et la réflexion sur la mémoire et la représentation. Son œuvre, oscillant entre théâtre, cinéma et documentaire, illustre combien l’art peut être un acte de conscience et de résistance.



